4.1.3. Acquisition des facteurs de production et niveaux
d'application des technologies vulgarisées :
Malgré les efforts fournis récemment par l'Etat
et les partenaires au développement tel que le projet Millenium
Challenges Account (MCA) avec le gouvernement américain dans le cadre de
l'extension et la réhabilitation des périmètres rizicoles,
un bon nombre de producteurs peinent à avoir la superficie qu'ils
sollicitent : 66,7% (voir tableau 18) des enquêtés ne
parviennent pas à avoir la surface qu'ils demandent auprès De
l'Union. Cela pourrait s'expliquer d'une par la supériorité de la
demande à l'offre, d'autres par certaines contraintes liées
à la salinité des terres, la défaillance des
aménagements, etc.
Tableau 18 :
Pourcentage de producteurs qui obtiennent la surface sollicitée par
campagne
Source : données d'enquête,
2017
En s'intéressant à la qualité des
aménagements hydroagricoles, on se rend compte qu'ils sont
vétustes : 56,7% des producteurs enquêtés disent
qu'ils ne sont pas du tout satisfaits de ces aménagements. 17,7% des
producteurs se sont prononcés positivement (Très satisfait et
Satisfait) à la qualité des aménagements (voir tableau
19).
Tableau 19 :
Appréciation de la qualité des aménagements par les
producteurs enquêtés
Source : données d'enquête,
2017
Le crédit de campagne est attribué par la Caisse
Nationale de Crédit Agricole (CNCAS) pour une durée de neuf mois
(09 mois). Le principe de financer un producteur se décide à deux
(02) niveaux :
· au première niveau l'Union identifie la
superficie à cultiver par le producteur ;
· au deuxième niveau, la SAED appose son visa pour
confirmer à la CNCAS que la superficie existe réellement.
En fonction de la disponibilité des fonds à
allouer à la campagne agricole et le niveau de remboursement ou
d'endettement du producteur sur la précédente campagne agricole,
un fonds lui est alloué en équivalence d'intrants agricoles.
L'argent est directement viré au compte du fournisseur identifié
par l'Union le groupement.
Les données de notre enquête montrent que seuls
63,3% parviennent à obtenir une quantité suffisante d'intrants
agricoles contre 36,7% (voir tableau 20).
Tableau 20 : Taux de
couverture des besoins d'intrants agricoles
Source : données d'enquête,
2017
Plus loin dans sur financement agricole avec la CNCAS, en
s'intéressant à la satisfaction des producteurs de l'Union sur
les modalités fixées pour l'obtention du crédit, 67,8%
(voir tableau 21) affirment de ne pas être satisfaits des conditions
d'octroi du crédit agricole.
Tableau 21 :
Pourcentage de producteurs qui ne sont pas d'avis des modalités de
financement agricole
Source : données d'enquête,
2017
Parmi les 67,8% les producteurs qui ne sont pas d'avis des
modes actuels de financement de la campagne agricole, 52,2% ont remis en cause
le taux d'intérêt qu'ils trouvent très
élevé ; 31,1% fustigent le délai de remboursement du
crédit de campagne (09 mois) qu'il trouve très court (voir
tableau 22). D'ailleurs, des séries de concertations se sont tenues
récemment entre la CNCAS et les différents acteurs de la
filière riz pour procéder à l'annualisation (12 mois) du
crédit de campagne alloué aux producteurs. 24,4% trouvent les
procédures d'obtention du crédit de campagne très
complexes ; 18,9% ont dénoncé le retard d'attribution du
crédit, qui impacte fortement sur le rendement. En termesde couverture
des besoins, 10% des producteurs enquêtés trouvent insuffisants
les fonds injectés dans le financement agricole dans le bas delta.
Tableau 22 : Position
des producteurs qui ne sont pas d'avis du mode actuel de
financement
Source : données d'enquête,
2017
L'acquisition de semences est une contrainte non
négligeable car étant le matériel de base de la production
agricole. 34,4% des producteurs enquêtés ont avoué qu'ils
ne parviennent pas à obtenir la quantité suffisante de
semences ; contre 65,6% (voir tableau 23).
Tableau 23 :
Pourcentage de producteurs qui obtiennent une quantité suffisante de
semences
Source : données d'enquête,
2017
Avoir une semence de riz de bonne qualité est
très difficile dans la zone du bas delta. D'ailleurs, à travers
le résultat de notre enquête de diagnostic 92,2% des producteurs
affirment avoir d'énormes contraintes pour trouver une semence de bonne
dans la zone (voir tableau 24).
Tableau 24 :
Pourcentage de riziculteurs n'obtenant pas de bonnes semences de
riz
Source : données d'enquête,
2017
Parmi les producteurs qui rencontrent des difficultés
sur l'acquisition de semences de qualité, 90% d'entre eux peinent
à trouver des semences productives, 37,8% souffrent de l'impureté
des semences et 13,3% des enquêtés disent que le contrôle
semencier est très faible (voir tableau 25).
D'ailleurs lors de notre entretien avec quelques producteurs
de l'Union, ces derniers souhaitent à ce que l'Etat revoit le
système de production de semences à la base (procédure
d'octroi des agréments), les processus de contrôle de parcelles de
semences et la certification.
C'est dans ce contexte de défaillance et d'insuffisance
du système de production de semences que des filières de
formation en production de semences étaient en gestation il y'a de cela
quelques années. Aujourd'hui, l'Université de Thiès a
ouvert le master en Sciences de Productions de Semences (SPS) à l'Ecole
Nationale Supérieure d'Agriculture (ENSA).
Tableau 25 : Avis des
producteurs sur la qualité des semences de riz
Source : données d'enquête,
2017
Sur l'acquisition d'engrais, 60% des producteurs de l'Union ne
parviennent pas à obtenir la quantité nécessaire qu'ils
ont besoins. Seuls 40% des producteurs trouvent une quantité suffisante
d'engrais. Cela constituepour l'Union Grande Digue des riziculteurs de Ross
Béthio, deux défis majeurs à relever à
savoir : l'acquisition de semences et d'engrais suffisants en
quantité et en qualité.
Tableau 26 :
Pourcentage de producteurs qui trouvent une quantité suffisante
d'engrais
Source : données d'enquête,
2017
Parmi les producteurs (60%) qui affirment de ne pas avoir une
quantité suffisante d'engrais, 57,8% le justifient par le fait que les
quantités octroyées sont insuffisantes et 22,2% avancent la
thèse que c'est le détournement qui fait que les engrais ne
couvrent pas les besoins des paysans destinataires (voir tableau 27). Dans tous
les cas, on constate que les producteurs à la base savent très
bien que le système de subvention des intrants est très
obscur.
Tableau 27 : Avis des
producteurs sur l'insuffisance des engrais
Source : données d'enquête,
2017
Dès lors, on voit que la question desubvention des
intrants est très sensible au Sénégal. D'ailleurs, c'est
dans ce contexte qu'une étude portant sur :
« Perspectives d'amélioration des pratiques de
subventions au Sénégal » a été
menée par l'équipe de l'Initiative Prospective Agricole et Rurale
(IPAR) en 2015. Dans ce rapport annuel sur l'état de l'agriculture et du
monde rural au Sénégal, il était question de mettre le
focus sur les contraintes, les réussites et les échecs en
matière de subvention des intrants agricoles. L'étude
était centrée sur la traçabilité et l'impact des
intrants octroyés par l'Etat. Le gouvernement a injecté 10,48
milliards de FCFA pour la subvention de semences et 13 milliards de FCFA pour
les engrais soit un total de 23,48 milliards de FCFA pour la campagne agricole
2013/2014(IPAR, 2015). Pour la campagne agricole 2016/2017, l'Etat a
mobilisé 32 milliards de nos francs. Malgré ces lourds
investissements, on ne sent pas le résultat dans le monde rural :
les rendements et la production demeurent toujours faibles, les ruraux
(paysans) vivent dans des conditions très difficiles.
Au regard de ces montants colossaux injectés dans
l'agriculture et la situation de la pauvreté des paysans, un diagnostic
systémique trouve son intérêt aussi pour les
décideurs politiques, que pour les citoyens, les
bénéficiaires et les partenaires de développement.
Au sortir de l'étude menée par l'IPAR, on s'est
rendu compte que les intrants n'arrivent pas à destination des vrais
bénéficiaires, des quantités très importantes
franchissent nos frontières, etc. Dès lors, des recommandations
ont été proposées pour atténuer ou panser ces
maux :
· rendre les procédures d'agréments de
fournisseurs d'intrants plus transparentes ;
· mettre à terme les subventions de semences non
certifiées (tout venant) ;
· analyser les performances des producteurs (paysans)
destinataires ;
· publier l'ensemble des données (listes de
fournisseurs, quantité d'intrants alloués, etc.) ;
· rendre opérationnel la plateforme
électronique (site web) et
· procéder à un Suivi-Evaluation
régulier des subventions.
En ce qui concerne l'organisation du circuit
d'approvisionnement en intrants, 60% (voir tableau 28) des producteurs ont
reconnu que le circuit est mal structuré. Selon eux, cela est dû
au bas niveau d'études et de formations en gestion des responsables de
l'Union et des groupements de producteurs. L'absence aussi de gros fournisseurs
dans la zone constitue un facteur bloquant de l'approvisionnement en
intrants.
Par rapport au niveau d'application des technologies
vulgarisées par les institutions de recherche agricole telles que l'ISRA
et AfricaRice, 61,1% des producteurs appliquent les paquets techniques comme
établis. Néanmoins, ces institutions doivent encore collaborer
davantage avec les paysans pour une meilleure application des techniques
culturales. La principale contrainte est liée à la
sensibilisation des producteurs.
L'un des problèmes majeurs qui affectent les
producteurs est le manque de magasins de stockage de la production. Même
si une bonne quantité de riz paddy est vendue bord champs aux riziers,
les riziculteurs (84,4% des producteurs de l'Union Comité Grande Digue
Tellel) n'ont pas de magasins suffisants pour stocker la quantité
restante (voir tableau 29). Cela, affecte la qualité du riz local par
l'intrusion des corps étrangers (petites pierres, pailles, etc.) puisque
le riz est stocké plein air au niveau des rues voir image ci-dessous
(figure 6).
Figure 6 : Image
illustrative du séchage du riz paddy
Source : auteur
La baisse de la productivité des sols dans le bas delta
devient de plus en plus un fléau qui oblige les producteurs à
utiliser beaucoup d'engrais pour avoir un rendement acceptable. 87,8% des
producteurs sont dans cette situation. Plus loin, cette contrainte de baisse de
fertilité des sols est selon les riziculteurs liée
à : voir tableau ci-dessous
Tableau 28 : Origine
des contraintes de la baisse de productivité des sols
Source : données d'enquête,
2017
En ce qui concerne la disponibilité de la main d'oeuvre,
51,1% peinent à trouver le besoin. D'après eux, cela s'explique
par la faible rémunération des saisonniers, le fléau
d'abandon de l'agriculture par les jeunes et l'effet de l'émigration.
Tableau 29 : Avis de
producteurs sur les facteurs bloquant à la production de
riz
Source : données d'enquête,
2017
|