B - La participation des structures juridiques dans les
paradis fiscaux aux activités de blanchiment
Les paradis-fiscaux fonctionnent comme une gigantesque
lessiveuse et avec un peu de technique et d'habileté, rien n'est plus
facile, qu'en multipliant les sociétés écrans et les
sociétés offshores, de transformer un argent sale en argent
honnête164.
Ainsi, les sociétés domiciliées dans les
paradis-fiscaux ou centres offshores jouent un rôle essentiel pour
structurer le montage de circuits de blanchiment sur la base
d'opérations commerciales et judiciaires. Elles permettent de justifier
les transactions effectuées par la constitution d'une documentation
commerciale (lettre de crédit, factures, etc.) et l'utilisation des
comptes ouverts en leur nom dans les institutions bancaires. Il est fait un
recours de plus en plus fréquent à la création des
structures de blanchiment complexes qui utilisent les kyrielles de
sociétés pour multiplier les coupe-circuits et accroitre la
difficulté de relier l'argent à l'activité criminelle
d'où il provient165. Nous retenons quelques-unes de ces
structures.
? Les sociétés écrans :
Elles ont une activité réelle, à temps plein ou à
temps partiel, qui est utilisée comme couverture ou appui logistique
à des opérations commerciales légitimes ou criminelles.
Généralement, les sociétés écrans n'ont
aucun actif dans le lieu de leur immatriculation ou
d'enregistrement166.
? Les sociétés fantômes :
Elles sont, comme leur nom l'indique, purement fictives en ce sens qu'elles
n'ont pas été immatriculées ou enregistrées. Elles
n'existent que par le nom. Elles servent à dissimuler le
bénéficiaire effectif des opérations financières de
la société et des actifs détenus. En
générale, une société fantôme est
détenue par une autre société fantôme,
elle-même détenue par une autre société
fantôme ou un trust, et ainsi de suite167. Dès lors, il
est pratiquement impossible pour les autorités judiciaires et fiscales
ou toute autre personne d'identifier leurs propriétaires réels,
responsables au final des actions de l'entreprise.
? Les sociétés dormantes : Ce
sont des sociétés qui, après leur création, sont
conservées dormantes par un intermédiaire, souvent un avocat, qui
paie toutes les
164 DUPUIS (M.-C.), « Argent sale : la
finance criminelle-t-elle l'économie mondiale ? », éd. PUF,
Paris, 1999, p. 64.
165 MODOU DIAKHATE (S.), La lutte contre
la délinquance économique et financière dans l'Union
Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans
l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) :
état des lieux et perspectives, Op.cit., p. 277.
166 Ibidem
167 AZI NAZIHA, Blanchiment d'argent :
techniques et moyens de lutte (cas de la banque société
générale Algérie), Op. Cit., p. 12.
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redevances annuelles à l'Etat. Ce qui lui permet de
garder la société dormante à l'effet, par exemple,
d'établir de faux documents de société (factures, etc.) ou
de prêt en les antidatant et faire croire à son interlocuteur
qu'elle a plusieurs années d'existence168. L'objectif est
d'avoir l'historique d'une société d'apparence
légitime.
? Les sociétés de domicile :
Elles sont des sociétés des capitaux, des
sociétés coopératives ou des fondations qui n'ont en
Suisse qu'une activité administrative mais, n'y exercent aucune
activité commerciale. Cette définition sous-entend notamment
qu'elles ne peuvent employer que très peu du personnel169. Ce
sont par exemples des sociétés qui fournissent des prestations
pour l'ensemble des entreprises d'un groupe sans offrir sur le marché
des produits industriels, artisanaux ou commerciaux.
? Les holdings : La holding est souvent
nommée comme une société mère, c'est une
société qui possède des titres ou des actions de plusieurs
entreprises qui peuvent être nationales ou internationales et aussi elles
peuvent travailler dans différents secteurs. Si la holding est
installée dans le paradis fiscal, elle permet de mélanger de
l'argent légal avec de l'argent d'origine criminel grâce au secret
bancaire qui est appliqué dans ce territoire170.
? Les sociétés d'affaires
internationales ou International Business Corporation (IBC) :
Elles mènent leurs activités en dehors de leurs
territoires d'enregistrement. Elles sont dispensées de l'obligation
d'identifier les actionnaires ou propriétaires. De ce fait, elles
garantissent l'impossibilité pour les autorités judiciaires
d'avoir accès à leur identité. Leurs transactions se font
généralement en devises étrangères et font l'objet
d'une imposition limitée. Elles constituent des vecteurs de blanchiment
au service des criminels et de leurs gestionnaires171.
Créer des sociétés « sur mesure
», dont l'objet et la structure sont adaptés aux besoins
spécifiques des clients est un véritable
métier172. Ce sont des conseillers juridiques ou
168 MODOU DIAKHATE (S.), La lutte contre
la délinquance économique et financière dans l'Union
Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans
l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) :
état des lieux et perspectives, Op.cit., p. 278.
169 AZI NAZIHA, Blanchiment d'argent :
techniques et moyens de lutte (cas de la banque société
générale Algérie), Op.cit., p. 13.
170 Ibidem.
171 MODOU DIAKHATE (S.), La lutte contre
la délinquance économique et financière dans l'Union
Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans
l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) :
état des lieux et perspectives, Op.cit., p. 278.
172 Ibidem.
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financiers (voire les banques), qui ont de par leur statut la
possibilité « d'ouvrir l'accès aux diverses fonctions
susceptibles d'aider les criminels ayant des fonds à déplacer ou
à dissimuler »173.
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