L'aide au développement stimule-t-elle les réformes économiques ?Une analyse économétrique à partir des données de panel des pays en développement.( Télécharger le fichier original )par Marius KOUNOU INEF-SAGEP - ISIA 2015 |
Introduction généraleDepuis l'aube des indépendances, et pendant plusieurs décennies, les pays en développement ont continuellement été assistés par les pays riches1 avec des flux massifs d'Aide Publique au Développement (APD). En effet, l'APD représente l'instrument de politique le plus important par lequel les pays développés portent assistance à ceux en développement pour les aider à assurer une croissance économique et un développement humain (Qian, 2014). Cependant, le potentiel de l'aide à générer de la croissance économique et conséquemment à réduire la pauvreté reste largement ambiguë. Une littérature en plein développement a de façon convaincante argumenté l'importance de bonnes et solides institutions et un environnement économique, politique, et social propre pour stimuler la croissance économique et la réduction de la pauvreté (Acemoglu et al., 2001 et 2002 ; Spolaore and Wacziarg, 2013) . Il est aussi reconnu que l'amélioration de la qualité des institutions et de la gouvernance requiert de profondes réformes économiques, politiques et sociales. Ce mémoire se propose d'analyser le potentiel de l'aide publique au développement à stimuler des réformes économiques dans les pays bénéficiaires de cette aide. La présente introduction situe le travail dans le contexte général de l'APD et des réformes, et discute la problématique. Elle s'étend ensuite sur 1 Les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sont les principaux donateurs d'aide au développement. Cependant, depuis quelques décennies, un rôle de plus en plus important est joué par les pays émergents et les monarchies du golfe dans la coopération internationale ainsi que dans l'octroi d'assistances techniques et financières au pays en développement Mémoire de fin de formation ISIA 2 Rédigé par : Marius KOUNOU L'aide au développement stimule-t-elle des réformes économiques? les objectifs de l'étude, les résultats attendus ainsi que les hypothèses de recherche et de travail. Contexte et problématique L'aide publique au développement représente un afflux massif de fonds pour les pays en développement. Entre 1947 et 2012, le montant global des aides au développement déboursé s'estime à plus de 6 816 milliards de dollar US2. La plupart des pays en développement, surtout ceux en Afrique Subsaharienne, continuent toujours d'être dépendants de l'APD3. Les nombreuses recherches théoriques et empiriques arrivent à des conclusions mixtes sur l'efficacité de l'APD4. D'une part, il y a ceux qui pensent que l'APD n'a aucun effet sur la croissance économique dans les pays en développement et peut même constituer un facteur limitant à leur essor car cultivant une certaine dépendance vis-à-vis de l'extérieur. D'autre part, certains auteurs restent optimistes quant au potentiel de l'aide, si elle est massive et bien dirigée, de créer de la croissance et réduire la pauvreté. Les auteurs qui soutiennent la thèse de « inutilité » de l'aide se basent sur le constat que malgré l'afflux relativement important de l'aide, plusieurs des PVD ont connu une croissance faible et beaucoup ont encore du mal à parvenir à une croissance soutenue. Par exemple, en Afrique Sub-Saharienne (ASS), la croissance moyenne du PIB par 2 Données de «aid data» disponible à l'adresse http://aiddata.org/dashboard 3 Il faut noter que ces dernières années de nouveaux flux financiers comme les transferts d'argent des migrants, les investissements directs étrangers deviennent de plus en plus important et dépassant même souvent l'APD dans les pays en développement 4 Pour une littérature détaillée sur l'efficacité de l'APD voir par exemple, Cassen et al. (1994); Tsikata (1998); Hansen et Tarp (2001); Roodman (2007), entre autre. Mémoire de fin de formation ISIA 3 Rédigé par : Marius KOUNOU L'aide au développement stimule-t-elle des réformes économiques? habitant pendant la période 1980-2007 a été seulement d'environ 0,64 % avec une tendance générale à la baisse entre 1980 à 1992 et une reprise de la croissance très modérée jusqu'au début des années 2000 (Alia et Anago, 2014). Parmi ces auteurs, il y en a qui sont pessimistes comme Moyo (2009) à tel point de préconiser une cessation complète et immédiate de l'APD surtout pour les pays de l'Afrique Sub-Saharienne. De l'autre côté, se trouvent les auteurs comme Papanek (1973), Dowling et Hiemeinz (1982), Gupta et Islam (1983) ; Hansen et Tarp (2000) qui trouvent des preuves d'impact positif de l'APD sur la croissance et qui pensent que l'aide par définition devrait être bénéfique pour les pays bénéficiaires et par conséquent créer de la croissance. Cependant pour que le potentiel de l'APD se réalise, certaines conditions doivent être réunies. Au cours des deux dernières décennies, il a été largement argumenté que la qualité de l'environnement économique et des politiques sont essentielles pour catalyser l'effet positif de l'APD. Dans leur célèbre publication, Burnside et Dollar (2000) ont émis et soutenu la thèse selon laquelle l'APD en présence de bonnes politiques est favorable à la croissance. Cette thèse a été acceptée par la Banque Mondiale et devient même l'une des raisons de sélectivité des pays bénéficiaires pour certains organismes. C'est ainsi que le Président Georges Bush déclara dans son discours du 14 mars 2002 « Déjà, beaucoup des anciens modèles de l'aide au développement économique sont dépassés. De l'argent qui n'est pas accompagné d'une réforme juridique et économique est souvent gaspillé. Donc, nous allons récompenser les pays qui ont des marchés plus ouverts et des politiques budgétaires durables ». Depuis lors l'aide au développement dont le but est l'éradication de la pauvreté est orientée vers l'encouragement des réformes politiques et économiques pour la Mémoire de fin de formation ISIA 4 Rédigé par : Marius KOUNOU L'aide au développement stimule-t-elle des réformes économiques? réduction de la pauvreté dans le sens où ces pays bénéficiaires de l'aide reçoivent plusieurs pressions en ce qui concerne les réformes politiques et économiques. Déjà auparavant, sous l'impulsion du Fonds Monétaire Internationale (FMI) et de la Banque Mondiale (BM), des prescriptions de réformes dites Programme d'Ajustement Structurel (PAS) ont été dictées au pays en développement subissant des crises successives sur le plan social, politique et surtout économique. Ces mêmes crises ont d'ailleurs également créé une vague de démocratisations surtout sur le continent africain qui a apporté de profonds changements. La double observation sur le fait que les réformes économiques sont nécessaires pour la croissance ainsi que le désir des pays développés et des institutions internationales à susciter ces réformes tant désirées par l'injection d'APD nous a conduits à poser la question de l'effectivité de l'APD à inciter et stimuler des réformes économiques. Cette question nous parait importante pour compléter la littérature sur l'efficacité même de l'aide de façon générale. En effet, la plupart des études antérieures sur l'APD se sont essentiellement focalisé sur l'effet de l'aide sur la croissance économiques et certains indicateurs de développement. Etant donné que les conclusions de la vaste littérature sur ce sujet restent ambigües, même si la tendance de la conclusion est que l'aide peut créer la croissance, notre étude permettra de tester un des maillons essentiels par lequel l'APD pourrait créer la croissance : les réformes. Objectifs et hypothèses Notre motivation pour ce travail est multiple. D'abord l'APD constitue jusqu'à présent le seul moyen utilisé par les pays développés et les institutions internationales Mémoire de fin de formation ISIA 5 Rédigé par : Marius KOUNOU L'aide au développement stimule-t-elle des réformes économiques? pour aider les pays en voie de développement à mettre fin à la pauvreté. Même si les avis sur cette question restent mitigés, le débat mérite d'être poursuivi et peut se focaliser sur des aspects spécifiques que l'APD peut ou peut ne pas impacter. L'objectif principal de notre travail est de contribuer au débat sur l'efficacité de l'APD en nous intéressant particulièrement au potentiel de l'APD à stimuler les réformes économiques nécessaires à la croissance économique dans les PVD. Ainsi, la question principale de la recherche peut être formulée comme suit : Quel est l'effet de l'Aide Publique aux Développement sur les réformes économiques ? A cette question, formulons l'hypothèse principale suivante. Hypothèse générale : L'APD stimule les réformes La formulation de cette hypothèse se base sur notre principale question de recherche ainsi que la discussion que nous avions exposée préalablement dans la problématique. En effet, la politique de conditionnalité de l'aide qui a émergé vers la fin des années 1980 et poursuivie au cours des années 1990 et 2000 visait principalement à utiliser l'APD pour stimuler les réformes. Ces intentions implicitement ou parfois explicitement annoncées des pays développés et des institutions internationales incluaient entre autres la stimulation des réformes par l'aide5. Ainsi donc, l'on s'attendra intuitivement à ce que l'augmentation des flux de l'APD s'accompagne d'une poussée des réformes économiques dans les pays bénéficiaires de l'aide. Notre étude s'attelle à tester cette hypothèse générale. 5 Il faut noter aussi que plus de réformes appellerait aussi naturellement plus d'aide comme prime à la bonne conduite de politique économiques Mémoire de fin de formation ISIA 6 Rédigé par : Marius KOUNOU L'aide au développement stimule-t-elle des réformes économiques? |
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