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Connaissances locales et modes d'utilisation des plantes médicinales dans le traitement du paludisme et de la fièvre jaune dans la région des cascades. Cas du village de Diarrabakoko.

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par Saliou SANOGO
Université de Ouagadougou - Mîtrise 2014
  

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1.3-La biomédecine et son système de soin

Dans La médecine coloniale : mythes et réalité, Lapeysonnie (1988), commence d'abord par nous faire savoir que : la sagesse des nations, à défaut de la logique formelle, nous enseigne qu'il faut, lorsqu'on prend la parole, savoir de quoi l'on parle. De ce fait, il nous invite à s'entendre sur le sens des mots qui sont employés. Partant de là, il présente une analyse des facteurs qui ont permis, l'utilisation optimale des ressources humaines et financière mise en jeu et dont les plus visibles étaient l'unité de doctrine, la cohésion dans l'exécution et le suivi, autrement dit la persévérance dans l'effort. Ainsi, il est question de la médecine coloniale, mais que faut-il entendre par médecine colonial ? Pour l'auteur, c'est l'ensemble des procédures techniques associées aux actions administrées correspondantes qui ont donné à l'exercice de la médecine aux colonies son caractère bien particulier et qui ont produit de bons résultats dans beaucoup de domaines.

Cette médecine n'a duré qu'un demi-siècle ; c'est donc une époque, c'est aussi une des multiples facettes de l'art médical. Selon lui, il n'y a certes, qu'une seule médecine en tout temps et en tout lieu, celle qui associe la compétence technique et la compassion. Les termes sont nécessaires et indissociables ce qui fait de la médecine un métier pas comme les autres ; ce qui fait toute la différence, dit l'auteur, ce sont les conditions dans lesquelles il s'exerce et qui lui donne sa spécificité, pour ne pas dire sa spécialisation. Il souligne que contrairement à ce que l'on entend dire parfois et surtout écrire, la différence de niveau sanitaire est plus grande de nos jours entre le Nord et le Sud (pays développés et pays en développement) qu'elle ne l'était jadis entre la métropole et les colonies. Il impute deux causes à cette inégalité : le facteur technique et les conditions socio-économiques. De plus, Lapaysonnie aborde la question des fièvres en Afrique pour ne parler que d'elle, débilitante ou mortelles, elles étaient les sources de tous les maux, la cause de tous les décès. Il continue en disant que la fièvre est considérée de nos jours toujours comme un symptôme d'alarme et peut-être comme réaction de défense de l'organisme infecté. Le paludisme, selon lui est au moins aussi vieux que l'histoire écrite, puisque les textes assyriens, chaldéens, égyptiens, védiques et chinois le mentionnent sans ambiguïté et il n'a pas toujours été l'apanage des tropiques : les Grecs l'ont connu, Hippocrate en donne la première description clinique 400 ans avant notre ère ; on lui attribue la décadence de Rome et il fut jusqu'à une période récente un problème important de santé publique pour beaucoup de pays occidentale. L'auteur ajoute en disant que la maladie se développe alors sur fond de « médiocrité sociale », voire de misère et sape les forces des Hommes, les empêchant d'en sortir ; car la fièvre en elle-même n'est pas toute la maladie. Elle fait son apparition, dit-il, chez le sujet agressé et piqué par les anophèles femelles.

En ce qui concerne la fièvre jaune, l'auteur signale que le virus amaril (de amarillo, « jaune » en espagnole) est véhiculé par d'autres moustiques, les aèdes (ou stegomyia) d'un « jauneux » à un sujet sain, déterminait chez les malheureux une hépatonéphrite le plus souvent mortel. A l'origine, elle était appelé le « mal de siam » en 1492. Il note que de toutes les « maladies pestilentielles » comme on a longtemps appelé la peste, la variole, le choléra, le typhus et la fièvre jaune, cette dernière est celle qui présente le potentiel le plus élevé de diffusion et de transfert à distance. Le danger d'implantation de la fièvre jaune existe partout où l'aède est présent, et notamment dans les zone intertropicale. Son vecteur préférentiel, Aèdes aegypti, est un insecte casanier qui vit dans et autour de la maison.

Au-delà de ce constat, il ajoute que les autorités sanitaires sont mal informées de ce qui se passe en brousse profonde. En outre, selon lui, les dispensaires sont des sentinelles aveugles qui ne voient qu'un petit nombre de patients, souvent à un stade avancé de leur maladie. Pour ce faire, il stipule que l'orientation actuelle consiste donc à agir sur ce qui coûte cher et neprofite qu'à une minorité, en multipliant les formations sanitaires rurales (dispensaires et infirmeries) et en facilitant de toutes les manières la mobilité des médecins.

