Paragraphe 2 : La couverture du blanchiment des capitaux
par les paradis- fiscaux et les places offshores
L'internationalisation du système financier n'est pas
sans conséquence. En effet, L'avènement de la mondialisation de
nouveaux horizons au crime organisé et à la délinquance
économique et financière en particulier. L'imbrication des
intérêts publics et privés, la faillite des contrôles
produisent des effets délétères à
l'intérieur et à l'extérieur des frontières. Ainsi,
les réseaux criminels empruntent-ils les multiples circuits
d'occultation du système financier mondial et de ses produits nouveaux
et méthodes ou techniques à des fins de
blanchiment154.
Ce système financier ainsi, internationalisé et
décloisonné a offert une plus grande prospérité au
blanchiment d'argent dans certains pays ou places financières où
il est possible d'y déposer des sommes sans avoir de compte à
rendre sur son identité : ce sont les paradis fiscaux et centres ou
places offshore.
Il s'agit de pays qui ne prélèvent pas ou peu
d'impôts et servent aux non-résidents pour échapper
à l'impôt dans leur pays de résidence. Un paradis fiscal
est doté de dispositions législatives ou de pratiques
administratives empêchant un échange de renseignements avec
d'autres pays sur les contribuables. Les paradis fiscaux ou les centres
offshores jouent un rôle accru dans les opérations de blanchiment
des capitaux, facilitées par des réglementations laxistes et le
secret bancaire155.
Associée à certaines structures juridiques (B),
ce laxisme de la règlementation dans les paradis-fiscaux (A) constitue
un véritable moyen de blanchiment des capitaux.
154 MODOU DIAKHATE (S.), La lutte contre
la délinquance économique et financière dans l'Union
Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans
l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) :
état des lieux et perspectives, Thèse de Docteur en droit
privé et sciences criminelles, Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne, février 2017. P. 269.
155 Ibidem.
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A - Le laxisme de la règlementation dans les
paradis-fiscaux
Pour attirer les capitaux étrangers, certains pays
adoptent une fiscalité plus favorable que celle du reste du
monde156. Les principales caractéristiques des
paradis-fiscaux et Centres Offshores157 sont
généralement les mêmes caractéristiques dans les
secteurs financiers et commerciaux. Ainsi, la règlementation est laxiste
dans ces territoires à plusieurs niveaux.
Tout d'abord, les paradis-fiscaux ou centres offshores ont une
règlementation stricte en matière de secret bancaire, interdisant
ainsi la révélation du titulaire du compte bancaire ou des
opérations. Il est ainsi extrêmement difficile de connaitre
l'identité des personnes y déposant les fonds. La
législation des paradis-fiscaux prévoit
généralement des sanctions lourdes si les employés des
banques transgressent cette règle. Ce secret est opposable aux
autorités judiciaires et aux autorités de
contrôle158. Ce qui permet à son titulaire
d'échapper aux poursuites intentées par son pays. Et les
personnes politiquement exposées s'orientent en générale
vers les banques de ces territoires pour pouvoir cacher les fonds
détournés par elles ou provenant de leurs activités
illégales.
Ensuite, la supervision de contrôle est aussi faible. En
effet, dans ces territoires ou juridiction comme les îles Caïmans
qui dépendent de la couronne britannique, l'institution de supervision
qui ne se trouve pas sur place est complice.
En plus, ils ont une règlementation laxiste en
matière de propriété et d'enregistrement des
sociétés. Le droit des sociétés de ces pays
garantit l'anonymat du bénéficiaire des opérations
financières réalisées par des ressortissants
étrangers qui effectuent, le plus souvent lesdites opérations
depuis l'étranger159. Un véritable avantage que
recherchent les blanchisseurs.
Enfin, il importe de souligner que la législation dans
les paradis-fiscaux protège ou favorise l'évasion fiscale et
empêche les procédures judiciaires. En effet, pour ce qui est de
la fiscalité, elle est attractive, voire inexistante. Ils permettent
dans ce sens de déplacer l'argent
156 TCHABO SONTANG (H. M.), Secret
bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Op.cit.,
p. 16.
157 Les centres « offshores « sont en effet des
territoires où des non-résidents ont la possibilité de
créer les sociétés et d'utiliser les services financiers
offerts par leurs activités à l'extérieure desdits
territoires. Ici, les entreprises qui s'installent sous ce régime ne
peuvent en effet réaliser de bénéfices qu'à
l'extérieur du territoire où elles sont installées, elles
jouissent ainsi des avantages fiscaux (Cf. FERJAULT (E),
Secret professionnel et blanchiment des capitaux, mémoire
magistère de juriste d'affaire, Université Panthéon Assas,
mai 2002, p.38 cité par TCHABO SONTANG (H. M.),
Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone
CEMAC, Op.cit., p. 16).
158 MODOU DIAKHATE (S.), La lutte contre
la délinquance économique et financière dans l'Union
Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans
l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA):
état des lieux et perspectives, Op. cit., p. 274.
159 Ibidem
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«sous le nez du fisc« sans que l'on sache où
il va. Et le secret bancaire est protégé même dans le cadre
d'une fraude fiscale.
Pour ce qui est des poursuites judiciaires relatives à
la délinquance économique et financière, il importe de
souligner que la plupart des paradis-fiscaux sont tout d'abord des territoires
non-coopérants160 et ensuite, même s'il existe une
règlementation en matière de criminalité
économique, elle est soit laxiste, soit
inappliqué161.
Ainsi, il est pratiquement impossible au juge de
repérer les informations financières ou des données
informatiques, dans un paradis-fiscal ou un centre offshore, qui peuvent
disparaitre en un clic pour réapparaitre aussitôt par un autre. Si
les traces de telles données sont effacées, la justice aura du
mal à vérifier leur existence et du fait de leur migration, elle
ne les trouvera jamais162 . Un juge français fait à
cet effet un constat amer lorsqu'il affirme que « Force est de
constater aujourd'hui que les méandres de la finance internationale,
où circulent librement des capitaux douteux noyés dans la masse
des capitaux générés par le libéralisme, sont
souvent d'une opacité telle qu'il est impossible de dévoiler les
circuits masqués du blanchiment. Les places offshores sont
prospères et recueillent les fruits de la mondialisation. L'argent sale
a su y trouver refuge et le secret bancaire contraint souvent les juges
à constater que leurs quêtes sont dans l'impasse
»163.
Aux termes de cette analyse, l'on se rend clairement compte
que le laxisme de la règlementation dans les paradis-fiscaux est une
véritable mine aux pieds du dispositif anti-blanchiment en
générale et celui contre les PPE en particulier. Car, du fait de
l'anonymat qu'offres ces territoires, les établissements financiers de
ces places attirent les hautes personnalités pour mettre à
l'abri, du public ou des organismes anti-blanchiment, les fonds provenant de la
corruption ou du détournement. Bien plus, ce laxisme fait en sorte que
des entreprises (fictives ou réelles) mettent en place des
véritables circuits de blanchiment.
160 La liste de ces territoires est établie par le
GAFI.
161 MODOU DIAKHATE (S.), La lutte contre
la délinquance économique et financière dans l'Union
Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans
l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) :
état des lieux et perspectives, Op.cit., p.
275.
162 FALCIANI (H.), « séisme sur
la planète finance au coeur du scandale HSBC. Mon combat contre
l'évasion fiscale », édition LA DECOUVERT, p.
15.
163 Constat fait par le juge VAN RUYMBEKE (R.) In
PARIS-FICARELLI (N.), « Magistrats en réseaux contre la
criminalité organisée », Presse Universitaire de Strasbourg,
2008, p. 8.
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