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La réglementation CEMAC relative à  la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Etude du cas des personnes politiquement exposées.


par HINASSOU MAHAMAT
Université de Dschang - Master 2 recherche en Droit des Affaires et de l'Entreprise. 2020
  

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B - La problématique de poursuites pour blanchiment face aux immunités des PPE étrangères

L'Etat étant souverain et garant de l'intérêt général qu'il protège, lui et ses démembrements bénéficient des privilèges et immunités. Ainsi, selon la coutume et le droit international, un Etat étranger ne pourrait être justiciable d'une juridiction d'un autre Etat (c'est l'immunité de juridiction) ni faire l'objet de mesure de saisi sur ces biens (c'est l'immunité d'exécution).

À cet effet, comme nous l'avons vu haut, les personnes en charge de l'intérêt de l'Etat bénéficient de ces diverses immunités pour leur permettre de mener à bien leurs missions. C'est ainsi que les membres de représentations de l'Etat et toutes les personnes en charge des intérêts de l'Etat, bénéficient des immunités de juridiction (1) et d'exécution (2), qui constitue par ailleurs des obstacles pour le dispositif de lutte anti-blanchiment des PPE tel qu'évoqué plus haut.

1- La poursuite pour blanchiment et l'immunité de juridiction pénale

Dans le cadre de la lutte contre la corruption, le détournement et le blanchiment, comme nous l'avons vu plus haut, les Etats ont adoptés des nombreuses Conventions internationales leur imposant d'adapter leurs législations pénales, de mettre en place des mécanismes de coopération judiciaire afin, en particulier, de réussir à procéder à la restitution des fonds détournés, ayant fait l'objet du blanchiment, en direction des populations spoliées.

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S'il a fallu de nombreuses années aux Etats pour qu'ils se saisissent de ce problème sous l'angle du droit international, ce même droit, loin d'être le seul moteur de la lutte contre la corruption, constitue aussi un frein important lorsque l'Etat du fort, l'Etat sur le territoire duquel se situent les biens mal acquis, lance des poursuites au pénal contre les représentants en fonction d'un Etat étranger200.

Il est généralement convenu que les immunités dont bénéficient les représentants d'un Etat étranger doivent les protéger contre tout acte d'autorité afin d'assurer qu'ils puissent exercer librement leurs fonctions. Ainsi, un dirigeant en fonction ne pourrait faire l'objet de poursuites au pénal devant une juridiction étrangère conformément aux règles du droit international, ce qui constitue un obstacle à la lutte contre la corruption et le blanchiment liant les PPE201.

Cependant, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation rappelle que tous les représentants en fonction de l'Etat étranger ne jouissent pas de la même immunité de juridiction pénale. Si les représentations de rang élevé, le Chef d'Etat étranger, le Chef du gouvernement étranger ou le Ministre des affaires étrangères de l'Etat étranger, disposent lorsqu'ils sont en exercice d'une immunité absolue dite « personnelle «, les autres représentants bénéficient seulement d'une immunité relative dite « fonctionnelle « restreinte aux actes relevant de leurs fonctions202.

C'est ainsi que dans l'affaire Téodoro Obiang, le Tribunal correctionnel de Paris à rejeter l'argument sur l'immunité pénale de juridiction pour reconnaitre sa compétence en avançant que les actes de blanchiment commis par le vice-président de la Guinée sont effectués à des fins personnelles et comme tels, ne pourraient bénéficier de l'immunité pénale de juridiction203.

200 GRANDAUBERT (V.), « La saisie des « biens mal acquis » à l'épreuve du droit des immunités internationales : quelques observations à propos du différend opposant la Guinée Equatoriale à la France », In Revue de droit international d'Assas, N°1, 2018, p. 46 et s.

201 CHAIKIN (D.), « Législation internationale en matière de lutte contre le blanchiment d'argent : comment engager la responsabilité des dirigeants politiques vis-à-vis de l'étranger », In U4 BRIEF, N°20, décembre 2011. Article (PDF), disponible en ligne sur www.u4.no. Consulté le 01 août 2020.

202 V. à propos de l'immunité personnelle, Cass. Crim., 13 mars 2001, Procureur général près la Cour d'Appel de Paris c/Association SOS Attentats et autres, N° 00-87.2015 : « la coutume internationale s'oppose à ce que les Chefs d'Etats en exercice puissent en absence de dispositions internationales contraire s'imposant aux parties concernées, faire l'objet de poursuite devant les juridictions pénales d'un Etat étranger » ; à propos de l'immunité fonctionnelle, Cass. Crim., 19 janvier 2010, Association de Fédération nationale des victimes d'accidents collectifs « Fenvac SOS catastrophe » et autres, N° 09-84.818 : « la coutume internationale qui s'oppose à la poursuite des Etats devant les juridictions pénales d'un Etat étranger s'étend aux organes et entités qui constituent l'émanation de l'Etat ainsi que leurs agent en raison d'acte (...) relèvent de la souveraineté de l'Etat concerné ». La commission du droit international des Nations Unies a retenu la même distinction dans le cadre de ses travaux sur l'immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l'Etat.

203 GRANDAUBERT (V.), « La saisie des « biens mal acquis » à l'épreuve du droit des immunités internationales: quelques observations à propos du différend opposant la Guinée Equatoriale à la France », Op.cit. p. 47. V. également, à cet effet, le projet d'article 3 (bénéficiaires de l'immunité rationae personae) de la commission de

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Il ressort ainsi de l'analyse que les mesures de poursuites pour blanchiment des capitaux ou financement de terrorisme pourraient se heurter à l'immunité de juridiction pénale dont bénéficient certaines PPE qui, il faut le dire, constitue un obstacle au dispositif anti-blanchiment et il en est de même des immunités des mesures de contraintes ou immunité d'exécution.

2- La confiscation et la saisie des biens blanchis et les immunités de mesures de contraintes en matière pénale

La restitution de fonds détournés et blanchis, par les PPE, à la population victime est tributaire de la confiscation pénale et de la condamnation au fond du blanchisseur. En plus de l'obstacle lié à l'immunité de juridiction pénale évoquée plus haut, la lutte anti-blanchiment contre les PPE fait face à une éventuelle immunité à l'égard des mesures de contrainte (inviolabilité ou immunité d'exécution).

Il est généralement accepté que l'Etat hôte qui reçoit une représentation d'un autre Etat, doit accorder une protection absolue en matière pénale aux locaux de la mission, aux logements privés occupés par les représentants de l'Etat étranger et à leurs bien conformément au droit et à la coutume internationale. Toute tentative par l'Etat du for de mettre en oeuvre une mesure de contrainte sur un bien immeuble ou meuble entraverait sur son inviolabilité personnelle204. Ainsi, en dehors d'une mission spéciale ou diplomatique, le bénéfice de l'immunité d'exécution ou de mesure de contrainte pénale s'effectue en obéissant à la distinction évoquée dans la précédente partie. C'est-à-dire que l'on distinguera s'il s'agit d'une personne bénéficiant d'une immunité personnelle (donc couvrant ses biens personnels) ou d'une immunité fonctionnelle (limitée aux actes inhérents à sa fonction).

Le droit international n'attribue pas l'immunité d'exécution aux bénéficiaires de l'immunité fonctionnelle sur leurs biens. Contrairement à l'immunité personnelle, l'immunité fonctionnelle ne s'accompagne pas d'une inviolabilité. Son seul objet est de protéger les actes de fonctions attribuables à l'Etat étranger. En conséquence, elle se désintéresse de la situation personnelle du bénéficiaire205.

droit international des Nations Unies qui dispose « les Chefs d'Etat, les Chefs de gouvernement et les Ministres des affaires étrangères bénéficient de l'immunité rationae personae à l'égard de l'exercice de la juridiction pénale étrangère » In CDI, Rapport de la commission de droit international, Ann. CDI, A/68/10, 2013, p. 59.

204 GRANDAUBERT (V.), « La saisie des « biens mal acquis » à l'épreuve du droit des immunités internationales : quelques observations à propos du différend opposant la Guinée Equatoriale à la France », Op.cit., p. 48.

205 Ibidem.

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Au sens de la Convention de Vienne de 1961, les Chefs d'Etats étrangers, les Agents diplomatiques étrangers, les Chefs du gouvernement et les Ministres des affaires étrangères bénéficient de l'inviolabilité et de l'immunité d'exécution dont, les mesures des contraintes pénales ne pourraient s'appliquer à leurs égards.

Dans le différend qui lie la Guinée Equatoriale à la France, les juridictions françaises ont saisi les biens du vice-président qui, selon elles ne relèvent pas de l'immunité personnelle, mais la Guinée a saisi la Cour internationale de justice sous prétexte que ces biens appartiennent à l'Etat et donc bénéficient de l'immunité d'exécution206.

Nous constatons que les immunités dont bénéficient les PPE tant nationales qu'étrangères constituent un véritable frein à l'efficacité de la lutte contre le blanchiment dont elles seraient coupables. Ceci d'autant que le compte bancaire des missions diplomatiques, du fait de la protection qui lui est accordée, est un véritable instrument de blanchiment.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus