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Communication de crise : gestion de la crise sanitaire mondiale par le gouvernement marocain, cas du MEN


par NOUREDDINE IDRISSI
Université de Versailles-Saint-Quentin en Yvelines Paris-Saclay - Master 2 en politiques de communication 2019
  

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CHAPITRE 2

Communication de crise : Gestion de la crise sanitaire par le Gouvernement Marocain

« Le dirigeant se voit brutalement convoqué pour un exercice auquel il n'a pas été préparé : le pilotage hors-piste ! »P. LAGADEC

La lutte contre la propagation du Coronavirus a contraint l'ensemble des États du monde entier à prendre des mesures urgentes et exceptionnelles pour faire face aux risques de ce que l'OMS a qualifié de pandémie. Le Royaume du Maroc n'a pas dérogé à cette règle et dès l'enregistrement du premier cas confirmé de contamination au nouveau Coronavirus le 2 mars, (Il s'agissait d'un Marocain résidant en Italie, pris en charge à l'hôpital Moulay Youssef à Casablanca) il a pris des mesures draconiennes afin d'endiguer l'épidémie :

- Fermeture des frontières aériennes, terrestres et maritimes

- Fermeture des établissements scolaires et universitaires

- Fermeture des lieux de culte, des restaurants et des cafés

- Confinement sanitaire obligatoire, couvre-feu (dès le 20 mars)

- Port obligatoire du masque et gestes barrières

Le Maroc a jusqu'ici été dans l'anticipation en prenant des décisions qui relèvent du stade 2 ou 3 alors qu'il n'en était qu'au stade 1.

Un plan d'action a été rapidement établi par le gouvernement autour de trois axes : santé, économie et ordre social.

Sur le plan sanitaire, il s'agit de maîtriser d'urgence la progression de la pandémie.

Sur le plan socio-économique et face à une conjoncture économique nationale fortement impactée par la crise sanitaire, (le Haut-Commissariat au plan a dévoilé le 22 avril 2020, une étude sur l'impact immédiat de la crise : La croissance économique nationale serait amputée de 8,9 points, au deuxième trimestre 2020) la création d'un «Fonds spécial Covid-19 » s'est imposée. Doté d'une capacité de 3% du PIB, ce fonds social a pour but de soutenir les secteurs les plus affectés et les populations les plus touchées par le ralentissement de l'activité économique.

D'après le HCP, une indemnité mensuelle est octroyée jusqu'à fin juin 2020 au profit des salariés déclarés à la Caisse nationale de sécurité socialeen arrêt temporaire de travail, dans les entreprises en difficulté. Elle a concerné 132.000 entreprises sur les 216.000 affiliées à la Caisse, et près de 900.000 salariés.

Le Comité de veille a également pris un ensemble de mesures en faveur des TPE et PME touchées par la pandémie (les entreprises marocaines ont vécu une période de cessation de fonctionnement sans précédent. En effet, plusieurs sociétés, industrielles et commerciales, étaient dans l'obligation de rompre leur activité, et par conséquent leurs cycles d'exploitation et de financement ont été profondément impactés par cette crise sanitaire) en facilitant le financement de l'économie par le système bancaire et en répondant à leurs besoins en liquidité.

Les stratégies de communication de crise

Pour éviter d'ébranler la population lors du déclenchement de la crise sanitaire, le gouvernement Marocain a choisi de garder le silence dans un premier temps. Un mutisme décrié par plusieurs organes de presse qui déplorent le manque d'information et l'absence d'interlocuteur.

Mais suite aux résultats des premiers tests, le Ministère de la Santé Publique a commencé alors à publier les chiffres sur les réseaux sociaux et dans les médias.

Parallèlement, le gouvernement met en place sa stratégie de gestion communication de crise grandeur nature que l'on peut appréhender selon deux aspects : communicationnel et opérationnel.

1-Stratégie de la discrétion maîtrisée : L'information est communiquée au compte-goutte pour ne pas déstabiliser la population.

- Fermeture des écoles, du ciel aérien, des frontières maritimes, confinement, port du masque et gestes barrières.

2-Stratégie de la reconstruction : Création d'un fonds Covid-19, indemnisation des démunis.

3-Stratégie narrative : Le but de cette stratégie est de toucher la fibre émotionnelle de la population, chercher son adhésion et la rassurer à travers des messages simples, des capsules audio et vidéo pratiques, diffusées en Arabe, en Amazigh et en Français sur les chaînes de télévision, de la radio, dans la presse, sur les portails web officiels et sur les réseaux sociaux avec un hashtag : # Bkaw fdar (Restez chez vous !) pour la première phase et # Nbakaw 3la Bal (Restons vigilants !) juste après le confinement.

Si le traitement des malades à la chloroquine a suscité un grand débat en France, au Maroc la population a réagi positivement en faisant entièrement confiance au Ministère de la Santé. (Mimétisme institutionnel : on voit ce que fait le voisin Français et on l'imite)

Toujours dans le cadre de son approche anticipative, l'Etat a mobilisé les FAR pour la mise en place de structures de santé équipées dans les différentes villes du royaume.

Les forces de l'ordre ont joué un rôle clé, et ce, dès l'annonce de l'état d'urgence sanitaire. Il y a eu une mobilisation de l'ensemble des agents d'autorité, mais aussi celle de l'armée et de la police pour sensibiliser les citoyens et faire respecter le confinement.

