3.2.1.3- Catégorie
socioprofessionnelle et recours thérapeutiques
Il convient de mentionner que différents facteurs sont
susceptibles d'interférer avec cette variable niveau d'instruction. H
s'agit de la profession et du niveau des revenus. Selon Ridde les «
indigents » dans le milieu rural se recrutent surtout parmi les couches
les moins instruites « dans le contexte d'un des pays les plus pauvres
du monde, même les fonctionnaires se retrouvent, à certaines
périodes de l'année ou du moins sans ressources monétaires
mobilisables immédiatement » (Ridde 2007 : 200).
Ainsi cette partie présente le lien entre le choix
thérapeutique et la pauvreté, définie ici à partir
de la profession et du revenu des enquêtés. En effet, la
profession, prise en terme d'activité principale menée par un
individu peut être un indicateur de mesure du choix thérapeutique
dans la mesure où elle permet de déterminer les conditions de vie
et la position sociale des individus dans le milieu où l'agriculture
constitue la principale activité génératrice de revenus.
Mais cette agriculture telle que pratiquée (de façon extensive et
traditionnelle), demande une débauche d'énergie pendant que le
régime alimentaire de cette population locale n'est pas
diversifié. Le tô (préparé à base de
la farine du maïs ou du mil) constitue l'aliment privilégié.
En sus de cela, les données d'observation révèlent une
dispersion des habitats constitués en majeure partie de cases rondes en
banco et des collections d'eaux de toilette et de vaisselle derrière les
concessions par manque de puisards. A cela s'ajoute le manque de latrines ainsi
que la cohabitation avec les animaux. Ce qui laisse percevoir une certaine
précarité des conditions de vie et d'hygiène qui sont
susceptibles de rendre la maladie récurrente. Sur la base d'un tel
constat, le tableau 7 et 8 suivant donne une idée de l'influence que
peut avoir la profession sur le choix thérapeutique des
enquêtés.
Tableau 7 : Distribution des recours
thérapeutiques en fonction de la profession en cas de
paludisme
Recours
Profession
|
Moderne
|
Traditionnel
|
Mixte
|
Auto
traitement
|
Total
|
Effectifs
|
%
|
Salariés
|
100%
|
0%
|
0%
|
0%
|
03
|
100%
|
Agriculteurs
|
82,19%
|
10,96%
|
5,48%
|
1,37%
|
73
|
100%
|
Eleveurs
|
100%
|
0%
|
0%
|
0%
|
04
|
100%
|
Secteur informel
|
20%
|
60%
|
0%
|
20%
|
05
|
100%
|
Elève
|
100%
|
0%
|
0%
|
0%
|
01
|
100%
|
Source : données du terrain, Mars- Avril
2012 à Diarrabakôkô
Tableau 8 : Distribution des recours
thérapeutique en fonction de la profession (en cas de fièvre
jaune)
Recours
Profession
|
Moderne
|
Traditionnel
|
Mixte
|
Non réponse
|
Total
|
Effectifs
|
%
|
Salariés
|
100%
|
0%
|
0%
|
0%
|
03
|
100%
|
Agriculteurs
|
56,16%
|
34,25%
|
2,74
|
6,85%
|
73
|
100%
|
Eleveurs
|
75%
|
25%
|
0%
|
0%
|
04
|
100%
|
Secteur informel
|
0%
|
80%
|
0%
|
20%
|
05
|
100%
|
Elève
|
0%
|
100%
|
0%
|
0%
|
01
|
100%
|
|
Source : données du terrain, Mars- Avril
2012 à Diarrabakôkô
L'examen de ces données statistiques montre que les
enquêtés exerçant des professions qui
génèrent des revenus relativement réguliers, s'orientent
plus vers la médecine moderne. En effet, que ce soit en cas de paludisme
comme de fièvre jaune on constate que les salariés, les
éleveurs et les élèves ont tendance à recourir
à la médecine moderne soit respectivement 100% en cas de
paludisme, 100% et 75% en cas de fièvre jaune pour les salariés
et les éleveurs. Ces pourcentages s'expliquent par le fait que ces
catégories sont sous-représentées dans notre
échantillon. Par contre, le recours fréquent à la
médecine traditionnelle est observable plus au niveau du secteur
informel, soit 60% en cas de paludisme et 80% en cas de fièvre jaune.
Les agriculteurs, par contre, ont un recours partagé mais avec une
prédominance de la médecine moderne en cas de paludisme (82,19%)
et de fièvre jaune (56,16%) des enquêtés. Ce qui peut
être expliqué par l'homologie relative du rapport au paludisme
entre acteurs du secteur informel et ceux du secteur agricole, des
activités qui ne permettent pas une mobilisation immédiate des
ressources monétaires pour faire face aux coûts des actes
médicaux moderne. Deux enquêtés déclarent :
(...) Il y a trop d'ordonnances qui sont chères et
ici les gens n'ont pas d'argent car nous sommes tous des agriculteurs.
(Entretient avec B.Z., le 10/04/2012, Diarrabakôkô)
Je suis ici (CSPS) avec ma femme parce qu'elle a le
sumaya. Moi je préfère le dispensaire tant que j'ai les moyens.
(Entretien avec S.H, le 13/04/2012, Diarrabakôkô).
Il en résulte que la profession ne constitue pas en soi
un facteur incitatif à l'orientation thérapeutique. Elle ne l'est
que lorsqu'elle interagit avec le revenu tout comme la capacité
àmobiliser le prix de l'acte médical. Un enquêté
déclare : « il n'ya pas de crédits au dispensaire. Quel
que soit le prix tu vas payer (entretien avec H.T, le 11/04/2012,
Diarrabakôkô)». L'accès aux soins modernes
s'opère donc à travers la capacité de chaque individu
à mobiliser de l'argent à la survenue d'une maladie. C'est pour
cette raison que Benoit (1991) affirme : « (...) les rapports entre la
santé et l'argent (rythme de dépenses, circonstances, montants)
sont bien différents selon le choix du mode de soin (moderne contre
traditionnelle) de la part de la population » (in Ridde 2007 : 32).
Lorsqu'on analyse les recours thérapeutiques des
enquêtés en fonction de leurs revenus, on s'aperçoit d'une
diminution de la probabilité à recourir à la
médecine moderne en cas de paludisme au fur et à mesure que les
revenus augmentent. Par contre, on constate une probabilité
élevée à choisir la médecine traditionnelle chez
les enquêtés ayant un revenu annuel qui est compris entre
[600000-650000[francs CFA. Ce qui relève de la logique d'anticipation
des coûts de traitement. C'est ce que révèlent certains
enquêtés:
Bon! S'agissant du coût du traitement du paludisme,
je trouve que c'est abordable pour la population (entretien avec M, le
14/04/2012, Diarrabakôkô)
Si le sumaya est à son début, le docteur va
te dire de payer les comprimés et souvent ça ne dépasse
pas 1000 FCFA [...]. Mais si tu laisses quand la maladie s'aggrave, ça
devient cher parce qu'on va te mettre l'eau (perfusion) ou on va l'envoyer
à Banfora, au grand hôpital (entretien avec K.D.P, le
15/04/2012, Diarrabakôkô).
Cette même considération est retrouvée
également en cas de fièvre jaune. En effet, on remarque un
recours partagé et dispersé des enquêtés avec une
probabilité élevée à choisir la médecine
moderne lorsque les revenus diminuent, soit les revenus annuels compris entre
[50000 - 100000[. Cette propension à s'orienter vers la médecine
traditionnelle diminue quand les revenus augmentent, les revenus compris entre
[700000 - 750000[.
Dans cette perspective, il convient de mentionner que le lien
entre le revenu et le choix thérapeutique n'est pas
systématiquement perceptible dans la mesure où avec la
routinisation de l'expérience du paludisme et de la fièvre jaune
les patients (économiquement indigents ou nantis) et leurs proches
opèrent des choix stratégiques en fonction des
opportunités de soins et des ressources (financières,
symboliques, humaines) mobilisables pour leur traitement.
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