La réglementation CEMAC relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Etude du cas des personnes politiquement exposées.par HINASSOU MAHAMAT Université de Dschang - Master 2 recherche en Droit des Affaires et de l'Entreprise. 2020 |
SECTION II : Les limites juridiques liées à certaines opérationsLes pratiques bancaires ont développé à côté des activités classiques dévolues aux banques que sont la réception des fonds du public et l'octroi du crédit, d'autres activités telles que le conseil en investissement et la location des coffres forts. Cette dernière activité est utilisée dans une certaine confidentialité faute d'une réglementation moins sévère sur cette activité. Le contrat de location de coffre-fort est légal mais son régime juridique fait que le coffre soit utilisé à des fins de blanchiment (Paragraphe 1). Il faut cependant noter qu'au rang des limites juridiques à la lutte contre le blanchiment des capitaux, la non prise en compte de certaines personnes au risque élevé de blanchiment comme des PPE est à inscrire (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : Les risques de blanchiment liés à l'utilisation du coffre-fortAvant d'évoquer la possible utilisation du coffre-fort aux fins de blanchiment, il importe de préciser la notion de location de coffre-fort. La location de coffre-fort peut être définit comme un contrat par lequel un établissement de crédit met à la disposition d'un client un coffre-fort afin que celui-ci y dépose des objets ou valeurs pour les conserver en sécurité215. La nature juridique de ce contrat fait l'objet d'une véritable controverse. Un certain nombre de qualifications ont été proposées : L'argumentation qualifiant la location des coffres forts comme étant un contrat de dépôt fut avancée, mais n'a pas pu convaincre car, le banquier ne reçoit en réalité rien et ignore totalement ce qui est dans le coffre-fort216. L'argumentation de contrat de louage fut alors avancée, mais elle fait l'objet des critiques. En effet, contrairement au contrat de louage, dans la location de coffre-fort, le banquier ne se contente pas de remettre un local à la disposition du client (Cass. Crim. 11 octobre 2015 N°03-10975). La qualification de louage ainsi évoquée a d'abord été avancée par ce que l'on se disait que la location du 215 g. BONNEAU (T.), Droit bancaire, 12ème édition, Bruylant, Paris, 2017, p. 586. 216 DEKEUWER-DEFOSSEZ (F.) et MOREIL (S.), Droit bancaire, 10ème édition, Dalloz, Paris, 2010, p. 194. 85 coffre-fort répondait à la définition du contrat de louage donnée par l'article 1709 du code civil selon laquelle « le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celui-ci s'oblige de lui payer ». Certes comme le louage, au sens de cet article, la location de coffre-fort oblige le banquier à mettre à la disposition du client une chose pour qu'il en ait jouissance. Toutefois ce contrat fait peser sur le banquier une obligation principale de surveillance qui n'est qu'accessoire dans le louage de droit commun et ne permet pas au client à la différence dudit louage, d'avoir une jouissance directe, mais seulement indirecte puisque l'accès au coffre nécessite l'intervention du banquier217. Force est de reconnaitre qu'il s'agit d'un contrat « Sui generis » que l'on peut classer dans les contrats dits de « garde » : en effet, l'essentiel de l'objet du contrat tient dans la surveillance exercée par le banquier218. En dépit de tout débat sur la nature juridique du contrat de location de coffre-fort, nous retenons que le banquier a au moins deux obligations à l'égard de son client : une obligation de moyen qui consiste à s'assurer que la personne qui cherche à avoir accès au coffre-fort est le client ou du moins son mandataire (sur la base de cette obligation, la responsabilité du banquier ne sera retenue que s'il commet une faute manifeste) et une obligation de résultat qui est la surveillance ou la garde du coffre-fort (méconnaitre cette obligation c'est engager sa responsabilité). Aussi, il faut le rappeler, le banquier ignore le contenu du coffre-fort qu'il a l'obligation de surveiller. Et les blanchisseurs dans leur perpétuelle recherche de moyens de blanchiment trouvent le coffre-fort, du fait de la confidentialité dans son utilisation, comme un véritable outil de blanchiment. Ainsi, ils trouvent dans l'institution du coffre-fort une sécurité multidimensionnelle dont les principales illustrations, soulignés hauts, sont d'une part la discrétion et d'autre part l'obligation de surveillance renforcée du banquier. Le coffre-fort apparait alors comme, un maillon faible de la surveillance anti-blanchiment219. Ceci d'autant que le coffre pourrait jouer un grand rôle dans la phase de placement, car le délinquant 217 V. MAULAURIE (P.) et AYNES (L.), Les contrats spéciaux, 8éme édition, 1994-1995, Cujas n°868, p. 477. V. également MAULAURIE (P.), AYNES (L.) et GAUTIER (P.-Y.), Droit des contrats spéciaux, 8éme édition, LGDJ, collection Droit civil, 2016, p. 387 et S. 218 DEKEUWER-DE FOSSEZ (F.) et MOREIL (S.), Droit bancaire, Op.cit. 219 « Coffres forts bancaires le meilleur endroit pour blanchir l'argent en toute tranquillité », article de presse publié le 14 septembre 2013 sur le site www.atlantico.fr. Extrait de «cache cash, enquête sur l'argent liquide illégal qui circule en France «, DELA HOUSSE (M.) et LEVEQUE (T.), Edition Flammarion, 2013, consulté le 03 août 2020. 86 cacherait ainsi sa fortune à la vue de tous, le temps pour lui d'élaborer les techniques d'empilement et de réintégration en toute tranquillité. L'illustration de l'utilisation du coffre-fort à des fins du blanchiment est `'l'affaire de la caisse noire du patronat» qui a éclatée en 2007 en FRANCE. Après que l'organisme anti-blanchiment TRACFIN eut donné l'alerte et qu'une enquête fut ouverte, les perquisitions se sont alors avérées fluctueuses : à l'agence BNP Paribas de la place des Ternes, a été retrouvé 2 millions d'euros tous ronds. Et le coffre contenant la somme n'était pas loué au nom de l'UIMM220, propriétaire du magot, mais d'une association de documentation et d'assistance aux entreprises221. Les blanchisseurs utilisent non seulement les coffres aux fins de blanchiment mais prenant le soin de cacher leur identité. Dans ce sens le chef de la police de Paris affirme que les coffres forts sont quelque fois loués au nom de la copine, de la grande mère etc.222 ce qui rend la détection difficile. Pour ce qui est de notre étude, les PPE sont des potentiels utilisateurs des coffres forts223. La possible utilisation du coffre à des fins de blanchiment serait encore plus élevée lorsque des personnes ayant des risques élevés de blanchiment ne sont pas considérées comme tel au regard du dispositif anti-blanchiment. |
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