La régionalisation du maintien de la paix et de la sécurité internationales. étude appliquée au conflit en République Centrafricainepar Chrisogone Ignace MENEHOUL KOBALE Université de Yaoundé II (Cameroun) - Master recherche en Droit public 2016 |
PARAGRAPHE II : Le Secrétariat, l'Assemblée générale et les expressions du partenariatLe Secrétariat est l'un des organes principaux de l'ONU. Ayant à sa tête un Secrétaire général nommé par l'Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité292(*), celui-ci peut, dans le prolongement des articles 98293(*) et 99294(*), présenter ou produire des textes en rapport aux stratégies pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales : c'est à ce titre qu'il y a eu ce qu'on appelle couramment les Agendas pour la paix et qui sont entre conception « brute295(*) » et conception « nette296(*) » d'un partenariat ONU-organismes régionaux (A). Seul des organes principaux de l'ONU au sein duquel tous les Etats Membres sont représentés297(*) et disposent d'une voix298(*), l'Assemblée générale « peut discuter toutes questions ou affaires rentrant dans le cadre de la présente Charte ou se rapportant aux pouvoirs et fonctions de l'un quelconque des organes prévus dans la présente Charte299(*) ... ». C'est à ce titre qu'elle aadopté la résolution A/RES/55/22 relative au partenariat entre l'ONU et la CEEAC qui est entre développement rationnalisé300(*) d'un partenariat et développement d'un partenariat avec une organisation précise301(*) (B). A- Le Secrétariat et les Agendas pour la paix : entre conception « brute » et conception « nette » d'un partenariat ONU-organismes régionaux Le mot Agenda n'est pas fondamentalement distinct de celui utilisé dans le langage courant. Carnet où l'on inscrit jour par jour ce que l'on doit faire302(*), l'agenda de l'ONU est un document dans lequel sont formulées des recommandations, des stratégies dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité dans le monde. Si d'une part l'Agenda pour la paix de 1992 est considéré comme la conception « brute » de ce partenariat ONU-organismes régionaux (1), d'autre part, le Supplément à l'Agenda pour la paix de 1995 est considéré comme la conception « nette» de ce partenariat (2). 1- L'Agenda pour la paix de 1992, conception « brute » du partenariat ONU-organismes régionaux Le 31 janvier 1992, le Conseil de sécurité tient sa première réunion au niveau de Chefs d'Etat et de Gouvernement avec pour thème « La responsabilité du Conseil de sécurité en ce qui concerne le maintien de la paix et de la sécurité internationales ». A l'issue de cette réunion, les membres du Conseil de sécurité invitent alors « le Secrétaire général à élaborer une étude et des recommandations sur le moyen de renforcer la capacité de l'Organisation dans les domaines de la diplomatie préventive, du maintien et du rétablissement de la paix, et sur la façon d'accroître son efficacité dans le cadre des dispositions de la Charte303(*) ». C'est ainsi que le Secrétaire général, Boutros Boutros-Ghali, et ses services vont rédiger en 1992 « Agenda pour la paix : diplomatie préventive, rétablissement de la paix, maintien de la paix », ce que l'opinion appellera l'Agenda pour la paix de 1992. Le septième point de l'Agenda pour la paix de 1992 aborde la question de la « coopération [ou partenariat] avec les accords et organismes régionaux304(*) ». Après avoir passé en revue les succès enregistrés grâce à l'intervention des organismes régionaux305(*), le Secrétaire général fait l'« apologie », reconnait l'importance de ceux-ci (« ... de nouvelles chances s'offrent à nous [ONU], les accords et organismes régionaux peuvent [nous] rendre de grands services306(*) » et affirme sans détour que « les accords et organismes régionaux possèdent dans de nombreux cas un potentiel qui pourrait contribuer à l'accomplissement des fonctions examinées dans le présent rapport : diplomatie préventive, maintien de la paix, rétablissement de la paix et consolidation de la paix après les conflits307(*). » ; quoi de plus pour confirmer les expressions théoriques du partenariat qui existe entre ces acteurs. Quelques années plus tard, un autre Agenda a été mis à jour. 2- Le Supplément à l'Agenda pour la paix de 1995, conception « nette » du partenariat ONU-organismes régionaux Le « Supplément à l'Agenda pour la paix : Rapport de situation présenté par le Secrétaire général à l'occasion du cinquantenaire del'Organisation des Nations Unies » ou Supplément à l'Agenda