II. Impact de la dynamique d'habitat sur les espaces
agricole.
L'avancée du bâti et la consolidation de l'usage
d'habitat sur les terres de la zone ont pour conséquence la
réduction des espaces agricoles.
1. La réduction des espaces agricoles
Trois étapes marquent l'occupation des espaces
agricoles dans le département de Rufisque, conditionnées en
grande partie par les dynamiques démographique.
-La première époque se place dans les années
1978-1999.
Elle est caractérisée par les premières
vagues d'exodes ruraux dans la région de Dakar. Cette époque
coïncidait aussi avec la politique de peuplements initiés par
certains chefs de village dans la zone (Niague-Peulh) pour permettre aux
villages de survivre et se développer. Dans cette première
époque, les surfaces importantes qu'occupaient les espaces agricoles
s'expliquaient par la pratique de la culture vivrière. La zone n'avait
qu'un centre urbain qui était la ville de Rufisque entourée par
de petits villages. La pratique de la culture vivrière s'expliquait par
le fait que les populations issues de l'exode rural ne voulaient pas changer
leurs habitudes et continuaient ainsi à mener ce type de culture. Les
terres étaient moins convoitées, la valeur foncière
était très faible, à cause, d'un faible taux de la
population dans la région, presque toutes les grandes villes de la
région de Dakar avaient un double aspect urbain et rural.
-Mais cette situation changea dans les années 1999 et
2000 avec une forte urbanisation dans le département de Rufisque qui
impacta négativement sur les surfaces de cultures qui perdirent 1/32
(GRDR ,2015) de leur superficie. Ces années 2000 ont
coïncidé avec les différents
52
programmes de logement de l'état (relogements des
victimes de l'inondation et de l'autoroute à péage).
Durant notre enquête la majeur partie des ménages
trouve que la croissance démographique à Dakar et sa banlieue
constitue l'une des déterminantes de la spéculation
foncière dans leur zone. Cette croissance démographique a fini
par causer la cherté du logement ce qui a poussé une certaine
catégorie de la classe moyenne à se déplacer vers les
villes secondaires et surtout dans la bande rurale du département de
Rufisque qui s'est entretemps fortement connecté avec le centre-ville de
Dakar grâce aux infrastructures routiers et aux outils de transports
disponibles et moins coûteux. Les populations ont alors changé de
types de cultures en adoptant le maraîchage, l'arboriculture à
cause d'un climat favorable et de la baisse de la pluviométrie sur les
années.
-2013 - 2020: la forte urbanisation notée dans les
années 99 à 2000 s'est plus qu'accentuée avec l'enjeu que
constituent l'accès au logement et la volonté de l'Etat de
désengorger Dakar, avec la création de pôles urbains dans
le département de Rufisque. Aujourd'hui, la région de Dakar perd
en moyenne 60 ha de terres agricoles par an5. Malgré qu'il
vise à promouvoir l'agro-business et l'éco-tourisme, le
pôle urbain de lac rose promeut l'accès aux logements. Cette
politique même si elle semble maîtrisée et
équilibrée, crée des dynamiques hors de contrôle
au-delà du pôle, et qui sont du ressort des promoteurs, des
propriétaires terriens, qui voyant que leur terre n'est pas en
sécurité, le vendent pour des projets de lotissements. Ainsi,
beaucoup de terres qui servaient aux activités agricoles furent
aménagés, morcelés aux bénéfices de
l'habitat. Les superficies emblavées pour le maraîchage dans la
région de Dakar sont passées de 617 ha en 2004 à 6,97 ha
2014, ce qui représente un recul de 610 ha en valeur absolue en dix ans
6 .Selon les statistiques tirées de nos cartes d'occupation
du sol des deux communes 2531,16 hectares restent pour l'instant comme espace
agricole dans la commune de Tivaouane-Peulh -Niague, environs 5% de la
superficie. La superficie occupée par l'agriculture est sensiblement
plus forte dans la commune de Bambilor avec 9% de la superficie, environ
4440,15 hectares. Les grands espaces comme le titre foncier Berthin qui
englobait beaucoup de vergers, sont en train d'être morcelés. Une
partie des villages à forte activité agricole, comme le village
de Mbeye connaisse une réduction de leurs espaces agricoles et un
changement d'usage progressif de leur terre en usage d'habitation. Cependant,
l'activité
5 Diop.D (isra) panel sur « le foncier agricole face
à l'urbanisation ». 2018
6 Situation Economique et Sociale de la région de
Dakar (Service Régional de la Statistique et de la Démographie de
Dakar : 2004 et 2014).
53
agricole persiste toujours dans les villages se situant vers
le Nord des deux communes, cela s'explique par un taux d'urbanisation faible et
un manque de services pouvant favoriser d'autres activités comme le
commerce ou les métiers d'artisanats. Ces villages n'ont pas encore fait
l'objet d'une convoitise de la part des promoteurs et le prix du mètre
carré dans ces zones est relativement bas. La rentabilité de
l'activité agricole ne pousse pas encore dans ces contrées, les
propriétaires à vendre leur terre.
54
Carte n° 2 : Occupation du sol de la
commune de Tivaouane-Peulh -Niague

Sources : United State Geological
Survey(USGS) ESA : SENTNEL 2 Février 2020
55
Carte n° 3 : Occupation du sol de la
commune de Bambilor

Sources : United State Geological
Survey(USGS) ESA : SENTNEL 2 Février 2020
56
Tableau no 6 : Statistique des
occupations du sol
TIVAOUANE-PEULH -NIAGUE
|
BAMBILOR
|
Noms-class
|
Area/hectare
|
Pourcentage
|
Area/hectare
|
Pourcentage
|
ZONE
MARAICHERE
|
2531,16
|
5%
|
4440,15
|
9%
|
PLAN D'EAU
|
5857,2
|
10%
|
2710,44
|
6%
|
BANDE DE FILAOS
|
3476,25
|
6%
|
1344,42
|
3%
|
TRAIT DE COTE
|
3063,87
|
5%
|
75,6
|
0%
|
SABLE DUNAIRE
|
3407,58
|
6%
|
80,82
|
0%
|
ESPACE NU
|
24890,13
|
44%
|
60850,26
|
49%
|
ZONE BATI
|
13503,6
|
24%
|
13548,06
|
27%
|
Sources : United State Geological
Survey(USGS) ESA : SENTNEL 2 Février 2020
Chapitre III: Les instruments et organes de
réglementation du foncier.
I. Les instruments de réglementations et de
planifications. A. Le cadre juridique
A.1 Un cadre juridique réglementé par
l'Etat.
1. : L'avènement de la loi sur le domaine
national et ces compléments.
L'instauration de la loi sur le domaine national en 1964 a
montré que la majeure partie des terres n'était pas
immatriculée, environs 99 % des terres étaient encore
considérés comme faisant partie du domaine national. Cette
situation prouvait le rejet de la population locale des politiques
foncière initiées par le régime colonial.
Cette absence d'appropriation des politiques foncières
par les populations a continué avec la loi sur le domaine national qui
était plus pour l'Etat un moyen de consolider son autorité en
diminuant le pouvoir des chefs coutumiers et préserver ainsi
l'intégrité du territoire qu'une politique inclusive prenant en
compte les spécificités et les aspirations de tous les
acteurs.
Ainsi, dans l'esprit du législateur, la LDN devait
contribuer à supprimer la propriété coutumière et
à permettre à l'Etat de mener son projet de développement
économique du pays, ce qui explique en partie les défiances des
populations surtout dans les zones rurales. Cependant, malgré ces
manquements dans sa mise en oeuvre, la loi sur le domaine national a
57
permis une meilleure équité dans l'accès
des terres en donnant la priorité à ceux qui la mettent en valeur
11.
