IV. Les conflits entre promoteurs :
Ces types de conflits tournent autour de morcellements de
terre, de projets de lotissements chapeautés souvent par l'Etat ou la
commune concernée. Ils impliquent des promoteurs, des entreprises
immobilières qui sont en conflits pour l'occupation d'une terre.
L'exemple le plus récent est le différend qui oppose les
entreprisses Naby et Namorra sur une surface de 19 hectares. Ce conflit est
aujourd'hui au stade judiciaire. Ces types de litiges ont une importance
beaucoup plus grande que celui des particuliers qui mettent en jeu une
parcelle. Les conflits entre promoteurs concernent des centaines d'hectares et
remettent même en cause les actes prises par l'administration centrale et
locale à savoir les baux, les délibérations, les
autorisations de lotissements, etc. Ils soulèvent aussi une question de
hiérarchisation voir une opposition entre les actes
délivrés par les services des domaines et ceux
délivrés par la commune concernée bail, titre foncier Vs
acte de délibération, droit d'occuper.
L'issue de ces litiges est souvent favorable aux promoteurs
qui bénéficient d'un acte de propriété
émanant des agences du domaine (bail, titre foncier). Les
délibérations ne donnent droit que pour une occupation
précaire (droit d'occuper) mettant les populations dans une situation
assez délicate entre le marteau et l'enclume, obligées de se
déplacer et de perdre leurs investissements après décision
de la justice.
Dans notre zone, les projets de lotissements pour des
coopératives d'habitats sont nombreux. Ces projets sont parrainés
par des coopératives d'entreprises publiques ou privées
101
qui bénéficient de plusieurs hectares dans des
zones mettent parfois en péril toute possibilité d'extension des
villages, forcés donc de se cloîtrer dans leur limite.
1) Cas de litiges fonciers dans la zone.
Ces cas de litiges sont nombreux. Mais le plus grand litige
dans la zone concerne le litige sur le projet Namorra qui a des impacts
importants sur la commune de Tivaouane-Peulh -Niaga.
a) Cas d'étude : Les litiges Namorra dans la
commune de Tivaouane-Peulh-Niague:
Ce projet était porté par le groupe Namorra, une
société anonyme ayant comme RC N SN-DKR-2005-B 7178, NINEA 25001
232 R2. Le projet Namorra est né après les grandes inondations
dans la banlieue qui ont causé d'importants dégâts.
Ces inondations dans la banlieue et leurs conséquences
désastreuses avaient poussé L'Etat du Sénégal
à déplacer les victimes dans de nouvelles zones de recasement.
Tivaouane-Peulh-Niague ainsi que Jaxay avaient été choisi pour
abriter ces sites de recasement. C'était dans ce contexte que le groupe
Naby fut créé par Alioune Badara Badiane et Taboulé Sylla,
qui avait initié pour objectif d'initier des projets de logements. Ce
n'est qu'après la séparation de Taboulé Sylla et Alioune
Badara Badiane que ce dernier créa Namorra. Le nom Namorra comme Naby
fait référence au prophète Mohamed Rassouloullah. Le
projet de Namorra était l'un des plus ambitieux projets à son
époque tant sur le coût que sur la qualité des logements
qui devaient être livrés tels qu'ils ont été
présentés.
De nombreuses coopératives d'habitats s'étaient
inscrits sur le projet, des coopératives d'habitats d'entreprises
privées et publiques et d'autres organisations de la diaspora qui
avaient à coeur de détenir aussi des logements.
Aujourd'hui force est de reconnaître que ce projet est
le plus grand litige foncier de la commune de Tivaouane-Peulh-Niaga si ce n'est
le plus médiatisé dans la région de Dakar. Les litiges qui
concernent l'entreprise Namorra peuvent être divisés en trois
cas:
· Conflits entre le groupe Namorra et le groupe
Naby sur une superficie de 19 hectare tiré des 51 hectares du TF3629/R
d'un bail de l'Etat du Sénégal en date du 7 Août
2007.
Ce conflit trouve son origine dès le début de
la création du groupe Naby. Le groupe Naby avait été
fondé par Alioune Badara Badiane et Taboulé Sylla. Les deux
détenaient chacun 50 % de
102
l'entreprise et c'est sur cette base qu'ils ont eu au nom du
groupe Naby un bail de 51 hectares du TF 3629 d'une durée de 30 ans pour
des projets de logements.
Sur un commun accord, Alioune Badara Badiane décide
lors de l'assemblée générale du 08 Avril 2008 tenue au
siège de l'entreprise du Groupe Naby de sortir du groupe moyennant 19
hectares du Tf 3629 d'un bail de l'Etat Sénégal sur les 51
hectares et d'une somme de 12 millions déjà versé .
Il sort du groupe Naby et crée le groupe Namorra, il
lance son programme de logement nommé cité Namorra. Soutenu par
l'Etat du Sénégal et le président Abdoulaye Wade, il
s'approche des coopératives d'habitats des entreprises publiques,
privés et les organisations syndicales pour les proposer des logements.
Seulement la mutation en son nom des 15 hectares n'a pas suivi après cet
accord selon l'ex-directeur du groupe et c'est cela qui constitue aujourd'hui
le noeud du problème.
L'affaire est pendante devant la justice, un premier
procès a été gagné par le groupe Namorra. Mais le
groupe Naby a interjeté appel et la procédure suit son cours.
· Cas des 39 HECTARES en procédure de
bail.
Le litige est plus dû à des manquements
techniques et financiers pour terminer le projet. Des parcelles octroyés
et appartenant à plusieurs personnes et des maisons qui n'ont pas encore
étaient livrées, des occupations irrégulières de
parcelles par des personnes ne faisant pas partie du projet et qui
prétendent que les terres appartiennent à leurs ancêtres.
Actuellement, une farouche lutte oppose le groupe Namorra et les populations
qui occupent la zone. Une cartographie de la zone devait même se faire
pour mesure le niveau d'occupation de la zone, mais les tensions entre les
acteurs ont rendu impossible l'initiative.
· Cas des 118 hectares délibération
du conseil rural de Sangalkam
Cette délibération a été
effectuée lors de la délégation spéciale du conseil
rural de Sangalkam, cet acte a été annulé, l'annulation de
l'acte est toujours contesté par les proches d'Alioune Badara Badiane.
Les 118 hectares sont aussi aujourd'hui occupés par des habitations.
103
b) Les victimes du projet Namorra.
Les victimes sont des coopératives d'habitats. Elles
ont cru pertinente même de créer depuis 2014, un collectif afin de
défendre leurs intérêts, pour que les travaux de
construction de logements restants, puissent reprendre afin qu'elles disposent
de leur toit.
Aujourd'hui si le secrétaire du Sustsas Cheikh Seck
avance un chiffre de 3000 victime, l'ex-directeur technique du groupe Moussa
Yade va plus loin en estimant les victimes à 9000 personnes
réparties dans diverses coopératives .Ces victimes sont
constituées de coopératives des sénégalais de
l'extérieur ou d'entreprises publiques et privées, elles sont
très bien organisées.
Parmi les problèmes dont elles sont confrontées,
les victimes du projet Namorra font face à l'impossibilité de se
faire livrer leurs logements alors qu'elles avaient déjà
cotisé. La livraison de logements à certains ayants droits posent
problème .En effet certains voient les logements qui leur sont
attribués, faire l'objet d'une double ou triple attribution. En dehors
de ces difficultés dont font faces les victimes, la continuité du
projet sur le site rencontre un obstacle qui implique les populations locales
qui entretemps se sont installées dans la zone .En effet, Il existe une
tension entre ceux qui gèrent les intérêts de la
société Namorra et ceux à qui ils imputent d'occuper
illégalement ces terres, s'en est de même entre la
société Naby et Namorra malgré qu'une décision de
justice rendue soit favorable à cette dernière. Aujourd'hui,
chacun des acteurs campent sur ses positions. Mais au-delà de ces
questions, les litiges du projet Namorra rencontre deux obstacles :
- Le premier trouve son origine au début du projet. Les
services techniques surtout ceux du domaine et du cadastre n'avaient pas
été impliqué affirme Abdou Karim Kane, agent du cadastre
qui faisait partie de la commission qui avait pour mission de résoudre
ce conflit et d'indemniser les victimes.
- Le deuxième obstacle concerne le recensement exacte
des victimes du projet Namorra, les cotisations des victimes pour
l'accès au logement s'est fait par le biais des coopératives
d'habitats.
104
Tableau n° 7: Différentes
coopératives d'habitats impliqués dans le projet Namorra
Coopératives
|
Situation actuelle
|
Coopérative d'habitat des femmes de Paris (chfp )
:
|
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Coopérative d'habitat des ISC :
|
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Coopérative d'Atlanta
|
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Coopérative d'habitat de l'ONAS
|
En y incluant les 71 démissionnaires, 134
terrains sont à livrer
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Coopérative d'habitat de la SUTSAS :
|
Un accord a été signé entre Sutsas et le
groupe Naby pour 3000 logements type F3, 50 logements ont été
livré dont 16 qui font l'objet d'une double voir triple attribution
|
Coopérative d'habitat COTECNA
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65 terrains qui restent à être livrer
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Source : enquête Alassane Niang,
mémoire 2017
Chapitre III: : Des conflits révélateurs
de l'inefficacité de la gouvernance foncière.
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