pour la paix est publié le 25 janvier 1995308(*). « Le propos n'est pas ici de revoir l'"Agenda pour la paix", (...) [mais] d'appeler l'attention sur certains secteurs dans lesquels ont été rencontrées des difficultés imprévues, ou prévues en partie seulement, et où il importe que les États Membres prennent les "décisions difficiles" dont je faisais mention il y a deux ans et demi de cela309(*). ». L'approche du cinquantenaire de l'ONU devrait inciter à une réflexion nouvelle sur les échecs de la première moitié des années 90 et les efforts communs à entreprendre pour mieux gérer les crises. Dans ce Supplément, le SG reconnait les limites de l'Organisation dans la résolution des conflits intra-étatiques où le consentement des parties est précaire et où l'effondrement des institutions de l'Etat est total. Par exemple, « l'ONU ne tient pas à assumer la responsabilité du maintien de l'ordre. Elle ne peut pas non plus imposer une nouvelle structure politique ou de nouvelles institutions nationales. Elle peut seulement aider les factions en présence à faire l'effort nécessaire et commencer à coexister de nouveau310(*). ». C'est ce qui, cette fois, aurait poussé le SG à préciser davantage les différentes formes de coopération entre l'ONU et les organisations régionales311(*). On en dénombre cinq au total : a) la consultation, b) l'appui diplomatique, c) l'appui opérationnel, d) le codéploiement et e) les opérations conjointes. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles la docteur Alexandra NOVOSSELOFF appréhende le Supplément à l'Agenda pour la paix comme « un retour aux réalités du monde interétatique312(*) ». L'Assemblée générale n'est pas du reste dans cette démarche de relation partenariale. B- L'Assemblée générale et la résolution A/RES/55/22 : entre développement rationalisé d'un partenariat et développement d'un partenariat avec une organisation précise Adoptée par l'Assemblée générale à sa 55e session le 11 janvier 2001, la résolution A/RES/55/22 s'inscrit dans le cadre de la diplomatie de cet organe (onusien) à s'affirmer de par les traditionnelles résolutions du Conseil de sécurité, le plus souvent de portée générale. Ainsi, l'Assemblée générale exprime l'intérêt qu'il y à coopérer avec des organismes régionaux de l'envergure de la CEEAC. Il faut montrer les symptômes du développement d'un partenariat rationnalisé dans le Préambule de cette résolution (1) avant de faire le similaire exercice dans son Corps, en ce qui concerne la marquedu partenariat avec une organisation précise (2). 1- Le Préambule de la résolution A/RES/55/22 et les symptômes du développement rationalisé d'un partenariat Dans le préambule de la résolution de 2001, l'Assemblée générale a pris le soin de rappeler quelques textes initiés ou non par l'ONU. Il s'agit d'abord de « l'acte constitutif de la Communauté économique des États d'Afrique centrale313(*) [sic]», ensuite d'un Rapport du Secrétaire général de l'ONU, enfin d'une Déclaration. S'agissant du premier texte, elle dit avoir à l'esprit l'acte fondateur de cette Communauté qui a pour but le développement économique de sa sous-région, la promotion de la coopération économique et la création d'un marché commun314(*). Mais par-delà, elle s'est félicitée de la volonté des Chefs d'Etat de cet espace à créer un mécanisme de la prévention, de la gestion et du règlement des conflits315(*). Le rapport du Secrétaire général sur « Les causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durables en Afrique316(*) » dont l'Assemblée générale dit avoir à l'esprit et qui lui a été présenté317(*) et au Conseil de sécurité318(*),contient des recommandations relatives à l'appui que l'ONU doit offrir aux initiatives régionales et sous-régionales et au renforcement de la coordination entre celle-ci et lesdites organisations régionales et sous-régionales en matière de prévention des conflits et de maintien de la paix. Enfin, l'Assemblée générale n'a pas oublié la Déclaration du Millénaire319(*) du 8 septembre 2000, notamment son chapitre VII qui s'intitule « Répondre aux besoins spéciaux de l'Afrique320(*) ». Le Corps de cette résolution exprime mieux ce qui est contenu dans son préambule. 2- Le Corps de la résolution A/RES/55/22 et la marque d'un partenariat avec une organisation précise Constatant que la CEEAC et l'ONU poursuivent les mêmes buts et objectifs dans le cadre de leurs activités321(*), l'Assemblée générale a adressé une série de demandes au Secrétaire général, et a également pris une décision. En ce qui concerne les demandes, l'Assemblée générale a d'abord dit au SG de prendre toute mesure voulue en vue d'établir [un partenariat] entre l'ONU et la CEEAC322(*). Ensuite, elle a demandé au SG d'apporter un soutien de l'Organisation dans tous les domaines qui entreront dans le cadre du partenariat entre le système des NU et la CEEAC, particulièrement en ce qui concerne le renforcement des structures de la Communauté et la réalisation de ses objectifs relatifs à la paix, à la sécurité, à la démocratie et aux droits de l'homme, de manière à faciliter le fonctionnement du Mécanisme d'Alerte Rapide en Afrique Centrale (MARAC) comme moyen de prévenir les conflits armés323(*). Enfin, elle a demandé au SG de lui soumettre, à sa 56e session, un rapport sur l'application de la présente résolution324(*). Et pour ce qui est de la décision, celle-ci consiste pour l'Assemblée générale d'inscrire à l'ordre du jour provisoire de sa 56e session la question intitulée « [partenariat] entre l'Organisation des Nations Unies et la Communauté économique des États d'Afrique centrale325(*) ». Si ces différents documents onusiens constituent de signes théoriques inéluctables et révélateurs de la relation de partenariat qui existe entre l'ONU et les organismes régionaux en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, d'autres documents, cette fois d'origine (sous) régionale, vont dans le même sens. * 292Charte des Nations Unies, art. 97. * 293Le Secrétaire général agit en cette qualité à toutes les réunions de l'Assemblée générale,du Conseil de sécurité, du Conseil économique et social et du Conseil de tutelle. Il remplit toutes autres fonctions dont il est chargé par ces organes. Il présente à l'Assemblée générale un rapport annuel sur l'activité de l'Organisation. * 294Le Secrétaire général peut attirer l'attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales. * 295 L'on parle de conception brute pour justifier le caractère moins précis du régime juridique de ce partenariat ONU-organismes régionaux. * 296 Le terme conception nette est utilisée pour traduire le caractère plus précis du régime juridique de ce partenariat, notamment leurs formes. * 297Charte des Nations Unies, op. cit., art. 9 (1). * 298Ibid, art. 18 (1). * 299Ibid, art. 10. * 300 Le terme développement rationnalisé est utilisé en raison de la méthode procédurale de l'Assemblée générale. Cette dernière s'est d'abord rassurée de la compatibilité des activités de la CEEAC aux buts et aux principes des Nations Unies (en étudiant le Traité d'institution de celle-ci) avant de développer le lien de partenariat avec elle. * 301 Il s'agit de la CEEAC. * 302 Dictionnaire de français Le Robert, op. cit., p. 10. * 303 S/23500 : Note du Président du Conseil de sécurité à la suite de la réunion au Conseil au niveau des chefs d'Etat ou de gouvernement, New York, 11 février 1992. * 304 A/47/277 - S/24111 : Agenda pour la paix - Rapport présenté par le Secrétaire général en application de la déclaration adoptée par la Réunion au sommet du Conseil de sécurité le 31 janvier 1992, New York, 17 juin 1992, 26p., p. 19. * 305Ibid, paragraphes 62-63. * 306Ibid, paragraphe 63. * 307Ibid, paragraphe 64. * 308 A/50/60/ - S/1995/1 : Supplément à l'Agenda pour la paix - Rapport de situation présenté par le Secrétaire général à l'occasion du cinquantenaire de l'Organisation des Nations Unies, New York, 25 janvier 1995, 25p. * 309Ibid, paragraphe 6, p. 3. * 310 A/50/60/ - S/1995/1, op. cit., paragraphe 14. * 311Ibid, paragraphe 86. * 312NOVOSSELOFF (Alexandra), « Agenda pour la paix », ROP, 2010, consulté le 19 août 2018 sur www.operationspaix.net . * 313 En dehors de la déclinaison non fidèle du sigle CEEAC, le terme utilisé par les rédacteurs de la norme créatrice de cette Communauté est « TRAITE INSTITUANT LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE DES ETATS DE L'AFRIQUE CENTRALE (C.E.E.A.C) ». * 314A/RES/55/22, préambule, par. 1. * 315Ibid, par. 5. * 316 A/52/871 - S/1998/318. * 317A/52/871. * 318S/1998/318. * 319 A/RES/55/2. * 320 Les Chefs d'Etat ou de Gouvernement ont décidé ici d'encourager toutes initiatives régionales ou sous-régionales allant dans le sens de la prévention des conflits, de la stabilité politique et du financement régulier des OMP menées sur le continent. * 321A/RES/55/22, dispositif, par. 1. * 322Ibid, par. 2. * 323Ibid, par. 4. * 324Ibid, par. 8. * 325Ibid, par. 9. |
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