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La réglementation CEMAC relative à  la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Etude du cas des personnes politiquement exposées.


par HINASSOU MAHAMAT
Université de Dschang - Master 2 recherche en Droit des Affaires et de l'Entreprise. 2020
  

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PARTIE I : L'INSTITUTION D'UN DISPOSITIF ANTI-
BLANCHIMENT À L'ÉGARD DES PERSONNES
POLITIQUEMENT EXPOSÉES DANS LA ZONE CEMAC : UN
GAGE D'EFFICACITÉ

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Comme nous l'avons souligné plus haut, la criminalité financière a pris de l'ampleur dans le monde, car les criminels de tous genres développent et utilisent des moyens divers pour échapper aux autorités. Les délinquants utilisent leur connaissance et se servent des progrès technologiques pour parvenir à leur fin, contournant ainsi les moyens de prévention et échappent à toute punition. Cette criminalité financière ainsi développée sévit au-delà des frontières d'un seul Etat et acquière un caractère transfrontalier. De ce fait, elle utilise des moyens divers pour parvenir à ses fins. Pour lutter efficacement contre cette dernière, les Etats doivent utiliser des moyens similaires pour non seulement la prévenir, mais aussi pour l'éradiquer.

Des biens ou de l'argent provenant de la vente des drogues, des traites d'êtres humains, de la corruption et du détournement pourrait être introduit dans le système financier légal ou utilisé à des fins terroristes.

La corruption et le détournement de deniers publics sont des maux qui minent les Etats en développement. La fuite des capitaux vers l'extérieur est un véritable frein au développement car, les fonds provenant de la corruption ou du détournement ne pouvant pas être directement investis dans l'économie légale, font l'objet de blanchiment, et dans la plupart des cas, ils vont en direction de l'occident.

Les PPE étant des personnes à risque élevé de corruption, de détournement et par là de blanchiment, pour lutter efficacement contre les agissements dont elles pourraient se rendre coupables et dans un souci d'assainissement de la vie public21, le législateur communautaire CEMAC a institué un dispositif qui impose aux professionnels assujettis des obligations spécifiques qu'ils doivent observer à l'égard des clients PPE (Chapitre 2). L'édiction des mesures de vigilance renforcée à l'égard des clients PPE ne fait pas préjudice aux obligations générales de vigilance (Chapitre 1) en matière de lutte anti-blanchiment dont les assujettis sont également tenus d'observer à l'égard de tout client.

21 Egalement, dans un souci d'intégrer et d'adhérer aux normes et standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et financement du terrorisme liant les PPE.

CHAPITRE I : L'ASSUJETTISSEMENT DES
PROFESSIONNELS AUX OBLIGATIONS GÉNÉRALES DE
LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX ET LE
FINANCEMENT DU TERRORISME

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Le blanchiment des capitaux est une infraction de conséquence, qui, pour être constituée nécessite l'exigence d'une infraction « en amont » qui peut être entre autres, le trafic illégal des drogues, d'organes humains, la prostitution, le proxénétisme, la corruption et le détournement.

Ainsi, l'efficacité de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme repose sur les instruments juridiques. Le législateur communautaire ne voulant pas faire de la zone CEMAC l'apanage de ces fléaux, a édicté une règlementation sévère à l'égard des professionnels assujettis.

À cet effet, à la lecture des textes communautaires relatifs à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération, nous nous rendons compte que les professionnels sont soumis à une obligation générale de vigilance (Section 1) qui se solde par une obligation de déclaration (Section 2) en cas de suspicion sur les opérations de leur clientèle.

SECTION I : L'obligation générale de vigilance

Les obligations de vigilance et de diligence consistent « pour le professionnel assujetti à identifier ses clients et à bien les connaître tout au long de leur relation, à suivre les opérations qu'ils conduisent pour apprécier leur cohérence et leur logique économique, à procéder à un examen particulier des opérations douteuses, à demander des renseignements sur ces opérations quant à leurs origine et finalité et à garder ces informations écrites à la seule disposition »22 des autorités judiciaires.

Dans le souci de minimiser les risques d'utilisation des facilités de la globalisation par les criminels, les autorités de poursuite doivent alors compter sur la diligence des professionnels

22 MATSOPOULOU (H.) et MASCALA (C.) (Dir.), Droit pénal des affaires, Lamy, 2014, n° 1261, cité par NGAPA (T), La lutte contre le blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique central CEMAC : analyse à la lumière des normes et standards européens et internationaux, Op. Cit. p. 248.

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assujettis à la lutte contre le blanchiment des capitaux qui en constituent l'un des maillons essentiels et interviennent à différentes étapes23.

C'est ainsi que ces professionnels sont soumis aux mesures préventives de la lutte contre la criminalité financière organisée. Ils ont à cet effet, l'obligation de connaissance de la clientèle (Paragraphe 1) et l'obligation de surveillance particulière à l'égard de certaines opérations (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'obligation de connaissance de la clientèle

Les assujettis doivent connaitre leur client pour pouvoir s'il en était besoin d'être à même de produire aux autorités compétentes des informations nécessaires sur ce dernier. Pour cela, les assujettis doivent les identifier (A) et en conserver les documents ou pièces (B).

A - L'obligation d'identification des clients

« Know your Customer » en anglais signifiant « connais ton client » est le sens de l'obligation d'identification des clients24. Car, les organismes assujettis à la vigilance financière doivent s'assurer, avant de nouer une relation d'affaire25 ou d'assister un client habituel ou occasionnel dans la préparation ou la réalisation d'une transaction, de l'identité de leurs cocontractants26. Cette obligation contenue dans la recommandation 10 du GAFI de février 2012 concerne tant le client que le bénéficiaire économique27. Elle est posée par les articles 4 à 16 du Règlement COBAC de 2005 et 29 à 34 du Règlement CEMAC de 2016.

À la lecture de ces dispositions communautaires, il est prévu deux méthodes d'identification : des méthodes générales (1) et des méthodes particulières d'identification (2).

23 NGAPA (T), La lutte contre le blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique central CEMAC : analyse à la lumière des normes et standards européens et internationaux, Op. Cit. p. 235.

24 Ce contrôle d'identité des clients a, selon certains auteurs, été le premier instrument juridique mis en place dans le cadre de la lutte anti-blanchiment. En ceci qu'il permet d'empêcher l'anonymat des financiers du crime en bloquant leurs opérations.

25 La relation d'affaires est « une situation dans laquelle une personne visée à l'article 7 du présent Règlement, engage une relation professionnelle ou commerciale qui est censée, au moment où le contact est établi, s'inscrire dans une certaine durée » (Cf. point 60 de l'art. 1er du Règlement CEMAC de 2016).

26 NGUIFFEU TAJOUO EDDY L., « La réforme du système de détection et de prévention de la criminalité financière en zone CEMAC à la lumière du Règlement numéro 01/CEMAC/UMAC/CM du 11 avril 2016 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale », In Juridis Périodique N°108, pp 133-144.

27 Ce dernier, du fait du lien étroit qu'il pourrait avoir avec les PPE, sera évoqué dans le chapitre suivant.

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1- Les méthodes générales d'identification des clients

Pour ce qui est des méthodes générales d'identification, la vérification se fait par l'exigence de la présentation d'un document ou d'une pièce officielle originale et valide et la conservation d'une copie de ladite pièce28.

Lorsque le client est une personne physique, la présentation d'un document officiel original en cours de validité comportant sa photographie est exigée puis il sera pris photocopie29.

Quant au client personne morale, l'identification est effectuée par la production des statuts et de tout documents établissant qu'elle a été légalement constituée et qu'elle a une existence réelle au moment de l'identification et il en sera pris photocopie30. En plus, la personne morale doit présenter l'original ou la copie certifiée conforme de tout acte ou extrait du registre officiel constatant sa dénomination, sa forme juridique, son siège social et les pouvoirs des personnes agissant en son nom.

A côté de ces méthodes dites générales d'identification des clients, il faut relever les méthodes particulières d'identification.

2- Les méthodes particulières d'identification des clients

Parlant des méthodes dites « particulières » d'identification, elles concernent entre autre ; les clients occasionnels, les clients non-résidents, les clients PPE31, la clientèle recommandée et les personnes listées.

Les « clients occasionnels » sont ceux qui n'ont pas de liens durables avec l'organisme, car il n'existe pas entre eux une relation d'affaires établie. Leur identification se fait dans les mêmes conditions évoquées haut pour toute transaction portant sur une somme supérieure au montant définis par le comité ministériel ou, à défaut, par l'Etat partie. Cette identification est requise même si le montant de l'opération est égal au seuil fixé32 ou lorsque la provenance licite des capitaux n'est pas certaine33.

28 Cf. art. 4-(1) du Règlement COBAC du 1er avril 2005 et art. 29 du Règlement CEMAC du 11 avril 2016.

29 Cf. art. 30 du Règlement CEMAC de 2016.

30 Cf. art. 5-(2) du Règlement COBAC de 2005 et art. 31 du Règlement CEMAC de 2016.

31 Les mesures spécifiques aux PPE feront l'objet du développement du chapitre suivant.

32 10.000.000 FCFA pour les personnes autres que les changeurs manuels ou les représentants légaux et directeurs responsables des opérations de jeux ; 5.000.000 FCFA pour les changeurs manuels.

33 Cf. art. 32 du Règlement CEMAC de 2016.

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Quant aux « clients non-résidents34», en plus de conditions générales d'identification, les organismes assujettis peuvent, au besoin, recourir à une personne de réputation confirmée pour procéder à l'identification du client ou exiger que des documents requis soient soumis à d'autres formalités (authentification, complément par pièce jointe etc.). En plus, la relation d'affaires ne peut être établie qu'avec l'approbation d'une personne habilitée35.

En ce qui concerne la « clientèle recommandée36», à la lumière de l'article 10 du Règlement COBAC, il ressort que, les personnes assujetties doivent évaluer soigneusement la compétence et l'honorabilité des intermédiaires ayant recommandé le client et vérifier qu'ils accomplissent normalement leur devoir de diligence, en procédant si nécessaire à des examens périodiques de conformité et de fiabilité.

Aussi, les « personnes listées37 » font également l'objet d'un traitement spécial. Conformément aux articles 35 et 36 du Règlement COBAC, les organismes assujettis doivent déclarer à l'ANIF, les opérations et avoir des personnes listées qu'ils examinent de façon particulière.

Les professionnels assujettis peuvent procéder à nouveau à l'identification du client, lorsqu'ils ont des bonnes raisons de penser que l'identité de leur client et les éléments d'identification précédemment obtenus ne sont plus exacts ou pertinents38.

L'obligation d'identification ainsi posée par le législateur communautaire à la charge des professionnels assujettis n'est pas exempte de toutes critiques. En effet, les assujettis à cette obligation sont juste tenus d'exiger la présentation d'un document officiel original en cours de validité et en conserver une photocopie mais, pas de vérifier l'authenticité et encore moins d'exiger une copie authentifiée du document qui, il faut le dire, pourrait être un document falsifié. Nous pensons que le législateur devrait imposer que des documents ou pièces soient authentifiées lorsque l'opération en question atteint ou excède le montant seuil ou tout autre montant raisonnable qui sera fixé à cet effet.

34 Aux termes de l'article 3 alinéa e) du Règlement COBAC, Un `'client non résident» est une personne physique ou morale implantée dans un Etat tiers et sollicitant l'ouverture d'un compte ou la réalisation d'une opération dans un établissement assujetti sis dans un Etat membre.

35 TSOBGNI DJOUMETIO (N.L.), Prévention et Répression du blanchiment des capitaux en zone CEMAC, mémoire de DEA, Op.cit. P. 67 ; V. également à cet effet l'article 9 du Règlement COBAC de 2005.

36 Selon l'article 3 al. d) c'est la clientèle dont la relation d'affaires avec un établissement assujetti procède de l'initiative d'un tiers, intermédiaire pouvant être un établissement de crédit ou toute autre personne physique ou morale.

37 Le Règlement COBAC de 2005 définit en son article 3 al. v) comme étant, une personne physique ou morale ou une organisation figurant sur la liste établie par le comité des sanctions conformément aux résolutions des Nation Unies relatives à la prévention et à la répression du financement du terrorisme. Ces personnes doivent faire l'objet de restrictions comme de terroristes...

38 Cf. art. 34 du Règlement CEMAC du 11 avril 2016.

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Ces difficultés ainsi relevées sur l'obligation d'identification sont de nature à impacter la conservation des documents.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams