Paragraphe 2 : Les modalités d'exercice de la
déclaration
L'obligation de déclaration des opérations
suspectes ainsi posée ne s'effectue pas au hasard, car, elle est soumise
à un régime particulier. A cet effet, nous nous
intéressons aux personnes concernées par la déclaration
(A), aux formes et mentions (B) ainsi qu'aux suites éventuelles que
pourrait avoir ladite déclaration (C).
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A - Les personnes concernées par la
déclaration de soupçon.
Trois catégories de personnes sont impliquées
dans la déclaration de soupçon. A savoir les assujettis, l'Agence
Nationale d'Investigation Financière et le Procureur de la
République. Ainsi, nous évoquerons ces personnes selon qu'elles
sont débitrices (1) ou créancières de l'obligation (2) de
déclaration de soupçon.
1- Les débiteurs de l'obligation
Toutes les personnes physiques ou morales qui, dans le cadre
de leur profession, réalisent, contrôlent ou conseillent des
opérations entrainant des dépôts, des changes, des
placements, des conversions ou tous autres mouvements des capitaux sont
assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et du
financement de terrorisme et par conséquent à l'obligation de
déclaration des opérations suspectes. Il s'agit entre autres, des
établissements de crédit, des entreprises d'assurances, des
administrations chargées des régies financières, de la
BEAC, des agents immobiliers, des agents sportifs, des agences de voyages, des
avocats, des notaires, des experts comptables, des conseillers fiscaux
etc.61.
Ces personnes assujetties sont appelées à
communiquer à l'ANIF et leur autorité de contrôle,
l'identité de leurs dirigeants et préposées chargés
de répondre aux demandes de ce service et de cette autorité et
d'assurer la diffusion aux membres concernés du personnel, des
informations, avis ou recommandations de caractère général
qui en émanent62. Ainsi, les assujettis désignent en
leur sein une personne habileté à faire la déclaration de
soupçon, mais toutefois, tout dirigeant ou préposé peut le
faire lorsque l'urgence l'exige63.
Les personnes débitrices de la déclaration de
soupçon n'adressent pas leur déclaration à tous organismes
mais, aux créanciers de ladite déclaration.
2- Les créanciers de l'obligation de la
déclaration de soupçon
Les textes régissant la prévention et la
répression du blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme
et de la prolifération désignent principalement l'ANIF (a) et
subsidiairement le Procureur de la République (b), comme étant
créanciers de la déclaration de soupçon.
a- L'Agence Nationale d'Investigation
Financière
61 Ces personnes sont énumérées
aux articles 6 et 7 du règlement CEMAC.
62 Conformément aux articles 84 al. 1 du
Règlement CEMAC et 41 al. 1 du Règlement COBAC.
63 Cf. art. 41 al. 2 Règlement COBAC.
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L'ANIF est la cellule de renseignements financiers
instituée par la législation communautaire64 et
consacrée par la législation nationale de chaque Etat
membre65. A cet effet, elle a pour mission de recevoir, de traiter
et le cas échéant de transmettre aux autorités
compétentes, les renseignements propres à établir
l'origine des fonds ou la nature des opérations faisant l'objet de la
déclaration de soupçon66.
Ainsi, l'ANIF est l'unique destinataire des
déclarations de soupçon des personnes assujetties par les
Règlements communautaires. Selon les articles 26 et 28 du
Règlement COBAC de 2005 relative aux diligences des
établissements assujettis en matière de lutte contre le
blanchiment des capitaux et financement du terrorisme, puis 83 et 86 du
Règlement CEMAC de 2016 portant prévention et répression
du blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme et de la
prolifération en Afrique centrale, les personnes assujetties au titre
des articles 6 et 7 du Règlement CEMAC sont tenus de faire leurs
déclarations à l'ANIF ; ce qui n'est pas le cas pour les
personnes non assujetties qui doivent faire leur déclaration directement
au Procureur de la République.
b- Le Procureur de la République
Au titre des personnes impliquées dans la
déclaration de soupçon, figure le Procureur de la
République. Le Procureur peut être impliqué dans la
déclaration de soupçon à deux niveaux.
Primo, lorsque les personnes déclarant une
opération suspecte ne sont pas celles des articles 6 et 7 du
Règlement CEMAC de 2016 précité. A cet effet, l'article 84
alinéa 5 dispose que « les personnes autres que celles
visées aux articles 6 et 7 du présent Règlement sont
tenues de déclarer au Procureur de la République les
opérations dont elles ont connaissances et qui portent sur des sommes
qu'elles savent susceptibles de provenir d'un crime ou délit ou
s'inscrire dans un processus de blanchiment ou de financement du terrorisme et
de la prolifération. Le Procureur de la République en informe
l'ANIF qui lui fournit tous les renseignements utiles ».
64 Aux termes de l'art. 65 du Règlement
CEMAC de 2016 « il est institué, dans chaque Etat membre, sous
la dénomination de l'ANIF, une autorité administrative,
placée sous tutelle du Ministre chargé des Finances. L'ANIF est
dotée de l'autonomie financière et d'un pouvoir de
décision sur les matières relevant de sa compétence
».
65 Les différents décrets nationaux
portant institution, organisation et fonctionnement des ANIF dans chaque Etat
membre. Pour le Cameroun, il s'agit du décret N°2005/187 du 31 mai
2005 portant organisation et fonctionnement de l'Agence Nationale
d'Investigation Financière. Pour le Gabon, c'est le décret du 22
septembre 2005 portant création de l'ANIF. Pour le Tchad, c'est le
décret N°07-107 du 02 février 2007 portant institution,
organisation et fonctionnement d'une Agence Nationale d'Investigation
Financière.
66 V. L'article 66 du Règlement CEMAC de
2016.
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Secundo, le Procureur de la République est
impliqué dans la déclaration de soupçon lorsque celle-ci
s'avère vraie après traitement par l'ANIF qui décide donc
de lui transmettre le dossier.
Les personnes concernées par la déclaration de
soupçon étant connues, reste à préciser les
exigences quant à la forme et mentions.
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