La renonciation au recours en annulation en arbitrage OHADApar A. Mariane Fabiola OBROU-ASSIRI Université Catholique de l'Afrique de l'ouest- Unité Universitaire à Abidjan (UCAO-UUA) - Master en droit privé 2020 |
Paragraphe 2 : La force obligatoire de la clause de renonciation au recours en annulationIl est vrai que plus haut dans le travail, on a abordé la question de la force obligatoire. Mais à ce niveau, il s'agit d'approfondir la question afin de mieux cerner son sens et sa portée. Comme toute convention, la convention d'arbitrage contenant la clause de renonciation au recours en annulation produit des effets. Elle est la loi des parties (A) et elle est aussi opposable aux tiers et au juge (B). A- La renonciation au recours en annulation : la loi des parties La renonciation au recours en annulation se résume en l'obligation faite aux parties de respecter la clause de renonciation et à l'impossibilité pour elles de la modifier unilatéralement. Selon l'adage « pacta sunt servanda » les conventions doivent être respectées. C'est ce qui ressort après lecture de l'article 1134 du Code civil88(*). A travers cet article on comprend que les parties doivent respecter scrupuleusement ce qu'elles ont conclu. Il est fait obligation alors aux parties de respecter la convention d'arbitrage dans laquelle elles entendaient renoncer expressément à exercer le recours en annulation de la sentence arbitrale. L'application de la clause doit se faire dans le respect d'une certaine loyauté et coopération. Ce qui sous-entend l'exigence de bonne foi. En effet, il est tout à fait normal que la clause de renonciation soit exclusivement tenue par les personnes qui en ont consenti clairement, car cette clause repose sur l'accord de leur volonté. Il est donc injuste d'en imposer à des personnes qui n'y ont pas consenti. Les parties doivent exécuter la sentence arbitrale et ne doivent pas s'y opposer par quelque moyen que ce soit. Puisque c'est la volonté commune des parties qui a fait naitre la clause de renonciation c'est elle seule qui peut la modifier ou y mettre fin89(*). Ce qui signifie que toute modification ou révocation unilatérale de la clause de renonciation au recours en annulation de la sentence arbitrale est interdite voire impossible. Née de la commune volonté des parties, la clause de renonciation ne peut faire l'objet d'une modification ou d'une révocation unilatérale par l'une des parties90(*) c'est-à-dire qu'une seule partie ne peut ni la modifier ni la révoquer. En effet, ne pas admettre de telles choses relève du bon sens. Le bon sens voudrait que la révocation ou la modification d'une clause de renonciation au recours en annulation se fasse aussi par un commun accord des parties ; que ce soient les mêmes parties à la création de la clause de renonciation qui y mettent fin. Modification et révocation ne sont possibles que par un consentement mutuel des parties et si le législateur OHADA le prévoit dans un texte de lois. C'est dire que pour des clauses légales la renonciation peut être modifiée ou révoquée. Sachant qu'il n'est nullement écrit dans l'AUA et dans le RA/CCJA ceci, la modification unilatérale de la clause de renonciation est donc impossible. Pour qu'il y ait révocation, seul est en principe autorisé le mutuus dissensus. Cela signifie que c'est par leur dissentiment mutuel que les parties pourront mettre fin à la renonciation au recours en annulation de leur sentence arbitrale. Ce qui a pour conséquence l'exercice dudit recours. Aucune des parties n'a le pouvoir d'imposer à l'autre la révocation ni même la modification de la renonciation. Elle est licite et irrévocable, sauf nouvel accord de volonté des parties. Elle demeure pour les parties leur loi. Loi, qui ne s'applique qu'à elles. Le juge et les tiers ne peuvent donc s'y immiscer. Néanmoins, elle leur est opposable. B- L'effet relatif de la clause de renonciation Bien qu'ils ne soient pas ?partie? à la renonciation, la renonciation au recours en annulation s'impose à eux de quelque manière que ce soit. Il s'agit du tiers et du juge. Selon la maxime : « pacta tertiis nec nocent prosunt », les accords ne peuvent ni imposer des obligations aux tiers, ni leur conférer des droits. L'article 1165 du code civil vient conforter cela en disposant que : « les conventions n'ont d'effet qu'entre les contractants ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 1121 »91(*). De cet article il ressort le principe de l'effet relatif des conventions. Par effet relatif de la convention, il faut entendre ici que la convention ne s'applique pas aux tiers parce qu'ils n'y ont pas été parties. Ils ne peuvent ni avoir des droits ni des obligations, tirés de la convention. Force est de constater que la renonciation au recours en annulation de la sentence arbitrale produit aussi un effet relatif, en ce sens qu'elle ne s'applique qu'aux parties qui y ont consenti. Pour rappel, ce principe a pour fondement la théorie de l'autonomie de la volonté. C'est pourquoi l'obligation qui est faite aux tiers est celle de ne pas faire obstacle à l'application de la renonciation. Ils doivent s'en tenir à la volonté des parties. En dehors de cette obligation aucune autre obligation ne leur est imposée. Ils ne peuvent ni profiter, ni être nuis par la renonciation au recours en annulation92(*). Cela est valable de même pour le juge qui ne peut y déroger. La renonciation au recours en annulation est aussi opposable au juge ; c'est-à-dire qu'elle s'impose à lui. A ce niveau son pouvoir d'interprétation est très limité malgré le fait que le législateur lui ait accordé de larges pouvoirs d'interprétation surtout en matière contractuelle93(*). C'est pourquoi la modification, la révision et la révocation de la renonciation par le juge sont prohibées pour éviter que la clause de renonciation perde sa valeur, son caractère de même que sa spécificité. En effet, la renonciation au recours en annulation de la sentence arbitrale a été conçue par la volonté sans équivoque des parties. C'est pourquoi le législateur OHADA limite l'intervention du juge dans l'interprétation de la convention d'arbitrage afin d'éviter qu'il ne la modifie à sa guise. Il est tenu de respecter la clause telle que stipulée dans la convention d'arbitrage et de la faire respecter sauf dans les cas où la loi l'habilite à y intervenir. De ce qui précède on retient que le législateur OHADA a voulu conserver la volonté des parties comme étant la seule loi susceptible de faire naître la clause de renonciation et d'opérer des changements. C'est pourquoi il fait intervenir le juge avec prudence dans le domaine arbitral afin de ne pas heurter la primauté de la volonté des parties dans la convention d'arbitrage. L'irrévocabilité de la renonciation transparait aussi au niveau de l'institution arbitrale. On note une consolidation de l'institution arbitrale94(*). * 88 Voir Article 1134 C. civ, op. cit. * 89 « L'irrévocabilité du contrat », en ligne sur : http://www.lemondepolitique.fr/cours/droits-obligations/effets-contrats/force.html, [consulté le 11 janvier 2019]. * 90« L'irrévocabilité du contrat ? : Comment définir l'irrévocabilité du contrat », http://www.commentfaiton.com/fiche/voir/19108/comment-definir-l-irrevocabilite-du-contrat, consulté le 11 janvier 2019. * 91 Voir Article 1165 C. civ. * 92 « L'efficacité de la convention d'arbitrage », en ligne sur : http://www.revue.ersuma.org/n°-2-mars-2013/doctrine-20/L-efficacite-de-la-convention-d-arbitrage, [consulté le 26 décembre 2018]. * 93« Le juge doit interpréter le contrat et ne peut le modifier », disponible sur : https://www.cours-de-droit.net, [consulté le 11 janvier 2019]. * 94 RACINE (J.B.), « Réflexions sur l'autonomie de l'arbitrage commercial international », op. cit. ; DERAINS (Y.), « Les tendances de la jurisprudence arbitrale internationale », J.D.I., 1993, p.831. |
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