3.4.2- Perception du
coût du traitement biomédical du paludisme et de la fièvre
jaune
Il ressort de l'enquête que le coût direct
d'utilisation du CSPS, pris en terme de mode de tarification du traitement a un
impact positif sur le recours des enquêtés étant
donné que les écarts de prix entre les formations sanitaires et
la médecine traditionnelle sont variables. A ce titre, le tableau 12
donne une idée de la perception du coût du traitement
biomédical.
Tableau 11 : Perception du coût du
traitement biomédical en fonction des maladies
Perception du coût
Maladies
|
Cher
|
Pas trop cher
|
Moins cher
|
Ne sait pas
|
Total
|
Effectifs
|
0%
|
Paludisme
|
3,5%
|
88,4%
|
3,5%
|
4,6%
|
86
|
100%
|
Fièvre jaune
|
1,2%
|
4,6%
|
0%
|
94,2%
|
86
|
100%
|
Source: données de
terrain, Mars- Avril 2012 à Diarrabakôkô
A la question de savoir la perception du coût du
traitement biomédical du paludisme, 88,4% des enquêtés ne
trouvent pas trop cher en référence au prix des produits
antipaludéens qui sont pour la plupart en générique. En
effet, l'OMS dans le souci d'atteindre leurs objectifs qui est « la
santé pour tous d'ici l'an 2000 » a recommandé des
médicaments ACT qui est une combinaison de médicaments
antipaludéen afin que le prix ne soit plus une barrière pour les
indigents. Comme le mentionne Ridde « La situation de
l'accessibilité aux médicaments essentiels est globalement
favorable d'un point de vue géographique. Les médicaments
sontmaintenant plus près des populations (2007 :44) ». En
outre, il convient de mentionner que l'accessibilité des
médicaments essentiels n'est pas seulement que géographique, elle
est aussi financière car le coût des produits est calculé
en fonction de la capacité des indigents à mobiliser les
ressources monétaire surtout dans le traitement du paludisme, en
témoigne le major du CSPS :
Bon ! S'agissant du coût du traitement du paludisme,
je trouve que c'est abordable pour la population. Par exemple, pour un
début de palu, le traitement se limite à une ordonnance qui ne
dépasse pas 1000F. Les trois comprimés du paludisme coûte
100F, plus deux plaquettes de paracétamols à 160F donc pour le
traitement d'un enfant de 5-14ans. Les trois comprimés font 200F et les
adultes, 300F. Pour les enfants de 0-5ans tu as 400F de paracétamol plus
500F d'amoxicilline sirop. Ce qui fait 900F et je trouve abordable surtout avec
les produits génériques. (...). Bon ! La consultation ici au CSPS
est 75F pour les enfants et 100F pour les adultes (...) (entretien avec M,
le 14/04/2012, Duarrabakôkô).
Ce qui justifie l'équité et l'efficacité
recherchée par la mise en oeuvre de l'I.B en 1993 afin de réduire
les inégalités d'accès aux soins. Et pourtant, les
différences de conditions sociales sont des marqueurs de
différences sanitaires. De ce fait, l'équité et
l'efficacité ne peuvent pas rimés étant donné qu'il
existe deux catégories de produits que sont : les
spécialités et les génériques. Ce qui sous-tend que
l'équité rime avec le traitement à base du
générique tandis que l'efficacité s'allie avec le
traitement à base de spécialités. Sur la base d'un tel
constat, la santé n'a pas de prix, d'où la survivance des
inégalités d'accès aux soins comme le stipule Ridde «
La mise en oeuvre de l'IB n'a pas permis l'amélioration de
l'accès aux soins des plus pauvres alors que pour le plus grand nombre,
la situation est devenue relativement plus acceptable qu'auparavant (2007 : 22)
».
Par ailleurs, il est à signaler que 94,2% des
enquêtés ne se sont pas prononcés sur la perception du
coût du traitement de la fièvre jaune. Ce qui laisse percevoir une
méfiance au traitement biomédical de cette pathologie et aussi de
la confiance et l'efficacité accordée à la médecine
traditionnelle en témoigne ce faible taux 4,6% des individus qui
perçoivent le traitement biomédical pas trop cher. De plus, on
note une perception égale des individus soit 3,5% qui jugent le
traitement du paludisme cher et moins cher en même temps. En effet, la
cherté revient chez les enquêtés à la mise en
observation et à l'évacuation vers le CHR de Banfora :
Bon ! Moi je trouve que le traitement moderne du paludisme
est aussi efficace, mais je trouve ça cher surtout quand on va te mettre
l'eau. Moi j'ai eu à payer 15 000F lors de la maladie de mon enfant. Il
avait le sumaya et nous fait 3 jours au dispensaire et chaque jour, on te donne
une nouvelle ordonnance à payer. C'est plus encore si on t'envoi
à l'hôpital de Banfora (entretien avec K.M, le 14/04/2012,
Diarrabakôkô).
Ce que je peux trouver cher, c'est lorsqu'il s'agit de
placer une perfusion ou en cas d'évacuation au CHR de Banfora. Bon ! La
perfusion ne dépasse pas 6000F (entretien avec, le 14/04/2012,
Diarrabakôkô).
Un autre informateur signale : « Le traitement en cas
de paludisme n'est pas trop cher mais ça tourne autour de 1000F à
1500F (entretien avec K.M, le 14/04/2012,
Diarrabakôkô».
Il en résulte que la perception du coût du
traitement biomédical de ces pathologies est fonction de leur
degré de gravité et de l'estimation du coût direct selon
les enquêtés.
Tableau 12 : Estimation du coût du
traitement biomédical en fonction des maladies (en francs
CFA)
Estimation coût
Maladies
|
[1000F-8000F]
|
[8000F-15000]
|
Dépend de la gravité
|
Ne sait pas
|
Total
|
Effectifs
|
0%
|
Paludisme
|
30,2%
|
2,3%
|
60,5%
|
7%
|
86
|
100%
|
Fièvre jaune
|
0%
|
0%
|
0%
|
100%
|
86
|
100%
|
Source: données de
terrain, Mars-Avril 2012 à Diarrabakôkô
En effet, lorsqu'on observe ce tableau ci-dessus, on
s'aperçoit que 60,5% des enquêtés estiment que le
coût direct relatif aux services médicaux varient avec la
gravité de la maladie surtout en cas de paludisme. Ceux qui
perçoivent par contre le traitement pas trop cher soit 30,2% estiment le
cout dans l'intervalle de [1000F-8000F] CFA. Comparativement au paludisme, on
constate que 100% des enquêtés n'ont pas une estimation du
coût en cas de fièvre jaune. Ce qui s'explique par un recours
important à la médecine traditionnelle à la survenue de
cette maladie non pas seulement dans une logique de réduire le
coût, mais aussi et surtout par manque de confiance au traitement
biomédical de la pathologie. En dernière instance, sur la base
d'un tel constat, nous pouvons dire que si les caractéristiques des
services de santé modernes constituent des facteurs incitatifs au
recours aux soins, il reste que son traitement se limite dans la conception des
enquêtés à la précision de son diagnostic et
à sa capacité calmer la maladie. Ce qui témoigne de sa
forte sollicitation à la survenue d'une pathologie perçue
naturelle comme le paludisme.
Par ailleurs, si la médecine traditionnelle vient en
seconde position dans le choix thérapeutique des enquêtés,
ce n'est pas pour autant qu'elle est secondaire puisqu'elle intervient plus
dans le traitement curatif de ces maladies et surtout la fièvre jaune,
ce qui met en exergue la complémentarité de ces deux
médecines. Dit autrement, la médecine moderne interviendrait pour
la prévention et médecine traditionnelle pour la guérison
et ce, selon la perception des enquêtés. Cela est
compréhensible lorsqu'on observe ce tableau 14 qui donne un
aperçu du changement thérapeutique en fonction de ces
maladies.
Tableau 13 : Changement du recours
thérapeutique en fonction des maladies
Changement de
Recours
Maladies
|
Changement thérapeutique
|
Pas de changement thérapeutique
|
Non réponses
|
Total
|
Effectifs
|
0%
|
Paludisme
|
81,4%
|
18,6%
|
0%
|
86
|
100%
|
Fièvre jaune
|
52,3%
|
39,5%
|
8,2%
|
86
|
100%
|
Source: données de
terrain, Mars-Avril 2012, à Diarrabakôkô
En effet, l'examen de ce tableau montre que malgré le
fort recours à la médecine moderne, bon nombre d'entre eux
changent de recours surtout en cas de paludisme qui est la maladie conduisant
le plus au dispensaire. Ainsi sur la proportion des enquêtés qui
ont recours à cette médecine, 81,4% d'entre eux change de recours
contre 18,6% qui ne change. Les raisons avancées pour justifier ce
changement est la complémentarité de la médecine moderne
et de la médecine traditionnelle comme l'atteste un enquêté
: « seuls les docteurs savent ce qu'il y a dans le sang on peut
commencer avec eux pour terminer avec pour nous. « Am bè nà
ka ta ga bolo » (chacun à sa route) et « bolo fla lo bi djen
ka gnogon ko » (ce sont les deux mains qui se lavent) (entretien avec
B.Z, le 10/04/2012, Diarrabakôkô)
En plus de cela, d'autres raisons sont avancées comme
la persistance de la maladie et l'échec du traitement moderne de cette
maladie. Comparativement au paludisme, la fièvre jaune où le
recours est partagé, on constate que 52,3% changent de recours contre
39,5% qui n'en changent pas. Il est à noter que si la proportion de ceux
qui ne changent pas de recours est un peu élevé, c'est parce que
la médecine traditionnelle était le premier recours adopté
par beaucoup d'entre eux tout comme au regard de leurs perceptions du
traitement biomédical de cette affection. A ce niveau, la raison
justificative est non pas la complémentarité mais la confiance en
la médecine traditionnelle, dans la gestion de cette maladie. Ce qui
place du même coup ces deux médecines en compétition.
De ce qui précède, il reste que les
enquêtés s'inscrivent dans une logique de «
rationalité en finalité » (dans le sens de Weber) dans
l'évaluation de ces deux médecines. Au travers de nos analyses,
nous pouvons dire que l'adhésion à un traitement plutôt
qu'à un autre est beaucoup influencé par le genre, la nature et
les représentations sociales locales ces maladies que par le niveau
d'instruction, la profession, le revenu. Ce qui implique la connaissance des
plantes médicinales à même de contre balancer le coût
des services de santé modernes, et d'assurer la santé pour
tous.
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