II. Les conflits entre particuliers :
La fréquence de litiges fonciers liés à
des délits d'abus de confiance et d'escroquerie est assez
élevée dans la commune de Tivaouane-Peulh-Niague. De l'avis du
commandant de la gendarmerie de Tivaouane-Peulh -Niague « la commune
de Tivaouane-Peulh-Niague est même l'une des villes avec Mbour et
Diamniadio à avoir le plus fort de taux de litige foncier dans le pays
».
Le délit d'escroquerie et d'abus de confiance en
matière foncier, s'explique par l'insatisfaction de la forte demande
foncière. Il est fréquent de rencontrer dans la zone, des
parcelles en litiges, vendues à plusieurs personnes. L'importance des
actes de vente est une réalité dans le marché foncier,
certaines ventes sont conclues sans aucun autre acte de propriété
autre que celui d'une déclaration de vente légalisée et
signée par les parties. Ces types de transactions sont très
fréquents à Tivaouane-Peulh-Niague, alors que si la parcelle fait
partie du domaine national,
95
elle doit faire l'objet d'un acte de cession avec la
présence obligatoire du chef de village qui doit mener d'abord des
enquêtes avant d'aposter sa signature.
Dans la commune de Bambilor, les conflits entre particuliers
sur le foncier ne sont pas fréquents et sont souvent
étouffés par une résolution par voie amiable avant qu'ils
ne tombent sur les mains de la justice. Il faut aussi noter la
naïveté des victimes qui se laissent appâter par le
coût dérisoire des parcelles en deçà des prix
habituels du marché. Il en va aussi du manque de vérification sur
l'état juridique de la parcelle, si elle est du domaine national ou si
elle appartient à une autre personne.
Les peines infligées ne sont pas sévères,
elles durent 3 mois à 6 mois, et encouragent même les
récidives. En effet, certains préfèrent se sacrifier en
étant emprisonné à 3 mois ou 4 mois pour ensuite sortir et
profiter des sommes de 4 à 6 millions qu'ils tirent de la vente
illégale de ces parcelles.
La résolution de ces types de conflits est graduelle.
Les conflits sont d'abord résolus à l'amiable en donnant au chef
de village ou certains chefs coutumiers, le pouvoir d'accorder ou
réconcilier les parties. Ce n'est que si l'option à l'amiable
échoue, que l'affaire est portée à la justice avec une
plainte à la gendarmerie qui après une enquête la transmet
à la justice. Il arrive que lors de ces résolutions de conflits
par voie amiable que la victime soit dédommagée par une autre
parcelle en remplacement à la parcelle litigieuse.
III. Les conflits entre promoteurs et populations
locales.
Les vieillîtes d'accaparement des terres dans nos
communes, constituent pour les populations une menace pour leur avenir. Ce qui
crée des conflits souvent entre les communautés et certains
acteurs comme les promoteurs immobiliers. Ces types de conflits touchent
récemment les habitats. Les nombreuses opérations de
démolitions initiées par la Dscos, démontrent la
récurrence de ces conflits entre les populations et des entreprises
immobiliers. Les plus récentes dans notre zone concernent une opposition
entre les actes de baux, de titres fonciers délivrés par l'Etat
que les entreprises immobiliers et quelques dignitaires se prévalent
contre les actes de délibérations délivrés par
l'ancienne communauté rurale ou même très souvent
l'ancienne délégation spéciale brandie par les
populations. Ces populations qui se sont déjà installées
après avoir consenti d'énormes sacrifices, vont être
délogées et leurs habitations démolies souvent par ce que
la justice a donné raison aux détenteurs de baux ou de titres
96
fonciers. Mais seulement, ils arrivent que les actes de
délibérations brandis par les populations soient plus anciens que
les baux dont se prévalent les promoteurs ou autres dignitaires pour
mettre la main sur la parcelle litigieuse. Les populations s'installent
plusieurs années dans une zone, et même y consentir
d'énormes sacrifices en construisant leur maison sans qu'aucune ne
mesure de prévention ou de contrôle ne leur soit appliqué
pour éviter ces conflits. Cette situation concerne le conflit qui oppose
les populations de Darou Salam 2 extensions et la Sci (société
civile immobilière) qui veut expulser plus de 243 familles qui occupe
illégalement une partie
de son domaine TF N°11847/Dp d'une superficie de 80 942
m2 `'Tolou Abdoulaye Wade (ancien président de la
République).
La SCI dit détenir un titre foncier alors que les
habitants affirment aussi détenir des actes de propriété
qu'ils ont acquis auprès du président de la
délégation spéciale de Tivaouane-Peulh en 2012. Ces
conflits remettent en cause le principe qui donne la priorité d'occuper
les terres du domaine national, les personnes qui les mettent en valeur en
premier.
Quant aux conflits qui touchent les espaces agricoles, ces
types conflits sont moins médiatisés, mais ils sont
récurrents dans notre zone d'études et leurs issus se terminent
à l'amiable avec souvent une indemnisation des exploitants qui acceptent
à cause de manque d'actes de propriété. Mais ils arrivent
aussi que des projets de lotissement des promoteurs empiètent sur les
espaces agricoles ce qui créent des conflits très vifs.
Cependant, il faut reconnaître que très souvent
les agriculteurs et les promoteurs sont en étroite collaboration, car
les parcelles morcelées étaient jadis des vergers ou des champs
servant aux maraîchages ou à l'arboriculture.
Ces espaces agricoles, appartenant à des agriculteurs,
sont terrassés et morcelés avec leur bénédiction.
Ainsi, les promoteurs en véritables courtiers n'hésitent pas
à venir proposer des projets des morcellements avec des offres
alléchantes. Mais très souvent, la proposition peut provenir
même de l'agriculteur qui pour des raisons économiques ou que ces
terres ne disposent d'acte de propriété, propose aux promoteurs
de l'appuyer pour le terrassement et le morcellement de ses terres, moyennant
un pourcentage de parcelles.
a)
97
Cas d'étude : conflit fonciers entre la Socabeg
et les maraichers de Niaga-Wolof dans la commune de
Tivaouane-Peulh-Niague
Constitué majoritairement de Lebou, le village de
Niaga-Wolof fait partis des plus anciens villages de la commune de
Tivaouane-Peulh-Niague. Le maraîchage et le commerce sont les deux
activités les plus répandues dans le village. Le
développement de l'activité commerciale pourrait s'expliquer par
la position de carrefour du village et la route qui le rallie à lac
rose. La population est majoritairement composée d'agriculteurs, surtout
les autochtones ont accusé la Socabeg de faire une extension dans leur
périmètre agricole. La Socabeg avait un projet de lotissement
dans la zone et détenait même un titre foncier. Il
prévoyait d'étendre son projet sur l'espace agricole de 500
agriculteurs. Les populations se sont regroupées en collectif en tirant
des leçons sur le collectif "Sameu Sa Momel" de Bambilor relatif au
litige du titre foncier Berthin. Ils n'avaient pas choisi de président
de collectif par peur, disent-ils de se diviser. Par des médiations
successives auprès des hommes politiques, des chefs coutumiers comme le
grand Serigne de Dakar. La Socabeg a abandonné, son projet
d'extension.
b) Cas d'étude : conflits sur le titre foncier
1975 de Chevance Berthin dans la commune de Bambilor et ces
implications.
Historique et situation actuelle du domaine.
Selon le chef de village de Mbeye, l'histoire du titre foncier
Berthin a démarré en 1889. L'histoire de ce titre foncier
d'après le chef de village est née d'un conflit foncier qui
opposait Dior farine et Daour Ndao. L'avocat nommé Monsieur Verger qui
gérait la défense de Daour Ndao avait conclu avec ce dernier un
accord d'honoraire pour prendre en charge sa défense. Cet accord
stipulait selon le chef du village que Monsieur Verger devait être
payé, en terre pour ses honoraires par Monsieur Daour Ndao.
Après avoir gagné le procès qui
l'opposait à sa soeur, Daour Ndao récompensa l'avocat Verger d'un
kilomètre de terre, certains villageois disaient, qu'il s'agissait d'un
campement qu'il pouvait même identifier et délimiter. Ce n'est
qu'après les indépendances que le beau-fils de l'avocat Verger,
le général Chevance Berthin eu du président Senghor un
domaine de 25 hectares impliquant le domaine de l'avocat.
98
Le conflit qui oppose les héritiers du
général Ch .Berthin et la population commencèrent dans les
années 2000, lorsque les héritiers du Général
Berthin viennent réclamer le domaine qui englobait une partie importante
des villages de Bambilor, Gorom 2, Lac Rose Ngendouf, Déni Biram Ndao,
Wayembam, Mbeye, Déni gueth sud et Nord.
Par peur de se voir déposséder leur terre, les
populations de ces villages s'étaient retrouvées autour d'un
collectif nommé" Samm sa Momel" pour défendre leurs
intérêts. Elles ont rejeté la demande des héritiers.
Selon eux, il était impossible qu'un domaine d'un kilomètre de
terre localisé dans le village de Bambilor puisse être
allongé jusqu'à 25 km et englobait 7 villages tricentenaire ?
Elles ont donné leur propre version qui était
que ce "général de l'armée française de la
résistance, face à l'occupation allemande, qui avait des attaches
avec Léopold Sédar Senghor (ancien président du
Sénégal), a négocié un domaine d'environ 1
km2, grâce à un prêt de 100 millions de la BICIS.
Au bout d'une quinzaine d'années, Bertin a déclaré
faillite, c'est ainsi que ce domaine est devenu de droit aujourd'hui une
propriété de la BICIS". Ce qui leur fait dire que le titre
foncier des 25 km est basé sur du faux.
Zone touché :
Le titre foncier Berthin a regroupé plusieurs villages
à savoir les villages de Bambilor, Gorom 2, Lac Rose, Ngendouf,
Déni Biram Ndao, Wayembam, Mbeye, Déni Gueth Sud et
Nord.
Situation actuelle du titre foncier :
Pour sécuriser les villages qui le composent et
éviter d'éventuels conflits entre les villageois et les
héritiers, l'Etat du Sénégal a décidé en
2007 de lancer une opération d'expropriation pour cause d'utilité
publique. Il a indemnisé les héritiers du général
Ch. Berthin de plusieurs milliards à peu près l'équivalent
de 300 f le mètre carré puis d'immatriculer le titre en son
nom.
Actuellement, le titre foncier fait une superficie de 800
hectares et il est toujours en situation de morcellement depuis que l'Etat du
Sénégal l'avait acheté auprès des héritiers
de Ch. Berthin. Plusieurs titres ont été créés
à partir du titre foncier Berthin et les villages faisant partie du
titre foncier sont restés tels, quels sont (150 hectares) avec une
préservation de leur extension 50 hectares Déni Gueth, 40
hectares Bambilor et 50 hectares Gorom et Mbeye, etc.
99
Mais cette procédure d'expropriation n'eut pas l'effet
escompté à cause de nombreuses irrégularités, et
des impacts qu'elle eue sur la commune de Bambilor.
Les implications du litige du titre foncier
Berthin.
Tous les acteurs ont ressenti les implications du litige sur
le titre foncier Berthin. Pour l'Etat, c'est le rapport de L'IGE (2014), qui
est revenue sur les pertes de l'Etat et les nombreuses
irrégularités dans l'opération du rachat du domaine du
titre foncier. Ce rapport remet en question l'objectif même de l'achat
qui était non pas pour sécuriser les villages qui faisaient
partie du titre foncier, mais une opération spéculative visant
à enrichir les promoteurs que l'Etat avait cédé les
terres.
Ces promoteurs, sans avoir à respecter l'obligation de
mise en valeur qui conditionne un contrat de bail, revendent les terres aux
démembrements de l'Etat. Dans cette opération, selon le rapport,
l'Etat a perdu 30 milliards, car il n'a ni perçu les droits
d'enregistrement ni la taxe de plus-value immobilière. En effet, pour
les droits de mutation, les préjudices enregistrés
résultent, d'une part, d'une évaluation en dessous de la valeur
des parcelles - (minoration de la base imposable) et d'autres parts
d'exonération accordés sans fondement.
Pour la taxe de plus-value immobilière, comme les
promoteurs n'ont fait aucun investissement de mise en valeur de parcelles
allouées par l'Etat, les bénéfices récoltés
sur la vente ne devaient être taxé en se basant sur la
différence entre le prix d'acquisition et le prix de la cession.
L'expropriation du le titre foncier Berthin et les 2500
hectares immatriculés au nom de l'Etat a considérablement
réduit les possibilités de la commune de Bambilor et son rayon
d'action surtout sur le foncier dont elle tire la plupart de ces revenues.
Même si, le décret, numéro 2006100 en date du 03
février 2006, déclare d'utilité publique le domaine des 07
villages situés sur l'assiette du titre foncier 1975/R, ainsi que de
leurs dépendances et de l'espace nécessaire à leur survie
par l'attribution de titre foncier, la réalité est qu'aujourd'hui
que le domaine constitue une contrainte dans la politique de la commune et sur
la possibilité d'extensions des villages. De l'avis de Pathé Diop
du chef de village de Gorom 1 « les politiciens et les promoteurs ont
plus bénéficié de ces extensions dans les villages que les
populations ». Les activités des villageois, surtout les
activités agricoles sont les plus touchés par le litige sur le
titre foncier Berthin. L'attribution de titre foncier concernait uniquement les
villages et leur extension et non les exploitations en question, plus de 1042
exploitants s'activaient principalement dans l'agriculture, l'aviculture, la
transformation des produits laitiers s'étaient
100
installés dans ce domaine. Autrement dit
l'expropriation n'avait pas pris en compte les exploitations agricoles, elle ne
prévoit pas l'attribution de titres fonciers aux propriétaires
des champs. Dès lors, des exploitants et autres propriétaires,
400 personnes environ, avaient été sommés de quitter les
lieux par la DSCOS (direction de la surveillance et du contrôle de
l'Occupation du Sol).
Cependant, de nos jours, des exploitations occupent toujours
le domaine en attendant leur tour. Les vergers inclus dans le titre foncier
Berthin font toujours l'objet d'expropriation la plus récente est les
baux données par l'Etat du Sénégal aux entreprises de
Loca-Afrique et l'entreprise ABB pour des projets de lotissements de parcelles
dans le village de Mbeye. Pour l'activité, toute cette zone, qui englobe
le titre foncier, est considérée comme une zone à usage
d'habitation et sa procédure de régularisation nécessite
cette exigence.
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