Certains ministres du gouvernement, ont aussi fait preuve de beaucoup de dynamisme, notamment le ministre de la Santé qui s'est retrouvé sous le feu de la rampe, celui de l'Intérieur a été mis sur le devant de la scène et leur collègue en charge du Commerce, de l'Industrie et de l'Économie numérique a su tirer profit de la crise sanitaire pour réadapter l'industrie Marocaine. Quant au MEN, il a réussi la gageure en lançant rapidement les cours à distance.

Mais Les vrais héros de la lutte contre la pandémie demeurent incontestablement les médecins et le personnel soignant de manière générale.

En première ligne dans le combat contre le Coronavirus, le corps médical accueille les cas suspects, s'occupe du dépistage des symptômes de la maladie et de la mise en quarantaine pour les contaminés.

Il participe également à plusieurs campagnes de sensibilisation avec le concours de certains acteurs associatifs dans presque toutes les régions. Des campagnes qui ont pour but d'inciter la population à respecter les gestes barrières, le port du masque, le respect de la distanciation physique et des mesures d'hygiène.

La pandémie a été maîtrisée lors de la première phase au détriment de l'économie qui a accusé des coups durs, notamment dans le secteur du tourisme et de l'informel.

Érigé comme modèle de gestion de crise sanitaire par l'Institut Montaigne et plusieurs institutions internationales, le Maroc a déployé un dispositif impressionnant pour lutter contre l'épidémie et soutenir l'économie.

Ayant rapidement tiré les enseignements de l'intensité de la situation en Chine et en Europe, le Royaume a rapidement mis en place l'état d'urgence sanitaire avec la fermeture des frontières nationales. Des mesures pour soutenir l'économie et l'emploi, accompagnées des restrictions aux libertés de circulation, de réunion et de manifestation ont été consenties.

Cas du Ministère de l'Enseignement National

« Nous sommes entrés dans une ère de hautes turbulences et de crises inconnues

auparavant » P. LAGADEC

Après la fermeture des écoles et des universités le 13 mars 2019, le Ministre de l'Enseignement National, de la Formation professionnelle, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, a pris la décision de mettre en place le e-learning et a mobilisé les médias publics pour diffuser les cours et assurer la continuité pédagogique. Initiative largement saluée par les différents acteurs de la Société.

Le MEN a rapidement réagi face à la pandémie en élaborant un plan intégré pour gérer et surtout sauver la saison scolaire. Pas question pour lui de décréter une année blanche, cela ne fait pas partie de son plan d'urgence.

Dès le lancement de l'enseignement à distance, la plateforme « Tilmid tice » a enregistré plus de 600 000 utilisateurs. Deux heures après, son contenu est diffusé sur la 4ème chaîne marocaine.

En plus de«Tilmid tice», portail pédagogique doté de contenus destinés aux élèves du primaire jusqu'à la terminale, le MEN a lancé « Taâlim tice »pour un renforcement optimal.

Des vidéos pédagogiques en streaming et des Moocsont déposéessur des plateformes mais également sur les réseaux sociaux.

Grâce au portail «Taâlim.ma», chaque enseignant peut créer sa classe virtuelle à travers l'outil «Microsoft teams»

Plus de 40.000 ouvrages de référence numériques traitant différents domaines, ont été mis à la disposition des apprenants.

L'enseignement à distance a pu toucher une dizaine de millions d'élèves, étudiants et jeunes en formation professionnelle, pour un taux de suivi variant entre 96% pour le secteur de l'enseignement privé et 71% dans le public.

Plus de 6 200 sources numériques ont été mobilisées à cet égard et 800 000 heures de formation ont été dédiées aux apprenants avec un taux de suivi allant de 50 à 90%, selon les filières.

Afin de venir en aide aux candidats des épreuves certificatives, certains enseignants créent et diffusent gratuitement des capsules vidéo sur les réseaux sociaux.

Les cours à distance et l'organisation des épreuves du baccalauréat sont le véritable challenge et le défi majeur que devait relever le MEN.

En effet, c'est dans des conditions exceptionnelles que 441 238 candidats passent la session normale du baccalauréat cette année, alors qu'en France elle est annulée et seuls les contrôles continus sont pris en compte.

A une situation exceptionnelle, un dispositif exceptionnel :

- 2 155 centres d'examen ont été mobilisés au niveau des différentes villes du Royaume pour accueillir les futurs bacheliers,

- Plus d'une centaine de salles couvertes,

- 145 amphithéâtres

- 1 910 établissements scolaires

- Un petit groupe par salle d'examen : 10 candidats (respect de la distanciation)

- Des masques, des visières, des gels hydro-alcooliques dans toutes les salles sans exception.

Les moyens logistiques et sanitaires mis au service des candidats et des cadres pédagogiques chargés de la supervision des examens sont à la hauteur des attentes des parents d'élèves.

Le MEN a réussi à relever le défi de l'enseignement à distance et à organiser les épreuves du baccalauréat dans un contexte sanitaire mondial très difficile mais il n'en demeure pas moins que des inégalités existent quant à l'accès au numérique.

En effet, les enfants des zones rurales n'ont pas accès à Internet et n'ont pas les moyens pour s'acheter des tablettes, des smartphones ou encore des ordinateurs.

Lors du confinement ces mêmes enfants ont été privés des cours à distance et à l'accès aux "classes virtuelles" via les applications Teams, WhatsApp ou Facebook.

Le problème des égalités des chances se pose, avec acuité, en dépit des efforts déployés par le MEN.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard