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Comportement de l'entrepreneur, de l'intention à  la réalisation du projet. Intéret du développement. Du sentiment d'auto-efficacité chez l'entrepreneur de nécessité.


par Majid Chebrek
IAE Lille - University School of Management  - Master 2 - Management Sciences de Gestion 2019
  

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2. Naissance de l'intention entrepreneuriale

Dans le premier temps de nos entretiens nous nous sommes intéressés aux raisons pour lesquelles les individus avaient choisi de s'engager dans la voie entrepreneuriale. L'entrepreneuriat pour les personnes interrogées était-il perçu davantage comme une contrainte que comme une opportunité ? Nous avons conscience qu'une vision purement manichéenne dans ce contexte n'est pas adaptée. La réponse à cette question ne peut être catégorique. C'est pourquoi l'objectif de notre analyse était davantage de mettre en évidence une tendance que de classifier les entrepreneurs interrogés. Afin d'en faire un commentaire le plus objectif possible, et limiter ainsi les biais d'interprétation, nous avons retenu dans leurs discours les motivations à entreprendre et nous les avons confrontés à plusieurs grilles d'analyse retrouvées dans la littérature. En effet, comme nous l'avons déjà vu dans la définition de l'entrepreneur par nécessité, il est décrit par différents auteurs45 des facteurs push et des facteurs pull. Les premiers sont des éléments qui vont contraindre un individu à entreprendre, tandis que les seconds vont plutôt lui offrir des opportunités. Un autre élément de la littérature a guidé notre interprétation : la notion de désirabilité perçue. Shapero et Sokol considérait, dans leur modélisation de la formation de l'événement entrepreneurial, que la perception de la désirabilité d'un projet était influencée par le contexte de vie des individus. Ils identifiaient ainsi des déplacements négatifs ou positifs et des situations intermédiaires, correspondant à des évènements de vie et orientant les intentions et décisions d'un individu. Il était question d'une désirabilité perçue plus faible chez les entrepreneurs de nécessité.

44 Renoul, B., « Roubaix, ville la plus pauvre de France, une nouvelle article le confirme », dans La Voix du Nord. 28/01/14

45 Fayolle, Nakara, Carter et al. 2003 ; Kove

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Nous appuyant sur ces deux approches nous avons ainsi pu identifier chez chaque entrepreneur une tendance dans la motivation à entreprendre. En effet, dans les discours de Djamil, Mehdi, Laure et Karim, la présence de contrainte était plus évidente et même, selon nous, supérieure à l'opportunité. Nous y avons, en effet, retrouvé de nombreux facteurs push ou éléments ayant terni la désirabilité de leur projet. Pour deux d'entre eux il s'agissait de la précarité de leur situation professionnelle. La difficulté qu'ils éprouvaient à se stabiliser dans l'emploi et la confrontation au chômage constituaient des éléments majeurs de leurs discours. Karim dit « J'étais demandeur d'emploi [...] J'en avais assez des petits emplois en interim. On ne peut pas se projeter avec une situation pareille. » Mehdi quant à lui parle d' « échecs » renforçant l'idée que sa trajectoire professionnelle était assimilée à des obstacles à surmonter, il dit : « J'ai décidé de devenir entrepreneur après une succession d'échecs professionnels ». Il évoque la complexité de trouver un emploi à la hauteur de ses attentes et compétences : « aussi parce que les emplois que je pratiquais étaient soit précaires soit souvent très peu à la hauteur de mes qualifications professionnelles. » Il justifie cela par le sentiment d'avoir été discriminé et met bien en parallèle le facteur push décrit avec l'intention entrepreneuriale : « Je pense avoir vécu des discriminations à l'emploi, de ce fait j'ai investi dans mon emploi en créant ma société. ». Pour Djamil, 18 ans à l'époque de l'ouverture de on entreprise, on mettait en évidence deux autres facteurs. D'une part, la fin du cursus scolaire, précipitée par des difficultés : « J'étais dans un lycée professionnel, j'avais un peu de mal à suivre les cours. ». Cela pourrait être qualifié, selon l'analyse de Shapero et Sokol, de déplacement négatif. D'autre part, une désirabilité diminuée par l'envie de se conformer aux attentes de son père : « C'est aussi mon père qui m'a orienté vers cette décision ». Dans le discours de Laure, on met là encore en évidence deux autres facteurs push. En premier lieu, des problèmes de santé, qui correspondent à des déplacements négatifs : « J'étais salariée et suite à un petit problème de santé, je me suis remise en question ». En second lieu, un sentiment de peur qui affaiblit sa désirabilité à se lancer dans le projet : « J'étais partagée parce que je voulais vraiment créer mon entreprise mais j'avais peur ! J'avais vraiment très peur ». Par la répétition elle insiste sur ce sentiment de peur, et nous pouvons comprendre que cet élément a été déterminant dans son intention entrepreneuriale.

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Malgré tout, dans le discours de ces entrepreneurs, nous avons également retrouvé des facteurs pouvant être considérés comme « pull » et des éléments influençant de manière positive la désirabilité du projet. Nous remarquons que tous les quatre ont cité la recherche d'une autonomie, et d'une certaine liberté. Djamil dit : « La possibilité de gérer soit même les heures de travail, je voyais beaucoup la liberté... Ne plus avoir de consignes, de directeur, de personne qui te donne des ordres. C'était ça surtout. » Laure : « Pour être libre de mon emploi du temps. » Mehdi : « être libre de décider manière autonome ». Ce facteur, faisant l'unanimité chez ces entrepreneurs, peut être considéré comme particulièrement attrayant. La liberté et l'autonomie constituent de fait des éléments majeurs dans l'intention entrepreneuriale. Un autre élément était mis en évidence dans trois des quatre discours : l'envie de gagner de l'argent. « Je voulais gagner de l'argent », dit Djamil, « laisser un bon patrimoine à mes enfants. » dit Karim, ou encore « être indépendant financièrement » dit Mehdi. Il nous semble que ce facteur pull est à nuancer. En effet s'il représente une motivation pour l'individu, il est aussi un élément révélant la difficulté qu'ils ont de « gagner de l'argent » autrement que par l'entrepreneuriat. Il est donc à contrebalancer avec les problèmes de précarité et de chômage. Pour Mehdi, un autre facteur avait influencé sa décision d'entreprendre : le challenge. « Il y avait quand même une barrière qui était le côté financier avec le risque de perdre mes économies, mais je suis plutôt joueur alors j'ai tenté l'aventure. » L'idée de relever un défi, et d'avoir une approche positive de la prise de risque influence ici de manière positive la désirabilité du projet. Enfin chez Djamil, nous avons relevé un dernier élément encourageant la motivation : le besoin d'accomplissement. « Ça n'allait pas du tout la théorie, donc je me suis dit il faut que je me lance dans la pratique, tout simplement. Je me suis dit il faut que je fasse quelque chose de mes doigts, parce que de ma tête j'allais pas faire grand-chose. En fait, je suis plus doué avec mes mains qu'avec ma tête. » Il ne se sentait pas épanoui sur les bancs de l'école, et avait besoin d'autre chose pour s'accomplir. Dans sa façon d'en parler, on devine une certaine fatalité. Pour cela, il est encore une fois légitime de s'interroger sur la réalité « pull » du facteur. Accepter ses difficultés scolaires et envisager une autre trajectoire que celle imposée par l'éducation nationale peut être interprété comme une preuve de réalisme salvateur ou comme un désarroi fataliste.

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Pour les trois autres entrepreneurs interrogés les facteurs « pull » étaient plus évidents et bien supérieurs aux facteurs push. En effet, chez Iris et Paul nous n'avons pas retrouvé d'éléments de contrainte dans leur discours. Iris pense même qu'« il ne faut pas le faire parce qu'on est au chômage. Il faut que l'idée soit constructive, que tu aies une idée de base et que tu te sentes capable d'assurer sur ce dans quoi tu vas t'engager. » Elle ajoute d'ailleurs que la contrainte peut selon elle être à l'origine d'une trajectoire défavorable du projet entrepreneurial : « Parce que si tu fais ça juste pour combler parce que tu n'as pas de travail hey bah je ne sais pas si ça va durer... ». Mais, comme nous l'avons déjà vu, le chômage est loin d'être le seul facteur de contrainte. Du reste, Victor nous faisait part d'un élément qui n'a pas été cité par les entrepreneurs que nous avons identifié dans la tendance à la nécessité : l'ennui. « En fait dans mon poste, je commençais à avoir fait le tour, me disais « barre toi, barre toi ! Mais vu comment t'es naturellement c'est pas pour rien... » L'ennui est cité dans le modèle de Shapero et Sokol comme un déplacement négatif, affectant la désirabilité du projet. Il nous semble que dans le contexte ce facteur peut être nuancé d'une part parce qu'il est le seul élément pouvant être considéré comme négatif par Victor, et d'autre part parce qu'il est cité de manière plutôt détachée, sans manifester d'émotion néfaste. Au contraire, il semble nous dire que sa personnalité l'orientait vers un autre projet que le poste qu'il occupait. L'ennui peut donc, ici, être mis en parallèle avec l'envie de relever de nouveaux défis, représentant alors un facteur plutôt « pull ». Pour ce qui est des autres facteurs ayant influencé positivement l'intention entrepreneuriale, l'idée d'un projet a été citée par les trois entrepreneurs. Iris dit : « j'ai senti qu'il y avait un besoin », Paul : « Je le voulais vraiment, sincèrement pour accéder à un marché qui n'était pas développé. » et Victor : « là c'était parce qu'il y avait une opportunité. J'étais dans mon boulot, je faisais un truc et là je me suis dit tiens il y a un « biz » à faire. ». Le fait qu'une idée de projet émerge renforce la désirabilité, mais surtout représente un facteur évident de l'existence d'une opportunité. Deux des trois entrepreneurs citent également la présence de clients intéressés. Iris: « J'ai vu qu'il y avait des patients qui se confiaient, ils me demandaient pleins d'aides », Victor : « Tous les clients me le demandaient, tout le monde cherchait à avoir ce produit donc je me suis lancé ». Ce facteur est clairement identifié par Shapero et Sokol comme un déplacement positif, augmentant donc la désirabilité du projet. Dans l'expérience d'Iris, nous retrouvons un autre déplacement positif important : la rencontre d'une partenaire. « j'ai croisé une femme de ménage et j'ai vu qu'elle travaillait vraiment bien,

Laure

Mehdi

qu'elle s'occupait vraiment bien des gens. Un jour elle m'a dit "tu sais si je savais mieux parler le français, j'aurais ouvert une société, j'aurais créé quelque chose pour aider les personnes". Donc ça m'a mijoté un peu et je lui ai dit ah bah je veux bien le faire avec toi. » L'existence d'un associé au démarrage du projet renforce la désirabilité et l'intention entrepreneuriale. Notons enfin qu'Iris, comme les entrepreneurs que nous identifions de nécessité, mettait en avant la recherche de liberté dans l'entrepreneuriat. Cela renforce notre analyse identifiant cet élément comme un facteur « pull » majeur.

Les deux tendances (opportunité et nécessité) se sont ainsi révélées dans notre analyse. Dans les tableaux ci-dessous nous avons donc listé l'ensemble des éléments pouvant permettre d'identifier une tendance dans la motivation des entrepreneurs interrogés à s'engager dans leur projet. Le premier tableau regroupe les entrepreneurs chez qui nous avons conclu que la nécessité avait davantage influencé leur intention entrepreneuriale. Dans le deuxième tableau, ne mettant aucun facteur push ou presque chez les entrepreneurs en question, nous avons conclu que c'était l'opportunité qui avait guidé leur intention d'entreprendre.

 
 

Facteurs Push / Désirabilité négative

 

Facteurs Pull / Désirabilité positive

 
 
 
 
 
 

Djamil

 
 

- sortie d'école précipitée par des difficultés scolaires

- besoin de se conformer aux attentes de son père

 

- besoin d'accomplissement

- recherche d'autonomie, liberté - gagner de l'argent

Karim

 
 
 
 
 
 
 

- chômage, précarité de l'emploi

 

- recherche de liberté, d'autonomie - gagner de l'argent

- problème de santé - peur du risque

- précarité de l'emploi, difficulté à trouver un emploi à la hauteur de ses qualifications

- sentiment d'échec

- sentiment de discrimination

- recherche d'autonomie

- recherche d'autonomie - gagner de l'argent

- relever un défi

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Tableau n°4 : Facteurs influençant l'intention d'entreprendre chez les entrepreneurs de nécessité

Facteurs Push / désirabilité négative

Iris

Paul

Victor - ennui ?

Facteurs Pull / désirabilité positive

- idée de projet

- clients potentiels

- rencontre d'une partenaire

- recherche de liberté

« Une vie libre. »

- idée de projet

- relever des défis - idée de projet

- clients potentiels

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Tableau n°5 : Facteurs influençant l'intention d'entreprendre chez les entrepreneurs d'opportunité

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote