Paragraphe 2 : La faible culture juridique des agents des
organismes financiers en matière de lutte anti-blanchiment : une
complicité passive
La complicité passive des établissements
financiers, du moins de certains de leurs agents, au blanchiment est soit due
à la faible culture juridique, ou soit liée à la
personnalité de certains clients.
Pour ce qui est de la faible culture juridique en
matière de LCB/FT, il est clair que le domaine bancaire est un domaine
relevant une certaine technicité. Par conséquent, les agents qui
sont censés assurer le déroulement des opérations doivent
avoir une maitrise considérable de leurs obligations professionnelles,
notamment les obligations de vigilance et de diligence telles
évoquées dans la première partie de notre analyse. De ce
fait, ces agents ou responsables
179 R. d'ESTAINTOT, « Les personnes
politiquement exposée (PPE) : réflexion sur une obligation
renforcée de vigilance ». Op.cit., p. 97.
180 GOETZ (D.), « TEODORO OBIANG
condamné, une première dans l'affaire des « biens mal acquis
», Op.cit.
181 « HSBC ne veut plus de l'argent des ambassades!
», article de presse du journal LA TRIBUNE, publié le 04 août
2013, disponible sur
www.latribune.fr.
Consulté le 22 juin 2020.
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doivent être rigoureusement formés182
à la déontologie afin de barrer la route aux activités des
criminels financiers. Ainsi, l'agent de banque doit en principe être
suffisamment informé des législations relatives à la
profession. Or, il n'en est pas toujours ainsi dans la pratique.
L'insuffisance professionnelle peut également servir
les causes du blanchiment. Allant dans ce sens un auteur affirme qu' «
un agent pour qui toute opération est normale, quelle qu'en soit sa
banalité ou son extravagance, est une menace pour le système
anti-blanchiment »183.
Faut-il le rappeler, les criminels financiers sont toujours
à la recherche des moyens, leur permettant de réaliser leur
entreprise criminelle et ne laisse échapper aucune faille qui est
à leur portée. Et l'ignorance des certains agents des
établissements et voire des établissements
parallèles184 et de nature à leur permettre
d'atteindre leur objectif.
Ainsi, nous avons eu au cours de nos recherches à faire
le constat que certains organismes bancaires ne disposent pas d'un service
chargé de veiller sur la conformité des opérations aux
normes de LCB/FT dans leurs agences185 , mais seulement au niveau de
leur direction général. De surcroît, certains agents se
trouvant dans ces agences avec qui, nous avons eu à échanger
n'ont pas connaissance de la législation anti-blanchiment et pour ceux
qui en savent un peu, ils ignorent la notion des personnes politiquement
exposées.
Par ailleurs, le GABAC dans un rapport faisait mention de la
faiblesse de la culture de LCB/FT dans la sous-région qui est un facteur
de risque de blanchiment186.
Toutes ces raisons évoquées nous amènent
à dire que cette faible culture juridique est utilisée par les
blanchisseurs à leur guise et met ainsi en mal le dispositif
anti-blanchiment.
Quant à la personnalité de certains clients, il
peut s'agir tout d'abord des Hommes d'affaires à la réputation
avérées. Pour ces genres des clients, les banques ont tendance
à n'est pas trop s'interrogées sur la provenance de leur fonds
négligeant de ce fait le dispositif anti-blanchiment et servant ainsi
les intérêts des délinquants.
Dans l'affaire précipitée plus haut du dictateur
nigérian, les banques Suisses ont accepté d'entrer en relation
avec les proches de Sani ABACHA sans observer une vigilance en amont,
182 D'où l'agrément des dirigeants des banques et
des entreprises d'assurances par les autorités compétentes.
183 TCHABO SONTANG (H.M.), Secret
bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Op.cit.,
p. 23.
184 Cette faible culture juridique n'est pas seulement
l'apanage des agents des établissements bancaires et financiers, mais
peut également être celle des agents des tous les organismes
assujettis des articles 6 et 7) du Règlement CEMAC.
185 C'est le cas de certaines banques se trouvant à
Ndjamena/TCHAD, qui n'ont pas des services de conformité dans leurs
agences au niveau des arrondissements et dans certaines provinces.
186 Rapport du GABAC sur les risques de blanchiment des
capitaux et le financement du terrorisme inhérent au change manuel et au
transfert de fonds en Afrique centrale, Op.cit.
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pour la simple raison qu'ils ont été
présenté par un client habituel par ailleurs homme d'affaires
à réputation187.
Ensuite, les agents de banques se laissent influencer sinon
intimider par les fonctions qu'occupent certains clients. Tel est le cas des
clients PPE, comme nous l'avons souligné sur les difficultés de
leur identification, les agents ont une certaine réticence à leur
poser des questions sur la provenance de leur fonds ; toute chose qui va
à l'encontre de la réglementation anti-blanchiment.
Le système bancaire et financier renferme ainsi des
failles qui couvrent les activités de blanchiment des capitaux et de
financement du terrorisme initiées par les délinquants de tous
genres.
187 V. le Rapport de la commission des banques Suisses, sur le
« Fonds ABACHA » auprès de banques Suisses, Op.cit.
CONCLUSION DU CHAPITRE I
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L'efficacité de la lutte contre la criminalité
financière est tributaire de l'identification des auteurs de crimes
financiers et de la traçabilité des opérations de BC/FT.
Cependant, l'avènement des NTIC fait en sorte que l'identification des
cybers clients et la traçabilité des opérations
effectuées par le biais du net soient difficiles. En outre, les paradis
fiscaux viennent couvrir dans la plupart de cas les malversations
économiques initiés par les hautes personnalités. Aussi,
les organismes financiers, les banques en occurrence participent dans certains
cas à la mise en place de crimes financiers.
Dans d'autres cas, l'efficacité de la lutte
anti-blanchiment se trouve amenuiser par la complaisance du système
juridique à l'égard de certaines personnes ou
opérations.
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