La loi sur le domaine nationale modifiée en 1972 avec
l'institution des communautés rurales est caractérisée par
une division des terres en deux catégories à savoir : -
Les terres du domaine national, sont toutes les terres qui
n'ont pas fait l'objet d'immatriculation. Le domaine national couvrait à
l'époque 98 % du territoire sénégalais, ces terres sont
détenus par l'Etat qui s'assure de leur utilisation et leur mise en
valeur rationnelles, conformément aux plans de développement et
aux programmes d'aménagement. Leur appropriation est régie par la
loi qui donne à l'Etat la primauté de les immatriculer. Les
terres du domaine nationales sont divisées en quatre catégories
:
Ø Les zones urbaines
Ø Les zones du terroir
Ø Les zones pionnières
Ø Les zones classées
La réforme qui avait institué les
communautés rurales en 1972. Cette réforme comportait des
conditions qui encadreraient l'utilisation des terres qui doivent revenir aux
ressortissants du terroir Article 17 et ceux qui le mettent en valeur. D'autres
lois vont renforcer le statut des communautés en institutionnalisant
certains métiers propres dans les zones rurales7, ainsi,
elles vont reposer sur :
Ø La protection des droits d'exploitation des acteurs
ruraux et des droits fonciers des communautés rurales ;
Ø La cessibilité encadrée de la terre
pour permettre une mobilité foncière favorisant la
création d'exploitations plus viables ;
Ø La transmissibilité successorale des terres
pour encourager l'investissement durable dans l'exploitation familiale ;
Ø L'utilisation de la terre comme garantie pour
l'obtention du crédit. Elle permettait de sécuriser les zones
agricoles et de pâturages, la création du permis d'exploitant dans
les zones rurales de la commune aussi permettait de sécuriser les
espaces agricoles dans les périphéries. Ainsi, ce permis
d'exploiter8 est délivré de plein droit aux personnes
domiciliées sur le territoire de la commune qui exploitaient
personnellement à des fins
7 .La loi Sylvio-pastoral ou Loasp a été
adoptée en 2007
8 La création du comité rural dans les zones
urbaines
58
agricoles Art. 189.
2. La loi sur le domaine de l'Etat
Le domaine de l'Etat régi par la loi 1976, organise
les biens et droits mobiliers et immobiliers qui appartiennent à l'Etat.
Le domaine de l'Etat est composé par :
Le domaine public, qui comprend le domaine
naturel et artificiel.
Le domaine public peut faire l'objet d'un déclassement
.Le déclassement a pour effet d'enlever à un immeuble son
caractère de domanialité publique et de le faire entrer, s'il est
immatriculé, dans le domaine privé, ou dans le cas contraire,
dans le domaine national. L'immeuble déclassé et incorporé
au domaine national peut faire l'objet d'une réquisition
d'immatriculation au nom de l'Etat sans formalités préalables. Le
déclassement entraîne l'annulation de plein droit des titres
d'occupation de la dépendance du domaine public
déclassée.
Le domaine privé s'est les biens et
droits mobiliers et immobiliers acquis par l'Etat à titre gratuit ou
onéreux selon les modes du droit commun.
Le domaine privé, donne aussi la possibilité
à l'Etat de désaffecter ou affecter son domaine à ses
services décentralisés et déconcentrés. Mais cette
loi du domaine de l'Etat touche aussi le domaine privé de l'Etat non
affecté qui concerne les personnes privés. L'Etat peut donner ses
biens immobiliers privés non affectés avec une condition de mise
en valeur pour la personne qui en fait la demande. Cette procédure peut
prendre la forme d'une convention de location administrative ou l'attributaire
est tenue au paiement d'une redevance tout en étant, en phase avec les
plans de développement, d'urbanisme et d'aménagement. Ces types
de conventions administratives peuvent être des baux emphytéotique
ou ordinaire, de droit d'habiter, droit de superficie ou de concession.
La loi sur le domaine de l'Etat , consacre aussi
l'autorisation par l'Etat de la vente de terrains domaniaux situés en
zone urbaine destinés à l'habitation10, ce qui a
été repris par le décret n°87271 du 03 Mars 1987 .il
s'agissait à l'époque de céder les terrains
attribués par voie de bail (ordinaire ou emphytéotique), droit de
superficie ou permis d'habiter et qui se trouvaient
9 Décret n°66-858 du 07 Novembre 1966 portant
application de l'article 5 de la loi n°64-46 du 17 Juin 1964 relative au
domaine national et fixant les conditions de l'administration des terres du
domaine national à vocation agricole dans les zones urbaines.
10 Décret n°87-271 du 03 Mars 1987 portant
application de la loi n°87-11 du 24 Février 1987 autorisant la
vente de terrains domaniaux situés en zones urbaines destinés
à l'habitation.
59
dans des zones urbaines qui disposaient d'un plan directeur
d'urbanisme, ce pour avoir une croissance urbaine ordonnée et
maîtrisée.
A.2 L'amélioration des procédures du
régime de l'immatriculation.
1. L'évolution du régime de
l'immatriculation
Le cadre juridique qui réglemente le foncier au
Sénégal ne s'est pas démarré avec l'adoption de la
loi sur le domaine national, bien au contraire. La loi sur le domaine national
est le fruit d'un long processus qui a trouvé ses origines dans la
période coloniale avec l'adoption du code civil de 1830. En effet, ce
code donnait la primeur au français et assimilé pour régir
les tractations juridiques et économique portant sur des immeubles qui
se produisaient ou même s'étaient produites entre ces
Français assimilés et les autochtones africaines .Mais la
réforme n'eut pas le succès escompté à cause du
fait qu'elle laissait de côté les tenures coutumières et
les droits fonciers coutumiers. Le législateur voulut corriger ce
manquement et c'est dans les années 1900, qu'il instaura le
régime de l'immatriculation au livre foncier. Ce régime se basait
sur l'inscription en principe de tous les droits réels consacrés
par le droit français et les coutumes africaines. Cette nouvelle
réforme mettait en exergue la propriété individuelle en
omettant la propriété collective si importante dans les droits
fonciers coutumiers africains. Elle essaya de diluer les droits coutumiers
africains sur le droit positif. Le décret du 8 octobre 1925 alla dans ce
sens en organisant la constatation et l'établissement des droits
fonciers coutumiers.
Mais le droit sur la propriété foncière
va connaître un tournant important avec ce décret du 26 juillet
1932 qui remplace le décret du 24 juillet 1906 qui avait auparavant
remplacé le décret du 20 juillet 1900 abrogé. Ce
décret du 26 juillet 1932 va organiser la propriété
foncière en assurant aux titulaires la garantie des droits réels
qu'ils possèdent sur les immeubles, et en leur délivrant un titre
foncier définitif et inattaquable. Il permettait de mettre à la
disposition du public toutes les informations relatives à la
propriété immobilière, de faciliter les transactions et
d'assurer la sécurité du crédit.
Il y va aussi de la reconnaissance du droit coutumier par le
décret du 20 mars 1955 après plusieurs tentatives vaines de noyer
le droit coutumier. Ce décret va consacrer la reconnaissance
60
du droit coutumier en stipulant que leurs titulaires sont
libres de les conserver, que nul ne peut les obliger à les céder
à moins d'une expropriation pour cause d'utilité publique. En
dehors de la consécration du droit foncier coutumier, ce décret
va aussi organiser la propriété en différenciant les
droits de groupes privés et le droit privé ce qui est une prise
en compte de l'aspect collectif de la propriété propre au droit
coutumier. Ce long processus de politique foncière, montre les
tentatives infructueuses des autorités coloniales pour faire adopter le
régime foncier colonial au détriment du droit coutumier. Mais la
procédure de l'immatriculation va être réactualisée
et assouplie par la loi du 30 Mars 2011 portant régime de la
propriété foncière qui va organiser les procédures
d'immatriculations et garantir ainsi le droit des citoyens tout en enterrant
pour de bons les derniers espoirs du droit coutumier sous l'autel de la loi sur
le domaine national . Cette loi du 30 Mars 2011 va essayer sur la forme et sur
le fond ,d'harmoniser la loi sur le domaine national et le décret de
1932 en abrogeant l'article 4 du décret du 26 juillet 1932 qui
autorise « l'immatriculation des immeubles aux livres fonciers quel
que-soit I 'état ou le statut des propriétaires ou
détenteurs », et confirmer ainsi la loi sur le domaine national qui
donne le pouvoir à l'Etat comme seul habilité à
requérir à l'immatriculation à son nom des immeubles aux
livres fonciers . Cette corrélation entre la loi sur le domaine national
et le décret de 1932 concerne aussi avec la correction « des fonds
de terre bâtis ou non bâtis » qui étaient seuls
susceptibles d'immatriculation sur les livres fonciers, par « les
dépendances du domaine national en nature de terrains bâtis ou non
bâtis ». La loi sur le régime de la propriété
foncière a aussi supprimé le droit à l'opposition
d'immatriculation.
Toutefois la loi sur la propriété
foncière maintient le service de la conservation de la
propriété et des droits fonciers qui assure aux titulaires la
garantie des droits réels qu'ils possèdent sur les immeubles
soumis au régime de l'immatriculation.
En dehors de ce cadre juridique d'autres instruments connexes
encadrent de manière rationnelle l'utilisation du foncier. Il s'agit du
code de l'urbanisme qui veille à un bon équilibre de l'occupation
du sol urbain, le code de l'environnement qui protège les zones
sensibles dans un contexte d'urbanisation fort. Mais il existe des instruments
qui sont plus actifs dans la mesure où elle participe à la mise
en place d'un véritable mécanisme d'auto-régulation, ces
instruments sont laissés à l'initiative de l'Etat ou de ces
organes décentralisés.
61
A.1 Un cadre juridique inadapté
1. Les imprécisions de la loi sur le domaine
national
Au-delà d'avoir permis à l'Etat de s'imposer
comme seul titulaire des terres au détriment des tenants du pouvoir
traditionnel et des anciens maîtres de la terre, la loi sur le domaine
national au fur et à mesure de sa mise en vigueur a soulevé des
incohérences et des limites dans les zones rurales et dans les zones
urbaines.
Ø Dans les zones rurales :
Il s'agissait dans les zones rurales d'une difficulté
d'interprétation liée à l'imprécision des textes.
La notion de mise en valeur par exemple des terres du domaine national a
causé une interprétation selon les appréciations des
conseils ruraux qui pouvaient refuser l'affectation de terres destinées
à l'élevage sous prétexte qu'il ne s'agissait pas d'une
mise en valeur. Aucune réglementation claire n'était venue
encadrer l'exercice par les conseillers ruraux de ses pouvoirs d'affectation et
désaffectation. De même que la condition d'être membres de
la communauté pour accéder à la terre était aussi
laissée à l'appréciation des conseillers ruraux. Certains
voyaient dans cette condition d'abord une volonté d'exclure des
Sénégalais sur des portions des terres du domaine national.
Ensuite, freiner le développement des communautés rurales qui ne
pouvaient de ce fait bénéficier d'investissement par exemple dans
le secteur agricole de personnes étrangères à la
communauté.
Même s'ils étaient vus par certains comme des
dispositions qui permettaient de protéger les ressources de la
communauté, ces deux conditions, pour utiliser les terres du domaine
dans les zones rurales ont soulevé de nombreuses critiques.
Par ailleurs, l'autre incohérence résidait dans
le système de transmission des terres du terroir. Il était
injuste que les héritiers de l'affectataire d'une terre de culture
soient obligés de demander au Conseil rural une nouvelle
délibération d'affectation telle énoncée dans les
textes.
Ø Dans les zones urbaines :
Dans les zones urbaines la méconnaissance des
populations de la procédure de la loi sur le domaine national a
été une opportunité pour l'Etat d'immatriculer des terres.
Le droit d'immatriculer, reconnu pendant six mois aux personnes qui avaient mis
en valeur leurs terres au moment de l'entrée en vigueur de cette loi
n'ont pas été suffisamment vulgarisées. Elles ne pouvaient
donc pas véritablement en profiter parce qu'elles n'en étaient
pas informées. C'est une première source d'injustice parce que
beaucoup de ces terres ont été ou pouvaient être
immatriculées par l'Etat.
62
La deuxième injustice découle de l'abrogation
par cette loi des articles 83 et 90 alinéa 13 du décret du 26
juillet 1932 qui avaient instauré les certificats administratifs. Ils
étaient délivrés par le Délégué du
Gouverneur du Sénégal aux « détenteurs
indigènes de terres » qui ont pu établir « par la
procédure de l'immatriculation, l'absence de droits opposables à
ceux qu'ils invoquent ».
L'abrogation de ces articles ne pouvait avoir et n'a jamais eu
pour effet de ne rendre nuls les certificats administratifs déjà
délivrés par l'autorité coloniale. Mais certains hauts
fonctionnaires de l'Etat s'en sont contentés pour s'autoriser à
les ignorer royalement, leur ôtant toute valeur juridique. Par
conséquent, ils ont considéré que les terres
concernées appartiennent au domaine national et en ont requis
l'immatriculation au nom de l'Etat qui y a ensuite consenti des baux au profit
de quelques initiés.
2. Le caractère nébuleux des
procédures d'immatriculation
Ce caractère nébuleux est mis en exergue par les
conflits fonciers qui opposent sur des terres de vastes superficies, les
détenteurs de baux et de titres fonciers aux populations locales, munies
d'actes de délibérations ou même bénéficiaire
d'une légitimité coutumière, longuement installées
dans une zone et ayant valorisé ces terres par d'importants
investissements. Ce caractère soulève même
l'inutilité des avis publics des enquêtés Commodo et
Incommodo, lorsqu'ils ne sont pas destinés aux populations de la zone
concernée par l'immatriculation. Ces avis publics,
réfugiés sous la coupe du dicton « nul n'est censé
ignoré la loi », posent les germes de futurs conflits fonciers. En
effet, les modes de transmissions des avis d'ouvertures d'enquête ne sont
pas portées à la connaissance des principaux concernés.
Ils sont dénoncés par les victimes qui disent ne pas être
informé de ces enquêtes qui se font à leurs insu et qui ne
les donnent pas l'occasion de faire des réclamations. Les avis ne sont
pas adaptés aux canaux de communication dans certaines zones.
En effet, les moyens de communications pour ces types d'avis
devaient être adaptés à celui des villages ou les lieux de
cultes, les places publiques sont des lieux de rassemblement et de partage de
l'information. Ces avis d'enquête commodo et incommodo devraient donner
une place de choix aux chefs de villages et aux délégués
de quartiers ainsi que les conseils de quartiers et dans une échelle
plus large, impliquer les communes concernées. Ces conflits sur les
natures juridiques des terres posent aussi un problème
d'équité sur le domaine de l'Etat et sur le domaine national
quant à la priorisation de l'accès à la terre aux premiers
occupants.
63
La mise en valeur des terres du domaine national et du domaine
de l'Etat est une obligation pour toute demande d'immatriculation. Mais avec la
recrudescence de ces conflits et la démolition par la Dscos, des
constructions des populations, fruits de lourds investissement au
bénéfice d'individus munis d'actes de baux récents et
délivrés après que les populations se soient
déjà installées sur la parcelle, et même parfois
tout en légalité, révèlent des incohérences
sur l'interprétation de la loi au profit des plus forts, ce qui remet en
question la pertinence d'octroyer des baux sur des terres déjà
mises en valeur par ceux qui les ont occupées sous réserve qu'ils
ne disposent pas d'actes de propriété.
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