Dans une perspective de collaboration entre les médecines, Saint -Savin (1960) dans son ouvrage Magnétisme et votre santé (1960) expose sa thèse qu'il a toujours prônés et défendu, et en premier lieu la collaboration entre les guérisseurs et les médecins. Il commence d'abord par admirer ces grands médecine et ces grands chirurgiens tout en les faisant comprendre qu'il croit tout de même aussi aux empiriques. Pour lui lorsqu'une science ne connait pas son déterminisme total, il y a toujours une place réservée à l'empirisme. Et il faut bien reconnaître que la médecine ne connait pas totalité du biologique. De ce fait, il doit donc y avoir une place réservée à l'empirisme et aux empiriques. Selon l'auteur, ces empiriques, ce sont eux que la vox populi appelle les guérisseurs. Et c'est un fait que les guérisseurs existent depuis toujours et qu'il y en aura encore toujours ou tout au moins jusqu'au jour où la médecine n'aura plus de progrès à faire. De plus, il signale que depuis des années, la question des guérisseurs a suscité des polémiques car il y a ceux qui « y croient » aveuglement et ceux qui « n'y croient pas». Mais croire aveuglement, comme il le dit, est une position enfantine si elle n'est pas basée sur des constatations sérieuses. Par contre la négation systématique, a priori, n'est point non plus la marque d'un esprit scientifique.

Ainsi à défaut de la logique formelle Saint Savin commence par définir le guérisseur comme étant un nomme ou une ferme qui soigne des malades sans être diplôme docteur en médecine et autorisé à exercer. Et il y a toute une variété de guérisseurs qui emploient les moyens les plus divers. Pour ce faire, il est indiscutable que les guérisseurs soulagent et même guérissent des malades. Sans cela, ils n'auraient point de clientèle puisque cette clientèle se recrute le plus souvent par une publicité de bouche à oreille, un malade satisfait en envoyant d'autres. L'action du guérisseur est donc un fait social. Cependant, il reconnait que seul, le médecin qui dispose de toutes les ressources de la science peut et doit faire le diagnostic. En répondant une fois de plus à cette objection selon laquelle « les guérisseurs sont des charlatans » Saint Savin fait savoir que le charlatanstisme est abord une forme d'esprit. Qu'il y ait des charlatans parmi les guérisseurs, il en est bien d'accord, mais ils sont loin d'avoir le monopole, car il n'y a guère de profession, et même parmi les plus nobles qui puissent compter des charlatans dans ses rangs. Pour lui, le charlatan, c'est celui qui prétend posséder, seul, la vérité et l'omnipotence. C'est lui qui s'en tient à un dogme qu'il soit médical ou empirique et qui ne veut connaître que ce dogme. Et il rappelle à cet effet que le malade n'est pas fait pour le médecin, mais c'est plutôt le médecin qui est fait pour le malade. Bien des malades qui viennent chez le guérisseur ont aussi besoin d'un traitement médical principal ou accessoire. Il faut évidemment que la médecine officielle reconnaisse l'aide puissante que peuvent lui apporter tous ces auxiliaires que sont les acupuncteurs, les magnétiseurs, phytothérapeutes.... De ce fait, non seulement, la collaboration entre le médecin et le guérisseur, loin de nuire au médecin, ne fait qu'augmenter la confiance du malade.

En résumé, l'auteur demande la liberté d'exercer leur art, mais une liberté contrôlée pour le bien de tous, guérisseurs et médecins, et surtout de ceux qui seuls, doivent nous intéresser : les malades.

S'inscrivant dans la perspective des inégalités de soins dans le contexte européen, Fassin (2000) dans le chapitre « qualifier les inégalités », les présente non plus dans le langage des chiffres comme ce fut le cas dans l'approche quantitative, mais bien plutôt dans une approche qualitative dans laquelle il aborde trois aspects : la définition de l'objet des inégalités de santé, la prise en considération des dynamiques qui les sous-tendent et la démarche d'interprétation qui en rend compte. Mais avant, il souligne que dans la perspective d'une étude des inégalités sociales et particulièrement de santé, les disparités ne peuvent donc être appréhendées en tant que telles, puisque l'on méconnait les représentations et les pratiques des classes moyennes ou aisées.Selon Fassin, dans les sciences sociales il s'agit en revanche d'appréhender des processus par lequel le social s'inscrit dans le corps. Le raisonnement porte sur l'éventualité que les faits observés soient liés entre eux par des enchaînements et des mécanismes. Selon cette démarche sociologique de l'auteur, le monde social est représenté comme un espace de relations dans lequel s'inscrivent les expériences individuelles même si des sociologues et des anthropologues sont loin d'être consensuelles sur ce point. En termes d'inégalités de santé, il s'agit assurément plus d'un problème de qualité de vie que de quantité de survie, encore que l'on ignore les effets du diagnostic retardé des médicaments pas achetés, de la nourriture insuffisante, de l'état de profond découragement.

