SECTION II : L'éventuelle participation des
organismes financiers aux activités de blanchiment des capitaux et de
financement du
terrorisme
Les établissements financiers et notamment bancaires,
jouent au premier lieu, le rôle de liaison qui met en rapport les
fournisseurs et les demandeurs d'argent. La banque vise ainsi la collecte des
fonds en vue de les prêter. Elle n'est donc pas une maison de
charité, mais bien au contraire, un commerçant qui vise le
profit. Ainsi, les blanchisseurs sont à la recherche des banques qui ne
se conforment pas aux procédures légales ou qui omettent
simplement de consigner ou de déclarer des informations relatives
à des possibles cas de blanchiment, pour toucher une
rémunération plus avantageuse174.
La plupart des opérations de blanchiment des capitaux
sales nécessitent pour être effectuées, à un certain
moment l'intervention d'un organisme financier plus particulièrement
d'une banque, compte tenu des services techniques qu'elle offre. A savoir le
dépôt en espèce des fonds d'origine sale, leur virement sur
des comptes bancaires, etc. En effet, l'implantation internationale dont
dispose les banques associées à leur contour aux activités
de blanchiment est un grand avantage pour les blanchisseurs.
Ainsi, le secteur bancaire et ses multiples connexions
semblent être parmi les canaux les plus dangereux pour nos
sociétés en matière de blanchiment des
capitaux175. Et les PPE sont une catégorie des blanchisseurs
à part entière qui rend flexibles les organismes bancaires, qui,
participent à leurs malversations ou ferment tout simplement les yeux
sur elles.
Nous démontrerons à travers l'analyse que cette
participation aux activités de blanchiment est d'une part active
(paragraphe 1) et d'autre part, passive (paragraphe 2).
173 Rapport sur les typologies des capitaux 2000-2001, GAFI
XII, 1er février 2001 disponible en PDF
sur
www.fatf-gafi.org.
Consulté le 04 mai 2020.
174 TSOBGNI DJOUMETIO (N.L.),
Prévention et Répression du blanchiment des capitaux
en zone CEMAC, Mémoire de DEA, Op.cit. p. 40.
175 Ibidem.
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Paragraphe 1 : La participation aux activités de
blanchiment des capitaux par la technique du prélèvement des
pourcentages : une complicité active.
Si le phénomène de blanchiment des capitaux ne
cesse de progresser, c'est d'une part à cause de la participation des
certaines banques. Dans la plupart du temps, pour tirer leur épingle du
jeu, les blanchisseurs n'agissent pas seuls mais avec les banques qui leur
garantissent leur concours. Pour TCHABO SONTANG, « les banques qui
participent au blanchiment sont, qualifiées de « sympathiques
« par les bénéficiaires de leurs services
»176.
En effet, les banques se réservent de ne pas
révéler au public les opérations de leurs clients au
risque de les perdre, elles profitent ainsi des avantages que leur procure une
telle complicité notamment en prélevant un certain pourcentage
sur chaque opération.
Pour illustration, dans « l'affaire Casablanca « les
blanchisseurs Colombiens sollicitaient naturellement les services des banques
colombiennes dans la phase de placement, ces dernières acceptaient de
jouer le jeu, en contrepartie, elles devraient prélever sur les sommes
perçues, à titre de frais d'intérêt de 1% (1 pour
cent)177. Il apparait clairement à travers cette affaire que
la plupart de blanchiments de grande dimension sont effectués
grâce à la complicité des établissements
bancaires.
Pour ce qui est de blanchiment liant les PPE, une
enquête menée par le Senat américain a mis en
évidence le rôle souvent très actif des banques dans le
processus de blanchiment, elle révèle que les banques
américaines avaient aidées le chef d'Etat Gabonais OUMAR BONGO
à blanchir des fonds détournés dans son propre pays. Cette
enquête mention que les services de cette banque ne seraient pas
gratuits, au contraire, elle prélevait la somme d'un million de dollars
par an à son client pour services rendus. Et en général,
les experts estiment qu'une banque active dans le blanchiment perçoit
une commission de 10 à 40% des sommes recyclées178.
Aussi, dans l'affaire de blanchiment liant les dignitaires de
la Guinée, la Riggs Bank a pris part au blanchiment en mettant notamment
en place des structures offshores pour le dictateur TEODORO OBIANG NGUEMA et
son fils ; 13 millions de dollars ont été ainsi
176 TCHABO SONTANG (H.M.), Secret
bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC,
mémoire de DEA, Op.cit., p. 22.
177 Exemple cité par TCHABO SONTANG (H.M.),
Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone
CEMAC, Op.cit, p. 22.
178 Ibidem.
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versés entre 2000 et 2002 sur les comptes dont 3
millions en une seule fois à l'occasion de l'ouverture du compte d'une
des structures179.
Par ailleurs, le Tribunal Correctionnel de Paris a
pointé le rôle déterminant joué par les banques dans
la réussite du mécanisme de blanchiment orchestré par
Téodoro Obiang le fils du président de la Guinée, par
ailleurs ancien ministre et promis vice-président de la Guinée
à l'époque des poursuites, pour piller les ressources de son
pays. Le tribunal relève en ce sens que ces faits de blanchiment
n'auraient pas été possibles sans l'intervention de la SGBGE,
filiale équato-guinéenne de la Société
Générale mais aussi de la Banque de France. En faisant transiter
des fonds sur des comptes internes de passage à la Banque de France, le
prévenu a en effet pu outre, malgré la réunion
évidente des plusieurs critères d'alertes, aucune
déclaration de soupçon n'a été adressée au
TRACFIN180.
Allant dans le sens de complicité des banques aux
activités de blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme,
en 2012 la banque Britannique HSBC avait été condamnée par
les Etats Unis à payer une amande de 1,92 milliards de dollars pour
complicités au profit des trafiquants, de terroriste et de
l'Iran181.
A travers ces différentes affaires, l'on se rend
clairement compte de la participation des banques aux activités de
blanchiment des capitaux en apportant leur concours aux blanchisseurs. Cette
participation est dans certains cas dû à une faible culture
juridique.
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