CHAPITRE III :
Connaissances locales, procédures d'utilisation et stratégies de
conservation des plantes médicinales dans la cure du paludisme et de la
fièvre jaune.
La connaissance des plantes médicinales tout comme la
connaissance d'autres phénomènes s'inscrit dans un champ bien
défini et varie selon la culture locale, voire les "structures sociales"
étant donné qu'elle dérive des expériences
sociales. En effet, parler de la connaissance locale des plantes
médicinales et des procédures thérapeutiques, c'est faire
référence avant tout à la pharmacopée
traditionnelle qui relève elle-même de la médecine
"traditionnelle" ou ancestrale. Différentes de la médecine
"conventionnelle" ou "formalisée" par son mode d'acquisition et de
transmission, par sa pluralité, son
hétérogénéité et sa variabilité, ces
pharmacopées traditionnelles ont une particularité, selon
Kerharo. Elles sont « toujours faites à base de drogue
végétale, prennent leur sources non seulement dans la
diversité des groupements humains, des langues, des coutumes et des
techniques, mais aussi dans la diversité du climat, du sol, de la flore
(Kerharo (1974 :11)». Ainsi, il sera question dans ce chapitre, de la
thérapie de ces maladies par les plantes médicinales qui se range
naturellement en deux catégories fondamentales : les connaissances et
les modes d'utilisations. Les premières sont des états du savoir,
les secondes des savoir-faire. Et entre ces deux classes de faits, il y a toute
la différence qui sépare les connaissances des modes
d'utilisation.
I. Des connaissances
locales des plantes médicinales dans la cure du paludisme et de la
fièvre jaune
Le paludisme et la fièvre jaune sont des maladies
invalidantes de l'ancien régime et plus particulièrement le
paludisme qui est aussi du nouveau régime puisqu'elle constitue la
principale cause de consultation, d'hospitalisation et de décès
dans les formations sanitaires du Burkina Faso d'où un problème
de santé publique. Sa transmission reste permanente toute l'année
dans les régions du Sud et du Sud-ouest si bien que très peu de
personnes s'en échappent, beaucoup en meurt. Cet état de fait
traduit non seulement l'impuissance de la biomédecine face à
l'épisode pathologique mais aussi les couts directs et indirects
d'accès aux soins médicaux qu'ont à supporter les
ménages chaque année dans le monde rural où
lacapacité de mobilisation des ressources monétaires n'est pas
chose aisée. Et, portant, en historicisant ce fait de maladie et sa
gestion, il ressort de nos différentes lectures que cette alarmante
pathologie était combattue par l'usage des plantes avant même que
« Don Francisco Lopez de Cannizare puisse se rendre compte lui-même
de l'heureux effet de l'écorce de l'arbre "kinkina" (Lapeysonnie 1988 :
46) d'où est extrait la pure quinine active dans le traitement de
l'accès palustre. Un informateur atteste que :
La quinine extrait du kinkena qui est un arbre
retrouvé chez les indiens d'Amérique du Sud. En Guinée
Conakry, les européens avaient une plantation de cette plante. Seule la
quinine est autorisée en monothérapie et qui demeure le
remède le plus efficace contre le paludisme (entretien avec DPZ, le
20/04/2012, Banfora).
Ainsi, l'histoire de la médecine moderne tire ses
origines de la médecine traditionnelle qui relève d'un «
véritable art de guérir dont l'exécutant est le "
médecin" et l'instrument, la "pharmacopée"; une
pharmacopée riche et nuancée dont la connaissance sans vademcum,
formulaire ou codex, se transmet de génération en
génération chez les féticheurs, les guérisseurs,
les sorciers, par l'enseignement pratique des maîtres et la tradition
orale » (Kerharo et Bouquet 1950 : 94).
Cependant, loin d'être seulement une réplique
à l'impuissance de la biomédecine, il faut noter que
l'utilisation des plantes médicinales est devenue une sorte de
phénomène social total qui s'impose à la conscience
collective, des "indigents" aux plus favorisés. Leur connaissance
émane de la culture somatique et thérapeutique de
Diarrabakôkô où il existe un éventail
extrêmement varié de plantes médicinales entrant dans la
cure du paludisme et de la fièvre jaune, perçus comme deux formes
d'une même maladie. A cet effet, le constat de terrain
révèle la connaissance d'une abondance de drogues
végétales selon le sexe et les maladies.
Tableau 14 : Distribution de la connaissance
des plantes par sexe et par maladie
Maladies
Sexes
Paludisme
Fièvre jaune
|
Maladies
Sexe
|
|
|
Paludisme
|
Fièvre jaune
|
Femmes
|
Oui
|
Non
|
Oui
|
Non
|
100%
|
0%
|
44,1%
|
55,9%
|
Hommes
|
94,2%
|
5,8%
|
46,1%
|
53,9%
|
Source: données du
terrain du 30 Mars-Avril 2012 à
Diarrabakôkô
Cette analyse statistique montre que les enquêtés
connaissent plus de plantes dans la cure du paludisme et les femmes en
connaissent plus (100%) que les hommes (94,2%). Comparativement à la
connaissance des plantes dans le traitement du paludisme, la connaissance des
plantes dans celui de la fièvre jaune est moindre chez les
enquêtés. En effet, 55,9% des femmes disent n'en pas avoir connu
contre 46,1% chez les hommes. La plus grande connaissance des plantes dans la
cure du paludisme pourrait s'expliquer par la perception différentielle
de ces pathologies.