Les travaux de Ridde (2007) constituent un exemple de la première approche. Cet auteur, dans « Equité et mise en oeuvre de politiques de santé au Burkina Faso » s'inscrit dans d'une perspective d'analyse des processus de mise en oeuvre de l'Initiative de Bamako, le rôle et la rencontre des acteurs sociaux dans l'organisation de la politique et le choix de ses instruments ainsi que la représentation du concept d'équité (justice sociale) chez les acteurs burkinabé. En effet, il stipule que depuis 30 ans en Afrique, de nombreuses politiquespubliques de santé ont été formulées dans le but équitable d'améliorer l'accès aux soins des plus pauvres, et ce, suivant la stratégie des soins de santé primaires de l'OMS adopté à Alma-Ata en 1978 qui voulait instaurer plus d'équité en matière de santé. Cependant, l'auteur note que les inégalités d'accès aux services de santé perdurent, les indigents sont toujours exclus et les bénéfices tirés du paiement des services et des médicaments ne sont pas employés en faveur de l'équité d'accès.Ainsi, Ridde tente de rendre intelligible cette occultation de la composante équitable des politiques de santé traduite dans le concept de soins de santé primaires (SSP) énoncé pour la première fois en 1977. Partant de là, il signale que la question de l'équité semblait en effet diviser la communauté internationale de santé publique d'autant plus que les rapports entre la santé et l'argent (rythme de dépenses, circonstances, montants) sont bien différents selon le choix du mode de soins (moderne contre traditionnel) de la part de la population. Sans pour autant croire que la définition de l'efficacité est simple, pour l'auteur, celle de l'équité est beaucoup plus subjective car sa définition correspond à des valeurs propres à chaque société. De ce fait , il propose une définition de l'équité non pas applicable à l'état de santé de la population mais plutôt au système de santé (l'utilisation des services et l'accès aux services de santé) qui doit exclusivement se fonder sur les besoins des individus et non des considérations ethniques, économiques, politiques ou sociales dans la mesure où les déterminants de l'utilisation sont nombreux (géographique, culture,...) et les capacités économiques des ménages ne sont pas les seuls influençant l'accès aux soins.

S'agissant des causes des inégalités sociales et d'accès aux soins il les considère sous l'angle de l'existence des « inégalités d'accès aux soins de santé » car les problèmes de ce que les économistes nomment les coûts indirects sont donc résolus, mais pas ceux des coûts directs. De ce fait, l'équation « argent-accès » semble très souvent mise en avant que ce soit dans des termes profanes ou experts même s'il peut exister quelques exceptions. Outre, cet impossible accès aux soins pour certains, il subsiste des inégalités d'accès relatives au délai entre la survenue d'une maladie et le premier contact avec une formation sanitaire. Pour lui, il faut prendre en considération le temps requis par les plus pauvres lorsqu'ils le peuvent pour mobiliser des ressources, par une vente de biens ou un emprunt. L'auteur continue en disant qu'habituellement, outre les services de santé dits modernes, deux autres recours aux soins existent : l'automédication et les tradipraticiens, même si cela peut être encore plus complexe que cette simple dichotomie.Ainsi l'inégalité se constate dans le fait que les plus pauvres s'orienteront en premier lieu vers l'une ou l'autre solution pour contrebalancer le coût prohibitif des services publics. Pour lui, le système de santé et les inégalités d'accès aux soins est relatif à la qualité des soins et l'inégal accès est aussi causé par le paiement des soins qui impose un fardeau financier supplémentaire aux plus pauvres et grève l'économie familiale.

La seconde tendance, centrée sur l'analyse de la disparité géographique des structures de soins est illustrée à travers les travaux de Meunier (2000) qui a fait le constat d'une couverture en structures de soins assez dense mais marquée par des disparités. Les établissements de soins et équipements publics répondent à une politique menée par l'Etat et sont ainsi le reflet des considérations des autorités politiques et donc de l'organisation territoriale du pays. De ce fait, elle souligne que l'implantation des formations sanitaires n'est pas guidée par des problèmes sanitaires mais par les densités de personnes susceptibles d'utiliser ces services. Ainsi, elle note que le pouvoir fonctionne sur un modèle hiérarchique et centralisé donc sur une forme pyramidale. Et le réseau sanitaire, accompagné d'un contrôle de l'espace par l'Etat, se justifie par les préférences spatiales observées dans la localisation des établissements. C'est en ce sens que l'offre de soins est l'expression de la vision de l'espace par le pouvoir politique tout comme la politique sanitaire du pays est l'expression de la vision des problèmes par les organismes internationaux (exemple de l'OMS). Elle ajoute que le système de soin est un marqueur de l'espace et l'étude de son évolution dans le temps est indispensable pour montrer que l'offre de soin est héritière du passé.La priorité, dit l'auteure, semble d'abord l'équipement avant la lutte contre les maladies ceci se retrouve à travers les activités des services que confirme leur localisation. Depuis quelques années, elle souligne que la politique de santé se réoriente vers les soins de santé primaires par une redistribution des structures de soins en faveur des zones rurales et consacre la santé publique. Ceci se concrétise par une redéfinition des échelons à la base du système sanitaire de sorte que ce dernier s'accorde avec la déclaration d'Alma Ata dont l'ambition était « la santé pour tous d'ici l'an 2000 ».

Dans la deuxième partie de son ouvrage, Meunier aborde la question de l'impossible rencontre entre une offre en hausse et une fréquentation en baisse. En effet, elle affirme que malgré les disparités observées en périphérie de la province, l'offre de soins paraît dans l'ensemble assez proche des populations. Or les milieux humains changent et les pathologies qui sévissent sont très variables, elles créent un ensemble de maladies naturelles ou liées à un environnement magico-religieux qui ne peuvent être soignées dans le cadre d'un système de santé public. Dans ce cas, l'auteure se demande comment des normes de santé internationales peuvent- elles justifier une telle situation ? Selon Meunier, si la carte sanitaire est soumise à des contraintes imposées par l'Etat, les choix thérapeutiques suivent d'autres contraintes, généralement financières. Ce qui fait que le recours à la médecine moderne n'est pas systématique pout tous les individus et beaucoup d'éléments entre jeu : le type de malade, les relations établies avec l'infirmier, la distance par rapport au CSPS, les disponibilités financières, l'âge du malade. Les comportements sont donc différents face à la maladie et il est difficile d'établir des itinéraires types suivis par les villageois. L'échec du traitement par automédication et l'aggravation du mal incitent dans le cas échéant à recourir à la médicine moderne. Le choix de consulter ou non au CSPS sont motivés par différents éléments : d'une part, l'habitude, la perception du mal par chaque individu est très importante, d'autre part, le CSPS est choisi en premier recours soit par crainte de l'infirmier qui souvent réprimande le malade parce qu'il a trop attendu pour venir le consulter soit par peur du mal. Pour Meunier les disponibilités financières seront un élément décisif de la non fréquentation du CSPS pour certaines familles trop pauvres, pour d'autres, si les médicaments ne sont pas donnés gratuitement lors de la consultation elles préfèrent recourir aux guérisseurs. Selon les travaux de Meunier, la médecine moderne existe en parallèle à la médecine traditionnelle beaucoup plus ancienne et employée en premier recours par les 3/4 des populations dans les villages. Pour elle donc, la politique sanitaire burkinabè est calquée sur une conception théorique de l'espace privée de sa composante sociale. Et même si le rythme de croissance des structures n'est pas égale à celui de la population, un paradoxe apparaît car plus ces structures de soins se développent, moins elles sont utilisées alors que la population continue de croître.

Nos ouvrages de référence s'inscrivent dans une perspective analytique de la biomédecine et de ses corollaires comme les inégalités du système de santé (de type vertical) qui est organisé suivant les principes de l'initiative de Bamako(IB). Cette structuration de l'offre sanitaire étatique ne tient pas toujours compte de la variation de la demande sanitaire tout comme des conditions socioéconomiques et culturelles des agents sociaux.

En nous inspirant des différentes thèses soutenues par nos auteurs de référence, la question qui servira de fil conducteur à cette réflexion peut être formulée comme suit : quelles sont les connaissances locales et les modes d'utilisation des plantes médicinales entrant dans le traitement du paludisme et de la fièvre jaune dans la région des cascades ?

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille