CHAPITRE IV : DISCUSSION
Ce mémoire s'est proposé d'évaluer la
prévalence de la consommation de tabac parmi les adultes congolais en
milieu urbain et les facteurs de risque cardiovasculaire traditionnels qui lui
sont associés dans cette population. Les participants provenaient d'un
échantillon aléatoire de la population d'un quartier de la ville
de Kinshasa. Ils étaient sélectionnés et examinés
dans le cadre de l'étude VITARAA.78,79
Les résultats saillants de ce travail
indiquent que la proportion des sujets fumeurs est élevée et
prédomine parmi les hommes et les jeunes. En effet, le taux des fumeurs
diminue considérablement avec l'âge de sorte qu'en moyenne le
fumeur était plus jeune que le non fumeur. Dans notre
échantillon, les fumeurs avaient un profil lipidique favorable avec une
fréquence cardiaque et des indices d'obésité faibles
par rapport aux non fumeurs et ce, même après l'ajustement pour
l'âge.
4.1. Prévalence du
tabagisme
La consommation de tabac est retrouvée chez un peu plus
de 5 % des sujets dans la présente étude. Elle prédomine
dans le genre masculin avec une prévalence de 10,7%. Elle est
plutôt marginale chez les femmes avec seulement 1,7 % de l'ensemble
des sujets de ce sexe.
La prévalence du tabagisme dans la présente
étude est comprise dans la marge de 5 à 34% avancée en
2011 par l'Organisation mondiale de la santé pour l'Afrique
sub-saharienne.86 L'OMS estimait en effet que, chez les adultes des
deux sexes confondus, la prévalence du tabagisme en Afrique
sub-saharienne se situait entre 5% au Niger et 34% en Sierra Leone
87 Pour la République Démocratique du Congo, l'OMS
chiffrait, la prévalence du tabagisme à 10% chez les adultes
(hommes et femmes confondus), à, respectivement, 16 % chez l'homme et 5%
chez la femme.88 Ces valeurs excèdent clairement celles
trouvées dans ce travail. S'en approchent seulement les taux
rencontrés en 2008 dans la province congolaise du Sud Kivu par Katchunga
et al.80 Ces derniers auteurs ont trouvé pour la ville de
Bukavu une prévalence du tabagisme de 11,6%. Toutefois, la
prévalence observée dans la présente étude
corrobore les données rapportées par Longo-Mbenza et al dans la
ville de Kinshasa en 2006.89 Longo Mbenza et al ont rapporté
une prévalence proche de la nôtre soit 4,4 % pour l'ensemble de
leur échantillon, 10,2% chez les hommes et 0,6% chez les femmes.
89
4.2. Tabagisme et genre
En 2011, dans pratiquement tous les pays, l'écart
entre la prévalence du tabagisme chez les hommes et chez les femmes est
significatif ; la prévalence estimée des femmes étant
inférieure à la moitié de celle constatée chez les
hommes. Les estimations de la prévalence du tabagisme en Afrique vont de
8 % à 48 % chez les hommes adultes et de 0,4 % à 20 % chez les
femmes adultes90. Dans les pays pour lesquels des données
sont disponibles, la prévalence du tabagisme chez les femmes africaines
adultes ne dépasse 10 % nulle part, à l'exception du Sierra
Leone, alors qu'elle n'est inférieure à 10 % pour les hommes
adultes qu'au Niger et à Sao Tomé-et-Principe.
Les raisons du faible taux de tabagisme parmi les femmes
adultes dans la présente étude comme dans d'autres rapports en
Afrique sub-saharienne ne sont pas totalement élucidées. Nous ne
les avons du reste pas spécifiquement recherchées dans ce
travail. Il n'est pas exclu cependant, que le fait que la plupart des femmes
africaines dépendent largement de leurs conjoints au plan
économique soit un facteur prohibitif. Néanmoins, si la
prévalence du tabagisme s'avère actuellement inférieure
chez les femmes, elle devrait continuer à augmenter alors que, chez les
hommes, elle atteindra sa crête et déclinera,
particulièrement en raison de la diminution de l'écart de
prévalence entre les sexes chez les jeunes.91
Le tabagisme chez la femme est une donnée en
progression dans les pays d'Afrique noire. En effet, face aux lois
contraignantes en vigueur dans les pays industrialisés, les
multinationales du tabac ont délocalisé leur promotion vers les
pays en développement en ciblant de façon
privilégiée les jeunes et les femmes.92 L'Afrique
sub-saharienne a déjà et va davantage enregistrer la plus forte
progression du tabagisme féminin au cours des années en cours
avec des prévalences passées de 6,6 à 13% entre 2000 et
2003 en Cote d'Ivoire et de 3,5 à 7,1% entre 1999 et 2001 sur une
population de 1200 femmes au Nigeria. Les industries du tabac n'hésitent
pas à s'attacher les services de vedettes féminines connues pour
la promotion et assimilent le tabagisme féminin à un facteur
d'émancipation, de modernité, d'affirmation de la
personnalité et de réussite.93
Malheureusement, peu de pays en Afrique disposent de
données complètes sur les tendances de la consommation de tabac
et sur ses effets ultérieurs sur la morbidité et la
mortalité. La plupart de ces données n'étant que des
estimations. La plupart des pays de la région ne disposent pas de
données normalisées et comparables pouvant être
séparées par sexe, âge et groupe à risque. Les
statistiques africaines sur le tabac sont moins complètes et moins
comparables que dans d'autres régions du monde, en partie en raison de
sondages de petite taille, non représentatifs ou moins
généralisables87. De plus, l'utilisation dans les
enquêtes des méthodologies différentes limite
également la possibilité de comparer les données de
sondages différents.91
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