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L'approchemultivariée de la créativité
Todd Lubart, en 2003, propose l'approche multivariée de
la créativité (Fig. 1). En s'inspirant de son modèle
précédent (Sternberg & Lubart, 1995), il précise la
notion de créativité telle un assemblage de plusieurs facteurs
agissant en interaction. Il ajoute notamment un aspect de plus aux
différents facteurs : le caractère émotionnel de
l'individu dans ces processus créatifs.
Avant d'expliquer plus en détails les différents
facteurs mis en oeuvre dans la créativité, rappelons que selon
Lubart (2003), le degré d'importance que les différents facteurs
pourraient avoir ne seront pas les mêmes chez tous les individus. Les
interactions seront de plus, spécifiques selon les individus et les
potentialités créatives particulières à chaque
domaine d'activité.
Figure 1:
L'approchemultivariée de la créativité (Lubart,
2003)
Facteurs cognitifs
-Intelligence
-Connaissance
Facteurs
environnementaux
Facteurs
émotionnels
Facteurs conatifs
- Style
- Personnalité
- Motivation
Autres domaines
Art
POTENTIEL CRÉATIF
Commerce
Science
Littérature
PRODUCTION
CRÉATIVE
Tentons maintenant d'éclairer les notions relatives
à ce modèle.
Les facteurs cognitifs comprennent deux
aptitudes : (a) l'intelligence, qui renvoie à trois
compétences principales. Premièrement, il s'agit de
lacompétence synthétique, c'est-à-dire la capacité
à voir les problèmes dans de nouvelles perspectives et
d'échapper aux limites de la pensée conventionnelle. Plus
généralement, il s'agit de la pensée divergente.
Deuxièmement, les compétences analytiques, qui consistent
à reconnaitre les idées qui méritent d'être
approfondies de celles qui ne le sont pas.Troisièmement, des
compétences pratiques et contextuelles sont requises, afin de persuader
l'autre de la valeur de ses idées.Les trois compétences doivent
être en interaction (Sternberg, 2012).
Dans leur expérimentation, Sternberg et Lubart
(1995)ont étudié l'émergence de ce facteur en distinguant
les individus qui étaient capables d'expliquer,par exemple, pourquoi
dans 1000 ans, le meilleur danseur de la planète mangera ses
chaussures ? L'individu créatif devait alors être capable
d'ouvrir son champ de pensée (compétence synthétique),
d'inhiber les idées non judicieuses (compétence analytique) et de
persuader son interlocuteur (compétence pratique et contextuelle) ;
(b) la connaissance,quant à elle, stipule que pour être
créatif, il faut assez de connaissancedans un domaine pour le faire
avancer, et donc, pour y créer de nouvelles productions.Mais l'individu
ne doit pas fermer son champ de vision à sa propre expertise, ce qui
renverrait alors à une fermeture d'esprit.
Les facteurs conatifs renvoient respectivement aux styles de
pensées, à la personnalité et à la motivation. Les
styles de pensées font référence à la
manière d'utiliser ses compétences. Sont prises en compte les
décisions sur la meilleure façon de déployer ses
compétences. En 2012, Sternberg propose le « style
législatif » comme particulièrement important à
la créativité. Ces individus seraient réflexifs sur leur
nouvelle façon de penser, ils prendraient plaisir à concevoir de
nouvelles stratégies et créeraient leurs propres lois.
Lapersonnalité fait quant à elle référence aux
personnes qui ont la volonté de surmonter les obstacles, de prendre des
risques raisonnés et de tolérer l'ambiguïté. Ils
seraient ouverts à de nouvelles expériences, et aimeraient
explorer l'inconnu. Le facteur motivation, enfin, renvoie à une
motivation intrinsèque, c'est-à-dire que l'action créative
doit être menée par plaisir et intérêt. Cette
condition serait alors nécessaire à l'élaboration
créative.
Enfin, les facteurs environnementauxintègrent
l'idée selon laquelle l'individu doit avoir connu un environnement
propice et enrichissant d'idées créatives. En somme, si aucun
soutien environnemental n'est présent, tel que l'accès aux outils
nécessaires, la créativité de la personne ne pourra jamais
être exploitée.
Comme nous l'avons spécifié, Lubart (2003)
ajoute à son modèle le facteur émotionnel. Selon lui,
l'état émotionnel peut focaliser des énergies. Son
idée est alors que l'acte créatif est un moyen d'évacuer
une énergie émotionnelle dans un travail productif.
Pour résumer, le potentiel créatif va se
cristalliser à travers une production créative en fonction de
l'individu (niveau individuel), par la mise en oeuvre des différents
facteurs (cognitifs, conatifs, émotionnels et environnementaux) et
selon les caractéristiquesdu travail créatif à
réaliser. De ce fait, différentes tâches créatives
peuvent intervenir dans différents domaines (art, littérature,
science, commerce ou autre) ou à l'intérieur d'un même
domaine. Ces prises en compte pourraient alors expliquer que l'individumobilise
les composantes du potentiel créatif à des degrés
variés (Lubart 2003). Nous comprenons maintenant pourquoi un individu
sera créatif dans un domaine particulier, par exemple la danse, et non
dans un autre. Il pourra d'ailleurs être plus créatif dans la
danse moderne que dans la danse classique. Sa créativité sera
également le reflet d'un investissement personnel, de sa motivation, de
ses états émotionnels, ou encore de son environnement familial et
social propice à la pratique de la danse. En conclusion, il importe de
stipuler qu'il n'existe pas une unique forme de créativité mais
bien plusieurs formes, caractérisées par l'individu et ses
potentialités. De plus, la combinaison des différents facteurs
cognitifs, conatifs, environnementaux et émotionnels expliquerait les
différences interpersonnelles de la créativité (Lubart
& Georgsdottir, 2004).
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