CHAPITRE 2
Communication de crise : Gestion de la crise sanitaire
par le Gouvernement Marocain
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« Le dirigeant se voit brutalement convoqué
pour un exercice auquel il n'a pas été préparé : le
pilotage hors-piste ! »P. LAGADEC
La lutte contre la propagation du Coronavirus a contraint
l'ensemble des États du monde entier à prendre des mesures
urgentes et exceptionnelles pour faire face aux risques de ce que l'OMS a
qualifié de pandémie. Le Royaume du Maroc n'a pas
dérogé à cette règle et dès l'enregistrement
du premier cas confirmé de contamination au nouveau Coronavirus le 2
mars, (Il s'agissait d'un Marocain résidant en Italie, pris en charge
à l'hôpital Moulay Youssef à Casablanca) il a pris des
mesures draconiennes afin d'endiguer l'épidémie :
- Fermeture des frontières aériennes, terrestres et
maritimes
- Fermeture des établissements scolaires et
universitaires
- Fermeture des lieux de culte, des restaurants et des
cafés
- Confinement sanitaire obligatoire, couvre-feu (dès le 20
mars)
- Port obligatoire du masque et gestes barrières
Le Maroc a jusqu'ici été dans l'anticipation en
prenant des décisions qui relèvent du stade 2 ou 3 alors qu'il
n'en était qu'au stade 1.
Un plan d'action a été rapidement établi par
le gouvernement autour de trois axes : santé, économie et ordre
social.
Sur le plan sanitaire, il s'agit de maîtriser d'urgence la
progression de la pandémie.
Sur le plan socio-économique et face à une
conjoncture économique nationale fortement impactée par la crise
sanitaire, (le Haut-Commissariat au plan a dévoilé le 22 avril
2020, une étude sur l'impact immédiat de la crise : La
croissance économique nationale serait amputée de 8,9 points, au
deuxième trimestre 2020) la création d'un «Fonds
spécial Covid-19 » s'est imposée. Doté d'une
capacité de 3% du PIB, ce fonds social a pour but de soutenir les
secteurs les plus affectés et les populations les plus touchées
par le ralentissement de l'activité économique.
D'après le HCP, une indemnité mensuelle est
octroyée jusqu'à fin juin 2020 au profit des salariés
déclarés à la Caisse nationale de sécurité
socialeen arrêt temporaire de travail, dans les entreprises en
difficulté. Elle a concerné 132.000 entreprises sur les 216.000
affiliées à la Caisse, et près de 900.000
salariés.
Le Comité de veille a également pris un ensemble
de mesures en faveur des TPE et PME touchées par la pandémie (les
entreprises marocaines ont vécu une période de cessation de
fonctionnement sans précédent. En effet, plusieurs
sociétés, industrielles et commerciales, étaient dans
l'obligation de rompre leur activité, et par conséquent leurs
cycles d'exploitation et de financement ont été
profondément impactés par cette crise sanitaire) en facilitant le
financement de l'économie par le système bancaire et en
répondant à leurs besoins en liquidité.
Les stratégies de communication de
crise
Pour éviter d'ébranler la population lors du
déclenchement de la crise sanitaire, le gouvernement Marocain a choisi
de garder le silence dans un premier temps. Un mutisme décrié par
plusieurs organes de presse qui déplorent le manque d'information et
l'absence d'interlocuteur.
Mais suite aux résultats des premiers tests, le
Ministère de la Santé Publique a commencé alors à
publier les chiffres sur les réseaux sociaux et dans les
médias.
Parallèlement, le gouvernement met en place sa
stratégie de gestion communication de crise grandeur nature que l'on
peut appréhender selon deux aspects : communicationnel et
opérationnel.
1-Stratégie de la discrétion
maîtrisée : L'information est communiquée au
compte-goutte pour ne pas déstabiliser la population.
- Fermeture des écoles, du ciel aérien, des
frontières maritimes, confinement, port du masque et gestes
barrières.
2-Stratégie de la reconstruction :
Création d'un fonds Covid-19, indemnisation des démunis.
3-Stratégie narrative : Le but de cette
stratégie est de toucher la fibre émotionnelle de la population,
chercher son adhésion et la rassurer à travers des messages
simples, des capsules audio et vidéo pratiques, diffusées en
Arabe, en Amazigh et en Français sur les chaînes de
télévision, de la radio, dans la presse, sur les portails web
officiels et sur les réseaux sociaux avec un hashtag : # Bkaw fdar
(Restez chez vous !) pour la première phase et # Nbakaw 3la Bal (Restons
vigilants !) juste après le confinement.
Si le traitement des malades à la chloroquine a
suscité un grand débat en France, au Maroc la population a
réagi positivement en faisant entièrement confiance au
Ministère de la Santé. (Mimétisme institutionnel : on voit
ce que fait le voisin Français et on l'imite)
Toujours dans le cadre de son approche anticipative, l'Etat a
mobilisé les FAR pour la mise en place de structures de santé
équipées dans les différentes villes du royaume.
Les forces de l'ordre ont joué un rôle clé,
et ce, dès l'annonce de l'état d'urgence sanitaire. Il y a eu
une mobilisation de l'ensemble des agents d'autorité, mais aussi celle
de l'armée et de la police pour sensibiliser les citoyens et faire
respecter le confinement.
Certains ministres du gouvernement, ont aussi fait preuve de
beaucoup de dynamisme, notamment le ministre de la Santé qui s'est
retrouvé sous le feu de la rampe, celui de l'Intérieur a
été mis sur le devant de la scène et leur collègue
en charge du Commerce, de l'Industrie et de l'Économie numérique
a su tirer profit de la crise sanitaire pour réadapter l'industrie
Marocaine. Quant au MEN, il a réussi la gageure en lançant
rapidement les cours à distance.
Mais Les vrais héros de la lutte contre la pandémie
demeurent incontestablement les médecins et le personnel soignant de
manière générale.
En première ligne dans le combat contre le Coronavirus, le
corps médical accueille les cas suspects, s'occupe du dépistage
des symptômes de la maladie et de la mise en quarantaine pour les
contaminés.
Il participe également à plusieurs campagnes de
sensibilisation avec le concours de certains acteurs associatifs dans presque
toutes les régions. Des campagnes qui ont pour but d'inciter la
population à respecter les gestes barrières, le port du masque,
le respect de la distanciation physique et des mesures d'hygiène.
La pandémie a été maîtrisée
lors de la première phase au détriment de l'économie qui a
accusé des coups durs, notamment dans le secteur du tourisme et de
l'informel.
Érigé comme modèle de gestion de crise
sanitaire par l'Institut Montaigne et plusieurs institutions internationales,
le Maroc a déployé un dispositif impressionnant pour lutter
contre l'épidémie et soutenir l'économie.
Ayant rapidement tiré les enseignements de
l'intensité de la situation en Chine et en Europe, le Royaume a
rapidement mis en place l'état d'urgence sanitaire avec la fermeture des
frontières nationales. Des mesures pour soutenir l'économie et
l'emploi, accompagnées des restrictions aux libertés de
circulation, de réunion et de manifestation ont été
consenties.
Cas du Ministère de l'Enseignement
National
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« Nous sommes entrés dans une ère de
hautes turbulences et de crises inconnues
auparavant »
P. LAGADEC
Après la fermeture des écoles et des
universités le 13 mars 2019, le Ministre de l'Enseignement National, de
la Formation professionnelle, de l'Enseignement Supérieur et de la
Recherche Scientifique, a pris la décision de mettre en place le
e-learning et a mobilisé les médias publics pour diffuser les
cours et assurer la continuité pédagogique. Initiative largement
saluée par les différents acteurs de la Société.
Le MEN a rapidement réagi face à la pandémie
en élaborant un plan intégré pour gérer et surtout
sauver la saison scolaire. Pas question pour lui de décréter une
année blanche, cela ne fait pas partie de son plan d'urgence.
Dès le lancement de l'enseignement à distance, la
plateforme « Tilmid tice » a enregistré plus de
600 000 utilisateurs. Deux heures après, son contenu est
diffusé sur la 4ème chaîne marocaine.
En plus de«Tilmid tice», portail pédagogique
doté de contenus destinés aux élèves du primaire
jusqu'à la terminale, le MEN a lancé « Taâlim
tice »pour un renforcement optimal.
Des vidéos pédagogiques en streaming et des
Moocsont déposéessur des plateformes mais également sur
les réseaux sociaux.
Grâce au portail «Taâlim.ma», chaque
enseignant peut créer sa classe virtuelle à travers l'outil
«Microsoft teams»
Plus de 40.000 ouvrages de référence
numériques traitant différents domaines, ont été
mis à la disposition des apprenants.
L'enseignement à distance a pu toucher une dizaine de
millions d'élèves, étudiants et jeunes en formation
professionnelle, pour un taux de suivi variant entre 96% pour le secteur de
l'enseignement privé et 71% dans le public.
Plus de 6 200 sources numériques ont été
mobilisées à cet égard et 800 000 heures de formation ont
été dédiées aux apprenants avec un taux de suivi
allant de 50 à 90%, selon les filières.
Afin de venir en aide aux candidats des épreuves
certificatives, certains enseignants créent et diffusent gratuitement
des capsules vidéo sur les réseaux sociaux.
Les cours à distance et l'organisation des épreuves
du baccalauréat sont le véritable challenge et le défi
majeur que devait relever le MEN.
En effet, c'est dans des conditions exceptionnelles que 441 238
candidats passent la session normale du baccalauréat cette année,
alors qu'en France elle est annulée et seuls les contrôles
continus sont pris en compte.
A une situation exceptionnelle, un dispositif exceptionnel :
- 2 155 centres d'examen ont été mobilisés
au niveau des différentes villes du Royaume pour accueillir les futurs
bacheliers,
- Plus d'une centaine de salles couvertes,
- 145 amphithéâtres
- 1 910 établissements scolaires
- Un petit groupe par salle d'examen : 10 candidats (respect de
la distanciation)
- Des masques, des visières, des gels hydro-alcooliques
dans toutes les salles sans exception.
Les moyens logistiques et sanitaires mis au service des candidats
et des cadres pédagogiques chargés de la supervision des examens
sont à la hauteur des attentes des parents d'élèves.
Le MEN a réussi à relever le défi de
l'enseignement à distance et à organiser les épreuves du
baccalauréat dans un contexte sanitaire mondial très difficile
mais il n'en demeure pas moins que des inégalités existent quant
à l'accès au numérique.
En effet, les enfants des zones rurales n'ont pas accès
à Internet et n'ont pas les moyens pour s'acheter des tablettes, des
smartphones ou encore des ordinateurs.
Lors du confinement ces mêmes enfants ont
été privés des cours à distance et à
l'accès aux "classes virtuelles" via les applications Teams, WhatsApp ou
Facebook.
Le problème des égalités des chances se
pose, avec acuité, en dépit des efforts déployés
par le MEN.
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