Le paludisme de par sa nature récurrente et
recrudescente fait grever chaque année la bourse des individus. Donc
tous les moyens sont bons pour lutter contre, d'où la large diffusion
des connaissances sur les espèces propres à y faire face surtout
chez les femmes qui sont durablement touchées par cette affection avec
leur progéniture. A propos, nous sommes en présence d'un savoir
commun populaire partagé dans cette société goin sur les
plantes médicinales dans le traitement du paludisme. En ce sens, toute
la population est investie de la mission curative même si certains en
sont des spécialistes à travers la nature des espèces
végétales qu'ils utilisent et les modes d'acquisition de leurs
savoirs. Par contre, la moindre connaissance des enquêtés sur les
espèces entrant dans la cure de la fièvre jaune proviendrait de
son caractère inhabituel et dangereuse. De ce fait, son traitement
incomberait plus aux spécialistes de la médecine traditionnelle
dont le savoir médical apparait toujours aux yeux des profanes comme
possesseur du pouvoir traditionnelle dont la légitimité
découle des ancêtres des génies même si certains
enquêtés en connaissent ; ce qui relève dans ce cas d'un
savoir commun spécialisé et non spécialisé. Ainsi,
après l'étude de la connaissance ou non des plantes entrant dans
la thérapie de ces maladies, il s'agit à présent, de
déterminer celles que les enquêtés connaissent le plus ou
moins à travers leurs fréquences calculées sur la base du
nombre de fois qu'elles ont été mentionnées au sein de
chaque catégorie d'âge. A cet effet, sont
considérées comme les plus connues, les espèces ayant une
fréquence supérieure ou égale à 5%. Soit fi = 5% et
les moins connues sont celles qui ont fréquence inférieure
à 5%. Soit fi < 5
Tableau15 : Connaissance des espèces par
âge entrant dans le traitement du paludisme
Espèce connues
Ages
|
[18-35]
|
[35-52]
|
[52 et +]
|
Noms scientifiques
|
Noms locaux goin/jula
|
%
|
%
|
%
|
Eucalyptus camaldulensis
|
Yrii djan
|
12,16
|
7,29
|
7,26
|
Carica papaya L.
|
Papayer yrii
|
14,86
|
7,29
|
5,65
|
Maanguifera indica
|
Mangoro yrii
|
10,81
|
2,08
|
0,81
|
Anofeissus leiocarpa
|
Guamungu/Kerekete
|
6,76
|
16,67
|
12,90
|
Cassia occidentalis L.
|
Kinkeliba
|
6,76
|
0
|
3,22
|
Cassia sieberiana
|
Guanguamberè/Sindjan
|
5,41
|
10,42
|
9,68
|
Tamarindus indica
|
Guanguantchogo/Tomi
|
4,05
|
1,04
|
2,42
|
Sanna siamea
|
Cassia
|
2,70
|
1,04
|
3,22
|
Guiera senegalensis
|
Tcholipupu/Kunguè
|
1,35
|
2,08
|
1,61
|
Trichilia emetica
|
Nicorpiele/Sulafinssan
|
1,35
|
2,08
|
0
|
Végétal non identifié
|
Bomboromafian
|
1,35
|
6,25
|
5,65
|
Nauclea latifolia
|
Tchofian/Bati
|
1,35
|
6,25
|
4,84
|
Végétal non identifié
|
Sonsolon/Ladon
|
1,35
|
1,04
|
4,23
|
Entada africana
|
Guampanle/Samanere
|
0
|
6,25
|
2,42
|
Citrus limon L.
|
Citron/Lemurukumu
|
0
|
1,04
|
0,81
|
Vitellaria paradoxa
|
Musungu/Karite
|
0
|
1,04
|
1,61
|
Végétal non identifié
|
Cossafina
|
16,22
|
3,96
|
7,50
|
Azadirachta indica
|
Neem yrii
|
13,51
|
12,50
|
10,48
|
Cola cordifolia
|
Sulamangoro
|
0
|
1,04
|
0
|
Piliostigma resticulatum
|
Pimbemungu/Yama
|
0
|
2,08
|
1,61
|
Vitex chrysocarpa
|
Koto yrii
|
0
|
2,08
|
0
|
Végétal non identifié
|
Cohilo/Tutu mussoman
|
0
|
1,04
|
1,61
|
Lannea microcarpa
|
Tantambilan / Pegun
|
0
|
1,04
|
1,61
|
Pteleosis suberosa
|
Djumatcholo
|
0
|
0
|
2,42
|
Ipomea asarifolia
|
Gonkagni/Dugumad iala
|
0
|
0
|
2,42
|
Mitragyna inermis
|
Anfian/Dun yrii
|
0
|
1,04
|
2,42
|
Végétal non identifié
|
Hienfiandjantan
|
0
|
0
|
2,42
|
Terminalia avicenniodes
|
Wolon/Wara yrii
|
0
|
1,04
|
0
|
Végétal non identifié
|
Karognu/Tutu tcheman
|
0
|
1,04
|
0
|
Végétal non identifié
|
Teregue yrii
|
0
|
0
|
0,81
|
Psidium guajava
|
Goyaki yrii
|
0
|
1,04
|
1,61
|
Canthium
|
Ladjifofana
|
0
|
0
|
0,81
|
Total
|
|
100%
|
100%
|
100%
|
Source : données du terrain, Mars-Avril
2012 à Diarrabakôkô
Aussi, les espèces connues dans la cure de ces deux
pathologies varient non seulement avec l'âge, le sexe, leur nature, la
maladie mais aussi avec les tradis-thérapeutes. En effet, l'observation
de ce tableau 15 ci-dessus, relatif à la distribution des espèces
connues dans le traitement du paludisme permet de voir une variation en nombre
et en nature au fur et à mesure que l'âge augmente. En effet,
s'inscrivant dans la tranche d'âge de [18-35[, on dénombre
seulement 15 espèces dont les plus connues sont
''cossafina''(16,22%), Carica papaya (14,86%), Eucalyptus
camaldulensis ''Yrii djan''(12,16%) et Azadirachta indica
''neemier'' (13,51%), Manguifera indica ''manguier''
(10,81%).Le constat est que toutes ces espèces sont exotiques et se
retrouvent pour la plus part dans les espaces socialisés du village. En
outre, lorsqu'on s'inscrit dans la catégorie d'âge de [35-52[le
constat de terrain relève 11 espèces de plus et celles qui sont
les plus connues sont Anofeissus leiocarpa ''Guamungu''en langue goin
et ''kerekete''en jula (16,67%), Azadirachta indica (12,50%),
Cassia sieberiana ''guanguambere''en goin et ''sindjan''en
jula (10,42%). Par contre, dans l'intervalle d'âge [52 et + [, sont
inventoriés 2 espèces de plus que la seconde et 15 que la
première catégorie d'âge dont les plus connues sont
Anofeissus leiocarpa "guamungu" (12,90%) Azadirachta indica
(10,48%); Cassia sieberiana "guanguambere" (9,68%). Lorsqu'on
essaie d'analyser, on s'aperçoit que le nombre des espèces
augmente avec l'âge et les fréquences des plantes les plus connues
varient en fonction de leur nature. Azadirachta indica et Anofeissus
leiocarpa semble être les plantes les plus connues dans le
traitement du paludisme.
Tableau 16: Connaissance par sexes des plantes
dans le traitement du paludisme
Espèces connues
Sexe
|
Femmes
|
Hommes
|
Noms scientifiques
|
Noms locaux guoin, jula
|
Fréquences%
|
Fréquences%
|
Eucalyptus camaldulensis
|
.../Yrii djan
|
4,44
|
10,37
|
Anofeissus leiocarpa
|
Guamounou/Kerekete
|
15,56
|
10,37
|
Azadirachta indica
|
.../Neemyrii
|
13,33
|
10,37
|
Végétal non identifié
|
Bomboromafian/
|
10
|
1,48
|
Cassia sieberiana
|
Guanguambere/Sindj an
|
6,67
|
10,37
|
Cassia occidentalis L.
|
.../Kinkeliba
|
3,33
|
2,96
|
Manguifera indica
|
../ Mangoro yrii
|
3,33
|
3,70
|
Végétal non identifié
|
.../Cossafina
|
4,44
|
7,41
|
Carica papaya L.
|
... /Papayeryrii
|
6,67
|
6,67
|
Sanna siamea
|
.../Cassia
|
1,11
|
1,48
|
Nauclea latifolia
|
Tchofian/Bati yrii
|
4,44
|
6,67
|
Tamarindus indica
|
Guanguantchogo/Tomi yrii
|
3,33
|
2,96
|
Vitellaria paradoxa
|
Musungu/Si yrii
|
2,22
|
0,74
|
Pteleosis suberosa
|
Djoumatcholo
|
3,33
|
0
|
Ipomea asarifolia
|
Gonkagni/Dugumadj ala
|
3,33
|
0
|
Végétal non identifié
|
Hienfiendjantan
|
3,33
|
0
|
Mitragyna inermis
|
Anfian/Dun yrii
|
2,22
|
0,74
|
Piliostigmo resticulatum
|
Pembimungu/Yama yrii
|
2,22
|
2,22
|
Guiera senegalensis
|
Tcholipupu/Kungue yrii
|
4,44
|
0,74
|
Végétal non identifié
|
Karognu/Tutu tcheman
|
1,11
|
0
|
Terminalia avicenniodes
|
..../Wolon yrii
|
1,11
|
0
|
Trichilia emetica
|
Nicorpiele/Sulafinssan
|
0
|
1,48
|
Végétal non identifé
|
Sonsolon/Ladon
|
0
|
4,44
|
Entada africana
|
Guampanle/Samanere
|
0
|
5,94
|
Cola cordifolia
|
.../Sulamangoro
|
0
|
0,74
|
Citrus limon L.
|
.../Lemurukumuyrii
|
0
|
1,48
|
Psidium guajava
|
. /Goyaki yrii
|
0
|
0,74
|
Végétal non identifié
|
Cohilo/Tutu mussoman
|
0
|
2 22
|
Vitex chrysocarpa
|
/Koto yrii
|
0
|
1,48
|
Lannea microcarpa
|
Tantambilan/Pegun yrii
|
0
|
1,48
|
Canthium
|
.../Ladjfofana
|
0
|
0,74
|
TOTAL
|
|
100%
|
100%
|
Source: données de
terrain, Mars -Avril 2012 à Diarrabakôkô.
Ensuite, lorsqu'on essaie de voir la fréquence des
espèces connues par sexe sur ce tableau 16, on se rend compte que
certaines plantes sont plus connues par les deux sexes mais avec une
fréquence beaucoup plus élevée chez les femmes au niveau
des plantes comme Anofeissus leiocarpa (15,56%), Azadirachta
indica (13,37%) contre (10,37%) pour chacune de ces espèces chez
les hommes. Par contre, seule la connaissance de Cassia sieberiana
(Guanguambere) en locale est élevé chez les hommes (10,37%)
que chez les femmes (6,67%). Il faut noter aussi une fréquence
égale de la connaissance de Carica papaya chez les
enquêtés soit (6,67%). En outre, le constat révèle
un taux de connaissance élevé des plantes telles Ecalyptus
camaldulensis (10,37%), Cossafina (7,41%) dont nous n'avons pas
pu déterminer le nom scientifique, Nauclea latifolia tchofian en
goin (6,67%) et Entada africana Guanguambere en goin (5,94%) chez
les hommes que chez les femmes qui en ont une moindre connaissance soit
respectivement 4,44% pour les trois premières plantes et aucune
connaissance de la dernière. Inversement, on note chez les femmes une
grande connaissance de la plante appelé en langue locale goin
Bomboromafian à 10% et l'est moins chez les hommes soit 1,48%.
De plus, il est à signaler que d'autres espèces, connues
faiblement par les femmes telles Pteleosis suberosa (Djoumatcholo), Ipomea
asarifolia (Gonkagnie), Hienfiandjatan avec une fréquence
respective de 3,33% chacune sont en revanche méconnues des hommes car
entrant dans la cure de certaines fièvres des enfants tel que la fissure
anale comme le souligne cet enquêté :
Bon ! Moi j'utilise 5 plantes que je prépare dans
un même canari pour soigner la fièvre des enfants. Tu
enlèves les feuilles de Tomi, karité, Djoumatcholo (les tiges)
les feuilles de Gonkagnie, Hienfiandjantan (tiges) et tu prépares
ensemble ; mais comme je te l'ai indiquée, c'est comme ça il faut
mettre dans le canari, bouillir, faire boire à l'enfant et le laver avec
matin et soir (entretien avec S.I., le 10/04/2012).
Ce qui justifie aussi ce faible niveau de connaissance des
femmes car relevant d'un savoir-faire dans l'association et la mise en canari
des plantes. De même, le constat montre que des plantes connues par les
hommes comme sonsolon (4,44%), Guampanlè (5,94%) sont
méconnues par les femmes surement à cause des règles qui
codifient l'accès aux différentes parties indispensables à
l'utilisation telles que les écorces, les racines car dans les milieux
traditionnels, l'extraction de ces parties est réservée aux
hommes a déclaré un enquêté : « C 'est
moi-même qui part enlever mes plantes en brousse parce que si tu envoies
quelqu'un la personne peut tout mélanger. Souvent aussi, j'achète
avec les tradi praticiens surtout les racines car les femmes n'enlèvent
pas les racines (entretien avec C.A., le 22/04/2012) ».
Du reste, ce système de classement des parties par sexe
relève de ce que Bourdieu appelle la "distinction" où les
feuilles symbolisent la féminité et l'écorce et les
racines, la masculinité
Tableau17 : Connaissance des plantes par
âge dans le traitement de la fièvre jaune
Espèces Ages
Connue
|
[18-35 [
|
[35-52 [
|
[52 et + [
|
Noms scientifiques
|
Noms locaux goin/jula
|
Fréquences %
|
Fréquences%
|
Fréquences %
|
Végétal non identifié
|
Sonsolon
|
0
|
4,26
|
12,50
|
Nauclea latifolia
|
Tchofian/Bati
|
33,33
|
14,89
|
16,07
|
Cassia sieberiana
|
Guanguambere/Sindjan
|
0
|
10,64
|
5,36
|
Cola cordifolia
|
Sulamangoro
|
0
|
2,13
|
0
|
Anofeissus leiocarpa
|
Guamungu/Kerekete
|
0
|
17,02
|
16,07
|
Entada africana
|
Guampanle/Samanere
|
0
|
6,38
|
0
|
Vitellaria paradoxa
|
Mussungu/Karite
|
0
|
2,13
|
0
|
Tamarindus indica
|
Guanguantchogo/Tomi
|
0
|
4,26
|
1,78
|
Parkia biglobosa
|
Bwaun/Nere
|
33,33
|
6,38
|
5,36
|
Végétal non identifié
|
Kongobarni
|
0
|
2,13
|
1,79
|
Terminalia aviceniodes
|
Wolon yrii
|
0
|
2,13
|
1,79
|
Mitragyna inermis
|
Afian/Dun yrii
|
0
|
2,13
|
1,79
|
Daniella oliveri
|
Gnanle
|
0
|
2,13
|
3,57
|
Végétal non identifié
|
Bomboromafian
|
0
|
10,64
|
5,36
|
Piliostigma resticulatum
|
Pembinmungu/Yama
|
0
|
2,13
|
0
|
Azadirachta indica
|
Neem yrii
|
0
|
6,38
|
3,57
|
Végétal non identifié
|
Miminanbwa
|
0
|
2,13
|
3,57
|
Calotropis porcera
|
Diaware
|
0
|
0
|
7,14
|
Lannea microcarpa
|
Tantambilan/Pekun
|
0
|
0
|
3,57
|
Végétal non identifié
|
Siyele/Djoro yrii
|
0
|
0
|
0
|
Végétal non identifié
|
Tchatere/Wo yrii
|
0
|
0
|
0
|
Annona senegalensis
|
Tobre/Lombolombo
|
0
|
0
|
1,79
|
Trichilia emetica
|
Nicorpiele/Sulafinssan
|
0
|
0
|
1,79
|
Cochlospernum planchonii
|
N'dribala
|
33,34
|
0
|
3,57
|
Végétal non identifié
|
Dabruhain
|
0
|
2,13
|
1,79
|
Total
|
|
100%
|
100%
|
100%
|
Source: données
du terrain, Mars -Avril 2012 à
Diarrabakôkô
Par ailleurs, en s'inscrivant dans la connaissance des plantes
médicinales dans la cure de la fièvre jaune, la variation est
plus perceptible avec l'âge et le sexe. En effet, le tableau 17 ci-dessus
laisse percevoir que les individus dont l'âge est compris entre
[18-35[ont une très faible connaissance des plantes, vu les trois (03)
espèces que sont Parkia biglobosa communément appelle en
jula "néré" et "Bwaun" en goin, Nauclea
latifolia "Tchofian" et Cochlospernum planchonii "N'dribala"
citée chacune à 33,33%. De [35-52[. On dénombre 18
espèces dont 15 de plus que la précédente et avec une
connaissance élevée des espèces comme Anofeissus
leiocarpa "Guamungu" (17,02%), Nauclea latifolia (14,89%),
Cassia sieberiana "Guanguambere" et "Bomoromafian" (10,64%)
chacune. Par contre, en observant dans la catégorie d'âge de [52
et + [, nous remarquons aussi un taux élevé de connaissance de
certaines plantes comme dans celle de [35-52[. Il s'agit d'Anofeissus
leiocarpa et de Nauclealatifolia connues respectivement à
16,07%. En outre, d'autres espèces plus connues dans l'intervalle [52 et
+ [telles "sonsolon" (12,50%) et Calotropis procera "Diavare"
(7,14%) sont moins ou pas connues dans la tranche d'âge [35-52[. Par
contre, dans cette dernière catégorie d'âge
l'Azadirachta indica est la seule plante qui est moins connue dans la
tranche d'âge de [52 et + [soit 3,57%. Il en résulte que la
connaissance va de pair avec l'âge puisqu'elle dérive de
l'expérience sociale comme évoqué
précédemment. Il est intéressant de noter aussi que les
connaissances de ces plantes répondent aux représentations de
cette maladie.
En observant le tableau ci-dessous relatif à la
connaissance des espèces connues par sexe, on se rend compte que les
hommes ont une plus grande connaissance des plantes que les femmes. En effet,
27 espèces ont été citées par les hommes parmi
lesquelles figurent trois (03) espèces (Bwaun, Guanmungu, Tchofian,)
chez les femmes qui en ont citée 10. Par contre, sur les 10 plantes
citées par ces dernières, seulement 6 espèces
(Bomboromafian, Neemier, Mininanbwa, Guanguanbèrè, Yama)
sont absentes chez les hommes. Il faut noter que parmi les espèces
connues par les hommes, les plus connues sont Nauclea latifolia
(16,43%), sonsolon (12,34%), Anofeissus leiocarpa
(12,33%), Cassia siberiana (8,22%). En revanche, les moins
connues sont les plus nombreuses dont fait partie trois (03) espèces
telles Siyèté, Tchatèrè, Tobre cité
par un guerisseur : « Bon ! Pour soigner le Djokadjo, moi j'associe 3
plantes Tobra, Siyèté; Tchatèrè [...]
(entretient avec S.M., le 09/04/2012, Diarrabakôkô)».
Contrairement aux hommes, les plantes les plus connues par les femmes sont
Bomboromafian (22,86%), Anofeissas leiocarpa (20%),
Azadirachta indica (17,14%), Nauclea latifolia (11,43%).
L'interprétative qui se dégage de ces données est la
perception même de cette pathologie et le statut social des individus qui
joue un rôle dans la légitimation et l'acquisition du savoir sur
les espèces. Autrement dit, la Connaissance des espèces propres
à soigner tient compte du statut social. Ce qui signifie que les hommes
sont prédisposés à la connaissance de ces plantes, mais
aussi du fait qu'ils sont plus victime de cette maladie.
Tableau 18 : Connaissance des plantes par sexe
dans le traitement de la fièvre jaune.
Espèces
Sexe
connues
|
Femmes
|
Hommes
|
Noms scientifiques
|
Nom locaux goin/Jula
|
Fréquence %
|
Fréquence %
|
Parkia biglobosa
|
Bwaun/Nére
|
5,71
|
6,85
|
Anofeissus leiocarpa
|
Guamungu/Kerekete
|
20
|
12,33
|
Nauclea latifolia
|
Tchofian/Bati
|
11,43
|
16,43
|
Végétal non identifié
|
Bomboromafian
|
22,86
|
0
|
Azadirachta indica
|
... /Neem yrii
|
17,14
|
0
|
Végétal non identifié
|
Miminanbwa
|
8,57
|
0
|
Cochlospernum planchonii
|
... /N'dribala
|
8,57
|
0
|
Cassia sieberiana
|
Guanguambèrè/Sindjan
|
2,86
|
8,22
|
Piliostigma thonningii
|
Pembinmungu/Yama
|
2,86
|
0
|
Végétal non identifié
|
Sonsolon/Ladon
|
0
|
12,34
|
Daniellia oliveri
|
Gnanle
|
0
|
4,11
|
Calotropis procera
|
Diaware
|
0
|
5,48
|
Végétal non identifié
|
Siyele/Djoro yrii
|
0
|
1,37
|
Végétal non identifié
|
Tchatere/Wo yrii
|
0
|
1,37
|
Annona sengalensis
|
Tobre/Lombolombo
|
0
|
2,74
|
Bombax costatum
|
Bumbun
|
0
|
2,74
|
Trichilia emetica
|
Nicorpiele/Sulafinssan
|
0
|
1,37
|
Végétal non identifié
|
Kongobarani
|
0
|
2,74
|
Terminalia aviceniodes
|
Wolon yrii
|
0
|
2,74
|
Entada africana
|
Guampanle/Samanere
|
0
|
4,11
|
Végétal non identifié
|
Dabruhian
|
0
|
2,74
|
Mitrgyna inermis
|
Afian/Dun yrii
|
0
|
2,74
|
Lannea microcarpa
|
T antambilan/Pekun
|
0
|
1,37
|
Tamarindus indica
|
Guanguntchogo/Tomi
|
0
|
4,11
|
Vitallearia paradoxa
|
Mussungu/Si yrii
|
0
|
2,74
|
Cola cordifolia
|
Sulamangoro
|
0
|
1,37
|
Total
|
|
100%
|
100%
|
Sources : Données de terrain, du 30 Mars
au 22 Avril 2012 à Diarrabakôkô
Du reste, tout comme la connaissance de ces maladies, la
connaissance de ces plantes médicinales n'est pas une
réalité, un fait en soit mais plutôt un rapport social
étant donné que la santé se mesure aux trames
relationnelles. Ce qui nous amène à parler des différentes
sources d'acquisition de connaissances des plantes médicinales dans la
cure de ces pathologies.
1.1- Des sources de
connaissance ou d'acquisition des connaissances locales des plantes
médicinales
Les connaissances/savoirs sur les plantes médicinales
dans le traitement du paludisme et de la fièvre jaune sont en
général acquises et transmises en milieu traditionnel de
génération en génération par initiation ou par
apprentissage mais aussi dans le cadre même des relations
interpersonnelles ou par expériences. En effet, l'individu
n'acquière des connaissances sur un phénomène donné
qu'en étant en interaction avec ses pairs dans la société.
Ainsi, pour faire face à la récurrence de certaine pathologie
comme le paludisme, il est indispensable surtout dans cette zone
endémique de Diarrabakôkô pour lui d'avoir un minimum de
connaissance sur les espèces appropriées à assurer sa
propre guérison et celle des autres. Et cette connaissance, il ne peut
l'acquérir qu'en objectivant sa maladie lors de ses multiples
interactions avec ses semblables. Ce proverbe Bambara qui dit que "Bana
loba yèrè féré, kènèya loba
yèrè sân" (la maladie se vend et la santé
s'achète) illustre bien cette idée dans la mesure où la
vente et l'achat s'effectue dans un même espace relationnel. De cet
effet, observons le tableau 21 ci-dessous relatif à la distribution des
sources de connaissances des enquêtés sur les plantes
médicinales dans la cure du paludisme et de la fièvre jaune.
Tableau 19: Distribution par sexe et par
maladie des sources de connaissances des plantes médicinales
Sources de connaissances
Maladies
|
Sexe
|
Parents
|
Voisins
|
Expérience
|
Mari
|
Non Réponses
|
Total
|
Paludisme
|
H
|
56,2%
|
27,5%
|
16,3%
|
0%
|
0%
|
100%
|
F
|
40,3%
|
40,3%
|
10,4%
|
09%
|
0%
|
100%
|
Fièvre jaune
|
H
|
44,90%
|
22,45%
|
14,28%
|
0%
|
18,4%
|
100%
|
F
|
38,56%
|
25,58%
|
11,6%
|
20,9 %
|
20,9%
|
100%
|
Sources : Données de terrain, Mars-Avril
2012 à Diarrabakôkô
L'observation de cette distribution statistique
témoigne de l'origine sociale des connaissances sur les plantes
médicinales. En effet, une maladie aussi invalidante et
récurrente que le paludisme entraine nécessairement dans le
milieu rural comme celui de Diarrabakôkô une implication de tous
les membres de la famille voire même de toute la société
dans sa gestion car elle est toujours au stade de la "solidarité
mécanique" fait d'interdépendance. On remarque donc, que le
réseau parental et l'environnement social interviennent plus dans la
connaissance des espèces chez les enquêtés. Mais la
parentèle intervient plus dans la connaissance des espèces
entrant dans la cure du paludisme et de la fièvre jaune chez les hommes
soit respectivement 56,25% et 44,90% que chez les femmes soit40,30% et 38,56%.
Par contre, chez ces dernières c'est l'environnement social (voisinage)
qui intervient le plus soit aussi respectivement 40,30% et 25,58% que chez les
hommes où il intervient respectivement à 27,5% et 22,45%. En
outre, il est à noter que les époux interviennent plus dans la
connaissance des espèces chez les femmes en cas de fièvre jaune
(11,63%) qu'en cas de paludisme (8,95%), vu la perception différentielle
de ces maladies. Ce qui explique du même coup les réponses non
obtenues qui sont d'ailleurs plus élevées chez les femmes
(20,93%) que chez les hommes (18,37%). L'interprétation qui se
dégage de ces données est que dans cette société
rurale, les individus sont insérés dans des réseaux de
relations qui leur permettent d'acquérir des connaissances sur les
plantes médicinales indispensables par moment pour les premiers soins,
« Cependant, la société est organisée de
manière à lutter de son mieux contre l'hostilité de
l'ambiance. Elle exploite les moindres possibilités de la nature. Elle
est d'une contexture serrée. L'individu n'est point abandonné au
hasard. Il appartient à un clan hiérarchisé. Il
obéit à la coutume qu'établirent ses aïeux pour
s'adapter aux luttes et aux nécessités de la brousse, comprendre
ses exigences, prévoir et éviter l'évènement
fortuit » (Dim Delobsom : 1934 :200). A propos, cette analyse nous
amène à concevoir la société comme une «
configuration d'interdépendance » selon les expressions d'Elias
(1970).
