Chapitre I : Aide et réformes: revue de
littérature théorique et empirique
1.1. Aide Publique au Développement : du
début jusqu'à nos jours
A. Origine et évolution des paradigmes de l'Aide
Publique au Développement
L'origine de l'Aide Publique au Développement (APD) est
à fixer au lendemain de la seconde guerre mondiale dans un contexte
où les pays d'Europe avaient besoin de financement pour redresser leur
économie. L'idée du plan Marshall proposé par le
secrétaire d'Etat américain Georges Marshall dans son discours
prononcé à l'Université de Harvard était de combler
l'écart entre «investissement nécessaire» et
l'épargne de ces pays européens pour créer la croissance
indispensable au redressement économique de ces pays européens et
relancer la croissance mondiale.
Ce plan a effectivement connu un grand succès et a
permis le redressement économique des pays européens
bénéficiaires. Dans la même optique que le plan Marshall et
certainement guidés par de multiples autres objectifs, les pays
occidentaux pour aider les pays du tiers monde à sortir de leur
pauvreté ont jugé bon d'accorder des dons et prêts
concessionnels aux PVD pour pouvoir combler le grand fossé entre
l'investissement nécessaire pour le décollage économique
de ces pays à l'aube des indépendances et l'épargne qui
était quasi inexistante. L'APD a cependant connu plusieurs paradigmes au
cours du temps.
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Rédigé par : Marius KOUNOU
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Dans un premier temps, l'idée selon laquelle l'APD peut
permettre la croissance dans les pays en développement est largement
inspirée du modèle économique de Harrod-Domar. Avec ce
paradigme, l'APD était essentiellement de l'aide à
l'investissement. C'est d'ailleurs cette première approche qui a
été appliquée aux pays européens en manque
d'investissement au lendemain de la seconde guerre mondiale. Etant donné
qu'à l'époque, et certainement aujourd'hui, il était
très répandu que le développement économique d'une
nation passe par la croissance économique, les donateurs n'ont fait que
employer le modèle de Harrod-Domar qui soutient que l'investissement est
la clé de la croissance.
Apres cette approche d'aide à l'investissement qui n'a
pas pu créer la croissance et éradiquer la pauvreté dans
les pays en développement, les donateurs ont pensé à
focaliser leurs efforts sur les fondements même du développement.
L'éducation et l'accès à la connaissance ont très
vite été identifiés comme essentiels pour tout
décollage économique. En effet, au constat des premiers
échecs de l'APD, il a été observé une
différence fondamentale entre pays européens au lendemain de la
guerre où l'aide a un effet positif considérable, et les pays en
développement qui se situe au niveau du faible taux d'éducation
et du faible niveau de capital humain. Lequel capital humain a
été prouvé dans de nombreux modèles
économiques comme indispensable pour améliorer la
productivité des investissements et créer de la croissance. C'est
ainsi que les donateurs ont utilisé comme deuxième approche
l'investissement dans le domaine de l'instruction. Ceci a commencé par
une conférence en Thaïlande qui réunissait du 5 au 9 mars
1990 l'Organisation des Nations Unies pour l'Education la Science et la Culture
(UNESCO), le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF), la Banque
Mondiale et le Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD).
C'est de cette conférence
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Rédigé par : Marius KOUNOU
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qu'est né l'objectif que tout enfant puisse
accéder à l'enseignement primaire à l'horizon 2000 ; un
objectif qui a bien été atteint compte tenu de l'explosion de
l'instruction qui a suivi cette conférence avec une augmentation du taux
d'accès à l'école primaire à 100% pour plus de la
moitié des pays du monde et une avancée significative pour les
autres. Mais malgré ces efforts et progrès, la pauvreté
reste persistante dans de nombreux pays encore très dépendants de
l`aide et la croissance économique reste mitigée.
Pendant qu'une attention plus accrue à
l'éducation est portée par l'APD, il faut noter que d'autres
aspects essentiels comme l'accès aux soins de santé, à
l'eau, à l'énergie, aux moyens de transport et de communication,
et aux libertés individuelles et collectives ont été
également largement promus.
Vers la fin des années 1990 et au cours des
années 2000, une remise en question fondamentale de l'efficacité
de l'aide est intervenue. Il a été question de comprendre
pourquoi des décennies d'aide à une échelle massive n'ont
pas permis de créer la croissance et réduire la pauvreté.
Aussi, les expériences des pays sont diverses et il était
important de comprendre pourquoi l'aide semble avoir fonctionné pour
certains et pas du tout pour d'autres. Des études menées par les
institutions de Bretton Woods et autres chercheurs indépendants ont
amené à penser que les politiques gouvernementales pouvaient
entraver le développement. Burnside et Dollar (2000) ont soutenu dans
leur article que l'aide n'est utile et efficace que dans les pays qui
pratiquent de bonnes politiques économiques et qui disposent
d'institutions de bonne qualité. L'aide au développement prend
alors une dimension qu'on peut qualifier de « aide conditionnée
» aux réformes politiques et économiques.
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Dans la foulée, il avait été aussi
observé que le poids des dettes contractées des années
plutôt auprès de ces même pays développés
donateurs d'aide était trop lourd pour les pays pauvres et rend la dette
inefficace. Et comme dernière tentative pour sortir les pays du tiers
monde du sous-développement le sommet des sept pays les plus
industrialisés(G7) de juin 1999 réuni à Cologne
lança un appel pour l'extension de l'initiative de la Banque mondiale et
du Fonds Monétaire International (initiative pour alléger
l'endettement des pays pauvres très endettés) sous l'impulsion de
diverses figures tels que le chanteur Bono du groupe de Rock U2,
l'économiste Jeffrey Sachs, le Dalai Lama ou le pape Jean Paul II.
D'où une annulation partielle de la dette des pays en voie de
développement.
Toujours dans l'optique de rendre l'aide efficace à
atteindre ses objectifs, des séries de réflexions et de
conférences internationales ont été organisées et
ont culminé au lancement de la déclaration du millénaire
et d'adoption des Objectifs du Millénaire pour le Développement
(OMD). Cette initiative a permis de mobiliser encore plus d'aide et de les
concentrer sur les priorités essentielles pour obtenir des
résultats à court terme avant 2015. A l'orée des OMD, le
bilan bien que positif sur certains points reste toujours mitigé. Les
discussions actuelles sur de nouveaux Objectifs de Développement Durable
(ODD) doivent prendre encore de nouveaux challenges comme les changements
climatiques et la nécessité de renforcer également le
secteur privé pour une efficacité de l`APD et une croissance
partagée conduisant à la réduction de la pauvreté
et des inégalités.
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Rédigé par : Marius KOUNOU
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