Par ailleurs, on ne saurait procéder à l'analyse
des connaissances locales et modes d'utilisations des plantes
médicinales dans le traitement du paludisme et la fièvre jaune
à Diarrabakôkô sans parler des thérapeutes qui sont
des guérisseurs, agriculteurs pour la plupart, des chasseurs Dozo comme
les autres habitants du village ou des "sokalas" voisines. « De la
même façon que les croyances médicales et les traitements
varient selon les contextes socioculturels de même ce qui
caractérise les thérapeutes en tant qu'individus, leur
comportement, leur formation changent selon les systèmes (Genest 1978
:18) ». Au regard de ce qui précède, nous pouvons dire que
le savoir des thérapeutes relève soit de l'initiation (maitre et
initié), soit de l'hérédité (petits-fils,
grands-parents, petits-enfants, oncles, neveux...) au cours d'un long processus
de pérégrination ou de l'achat. Trois guérisseurs
s'expriment à propos :
Moi je n'ai pas choisi d'être guérisseur.
C'est mon papa qui m'a choisi. Il ne m'a pas mis à l'école et il
m'a préparé pour le remplacer. Je peux dire que j'ai
hérité ça de lui. Mais j'ai appris aussi avec ses
collaborateurs parce que un père ne veut pas tout apprendre à son
enfant par peur de son comportement. (Entretien avec S.M., le 09/04/2012,
Diarrabakôkô)
« Moi je suis un dozo et je fais un peu de
l'agriculture. Le dozo et la connaissance des plantes m'ont été
donnés par le papa. Lui-même était un grand chef dozo. J'ai
aussi appris d'autres mais ça prend la tête de certaines personnes
et pas d'autres. J'ai fait 3 ans au Mali pour ajouter à ce que mon
père m'a enseigné. Tu sais, on ne finit jamais d'apprendre si ce
n'est dans la tombe. (...). Pour être dozo, tu travailles pour le
maître pendant des années et s'il est satisfait, il décide
de t'apprendre à connaître les secrets de la brousse et la vertu
des plantes. Le dozo et la connaissance des plantes sont liée.
(Entretien avec B.Z., le 10/04/2012, Diarrabakôkô)
« Bon ! Ce métier, je l'ai appris
auprès d'un maître coranique pour une somme de 1800F et c'est
tout. Il n 'y avait pas de rituel autour et il m'a appris ça car sans le
connaître, je l'ai hébergé chez moi ». (Entretien
avec S.I., le 10/04/2012, Diarrabakôkô)
Il en résulte que les modes d'acquisition des
connaissances de ces guérisseurs demeurent la base de la reconnaissance
de leurs qualités au sein de la société puisqu'elles
émanent des sources diversifiées qui sont en
général la règle. Pour ce faire donc, il faut
séjourner à l'étranger, se familiariser avec les nouvelles
pratiques ou en acheter. Comme l'ont montré Kerharo et Bouquet dans leur
étude que : « Les guérisseurs de savane sont surtout
détenteur d'un secret hérité ou acheté et souvent,
même les plus réputés ne connaissent pas dix (10) plantes
en dehors de celles entrant dans la composition de leur médicaments
(Kerharo et Bouquet 1950 :32) ». En outre, il est à signaler que
l'apprenti guérisseur n'est habilité à aller cueillir seul
les drogues végétales que lorsque la « science des
reconnaissances botaniques » est jugé suffisante par le père
ou le maître. Ce qui sous-tend que la connaissance est progressif et cela
demande de la patience et de la mémoire. Toutefois, la connaissance dans
la médecine traditionnelle qu'elle soit transmise par
hérédité (de père en fils) ou par initiation
(maître et initié) revêt toujours un caractère
sacré, ce qui légitime la spécialité de leur savoir
auquel s'ajoute la nature locale des espèces qu'ils emploient.
Cependant, le constat révèle l'acquisition des
connaissances par achat qui est la méthode la plus simple, mais devenu
de plus en plus cher. Ce qui peut avoir un impact sur les honoraires des
guérisseurs. Cette assertion est illustrée par informateur :
Bon !les plantes que j'ai apprises ont été
payantes. Je me suis déplacé pour aller connaître deux
plantes à Bamako, j'ai payé 500.000F là-bas, à
Korhogo aussi, j'ai payé 600.000F ; Ghana où j'ai fait trois (03)
mois là-bas, j'ai payé 300.000F. C'estcher parce qu'ils savent
que tu t'es déplacé et tu en a besoin. "i macogno yrii lo ". Bolo
fla lobi djen ka gnogon ko"( ce sont les deux mains qui se joignent pour se
laver ». (Entretien avec S.D., le 09/04/2012,
Diarrabakôkô)
Il ressort de ce discours que l'achat des connaissances peut
aboutir à la formation des pseudos spécialistes de certaines
plantes médicinales et entraîner du même coup le sur
enrichissement des honoraires qui se limitent en général dans
cette médecine traditionnelle aux gestes symboliques ainsi qu'à
la satisfaction. Trois guérisseurs déclarent :
Moi mon travail n'a pas de prix car il arrive souvent que
le malade n'a pas d'argent, tu prends avec Dieu et tu lui donne le
médicament, s'il reconnaît après tant mieux. Chez moi
l'humanisme doit précéder l'argent "Adamadenga binwari gna" car
les retombées peuvent être sur tes enfants (...). Bon ! Pour
soigner le paludisme, je prends 7000F et Djokadjo 12000F mais c'est
jusque-là à la guérison totale (entretien avec S.D.,
le 09/04/2012, Diarrabakôkô).
« Chez moi un canari de médicament du
paludisme n'est pas cher. Si réellement c'est le paludisme, je demande
le prix de l'essence pour aller chercher les plantes ou un poulet et on soigne
le malade jusqu'à la guérison. On s'entre aide ici. Pour la
fièvre jaune c'est aussi la même chose. (Entretien avec O.D.,
le 09/04/2012, Diarrabakôkô)
Bon ! Moi je n'ai pas le prix fixe, que tu me donnes 25F
ou 50F, je prends. Ce que le malade gagne, c'est ce que je prends.
Généralement beaucoup d'entre nous parlent de difficultés
d'apprentissage pour rendre cher leur traitement. Moi mon grand-père ne
m'a pas appris pour vendre mais pour servir. Ce que tu as appris, n'a pas de
prix. Il faut servir telle est la règle de mon grand-père. La
guérison d'abord et l'argent après. (...). Moi mon traitement de
paludisme et Djokadjo, c'est juste un poulet. C'est ceux qui sortent pour
acheter leur connaissance qui ont un traitement cher ; souvent même c
'est plus cher que le traitement du toubab (entretien avec S.S, le
10/04/2012, Dirabakôkô) ».
Il en résulte de ce fait que les honoraires varient en
fonction des sources d'acquisition des connaissances et du lien de
familiarité que chaque membre de la société entretient
avec ses thérapeutes. D'autres part, les modes de transmission de leurs
connaissances est fonction des modes d'acquisition d'où des
règles codifiant le rite de passage des néophytes. Trois
guérisseurs résument ces règles présidant le rite
de passage :
Aujourd'hui, si tu veux avoir des connaissances sur les
plantes tu vas enlever beaucoup d'argent. Toutes choses est affaire d'argent
maintenant. Pour apprendre chez moi, il y a des connaissances dont le rituel
demande un mouton, d'autres un poulet plus l'argent. Je n'ai pas de prix fixe.
Un prix bas pour quelqu 'un que je connais et le prix normal pour les
étrangers (entretien avec H.B, le 12/04/2012,
Diarrabakôkô).
Bon ! Peu importe ton ethnie, chacun peut exercer ce
métier. Si l'initiative vient de toi, on va t'initier. Bon ! (...)
l'initiation consiste à enlever le "tomsso" (galettes faite à
base de la farine de haricot) dans l'huile chaude sur le feu 3 fois ; si c'est
un homme et 4 fois si c'est une femme. Hum ! Pour les femmes c'est quatre parce
qu'en plus d'être Homme qui fait 3 elles sont nos mamans voilà
pourquoi c 'est 4. Si tu as pu enlever les "tomso ", on saura que le secret te
conviendra et tu es tenu de garder ça. Si non on ne trille pas, on peut
donner le savoir à tout le monde pourvu que la personne soit
intéressée. Avant, les "flatigui"(guérisseurs) gardaient
jalousement leur secret mais aujourd'hui avec la modernité on est eu peu
ouvert mais dans la méfiance à cause du mauvais comportement des
enfants (entretien avec S.M, le 09/04/2012, Diarrabakôkô).
Comme moi je ne fais pas de ces connaissances mon
métier, si quelqu'un veut apprendre avec moi je lui demande juste de
payer un prix forfaitaire car mon papa ne m'a pas appris pour que je garde pour
moi seul. Il m'a donné pour que je puisse m'aidé et aider les
gens ; pour cela, je te montre pour qu'à ton tour tu fasses la
même chose ou que tu seras et qui tu es. La connaissance est faite pour
être partagée mais ceux qui en font un métier, c'est normal
que l'apprenant paye de l'argent et sois soumis au maître. C'est comme
pour les "toubabs'' (blancs), il faut payer pour aller à
l'école, apprendre pendant des années à côté
du maître. Lorsqu'il est sûr que tu as bien appris, il peut te
donner la route accompagné de sa bénédiction
(entretien avec H.T, le 11/04/2012, Diarrabakôkô).
En considérant tous ces discours, nous pouvons conclure
que dans le domaine de la médecine traditionnelle, le rite de passage
nécessite un certain nombre de qualités tel le courage, la
patience et la mémoire malgré le prix à payer sans qu'il y
ait prédestination. Pour le dire autrement, en reprenant la formulation
de Kalis : « Les qualités exigées de l'élève
sont le courage, la discrétion, la patience, la maîtrise de soi et
une obéissance sans faille ». (Kalis 1997 : 188).
Par ailleurs, les données empiriques
révèlent l'existence des règles dans le milieu même
des guérisseurs. Et ces règles vont de l'interdiction à la
vente sur le marché des produits émanant d'un savoir ancestral en
passant par les médias pour la promotion ou toute forme de
publicité comme le note un enquêté :
"Lonigna sir a ka Tchà", (la connaissance a
plusieurs chemins).Vendre la connaissance sur le marché le rend
méprisable. Le vendeur de pharmacies (pharmacien) tout comme le docteur
n'a pas besoin de se vendre. Les doigts sont gros et grand, la connaissance est
ainsi faite. Si tu connais, tu connais ; si tu ne peux pas réfère
le malade à un plus compétent. La publicité nuit à
la connaissance selon moi. Les ancêtres n'ont pas dit ça. Dieu n'a
pas dit ça. "Li ta foka lé kadi, Ni ya nènè Lo ibi
sôrô kalon kaakadi " (le miel ne dit pas qu'il est bon. C 'est
lorsque tu vas le goutter que tu sauras qu'il est bon) tel est la connaissance.
(Entretien avec S.D, le 09/04/2012, Diarrabakôkô)
Envisager de façon interprétative ce qui vient
d'être développé, il convient de mentionner avec Bibeau que
: « Dans ces systèmes non formalisés comme le sont les
médecines traditionnelles, tout le savoir est agi tout est acté,
tout est dit en situation et il n'existe pas une science de concepts qui se
maintiendrait par elle-même et qui pourrait être reconstitué
en dehors des situations de maladie (Bibeau 1978 : 92-93)».
|
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