CHAPITRE I: CADRE THEORIQUE
ET METHODOLOGIE
I-CADRE THEORIQUE
1 - REVUE DE LITTERATURE
Dans le but de mieux cerner notre thème, nous avons
fait une revue de littérature spécifique pour connaître les
diverses approches de la question ; ce qui nous permettra d'affiner notre
problématique de recherche. Les informations recueillies de nos
différentes lectures et entretiens exploratoires sont regroupées
sous forme de thématiques. Dans la problématique, nous
présentons les orientations, les objectifs, les hypothèses de
recherche ainsi que la définition des concepts de notre recherche.
1.1- Pharmacopées
traditionnelles et plantes médicinales
Les plantes médicinales constituent un outil de travail
de premier intérêt pour la médecine traditionnelle dans nos
formations sociales locales. A ce titre, il est indéniable que toute
intervention dans ce domaine nécessite un minimum de connaissances sur
les travaux antérieurs.
A cet effet, l'étude ethno-historique de Fortin (1978)
sur la pharmacopée traditionnelle des Iroquois nous montre que la
connaissance des propriétés thérapeutiques des plantes et
autres éléments de la pharmacopée était largement
répandus par la tradition orale, mais certaines formules étaient
jalousement gardées à l'intérieur des familles. De ce
fait, l'auteur entend valoriser une "médecine naturelle " telle
pratiquée par les iroquois, au détriment d'une médecine de
type scientifique à la mode et non accessible à l'ensemble du
peuple parce que devenue avec le temps trop exotérique. Ainsi, il
manifeste une certaine curiosité à l'égard de ces
remèdes naturels qui se révèlent fort efficaces comme
vulnérables à ses yeux. En présence du contenu de cette
pharmacopée traditionnelle, Fortin ne peut éviter de remarquer le
caractère polyvalent de ces éléments thérapeutiques
et les multiples formules pour traiter la même maladie. Il se rend compte
alors que dans la pratique de leur art, les guérisseurs Iroquois
"bricolent " avec les produits naturels de leur environnement. Il en vient
à la conclusion que, pour pouvoir comprendre que telle ou telle plante
est mise en relation dans ce système, il faudrait en premier lieu
connaitre les croyances internes liées à la maladie.
L'auteur conclut en disant que toutes les variations sont
permises dans l'ordre de succession du choix des lieux ou des praticiens.
Aussi, il soutient que la médecine occidentale a rencontré la
médecine Rukuba et s'est insérée dans les termes de cette
dernière, le résultat de cette infiltration et ces interrelations
avec le système traditionnel étant la vraie ethnomédecine
Rukuba.
Dans la même logique de la pharmacopée
traditionnelle, Genest (1978) dans son" essaie de synthèse sur
l'introduction à l'ethnomédecine" aborde plusieurs points
allant de l'anthropologie médicale à l'ethnomédecine qui
constitue un indice de ce qu'on entend couvrir le social et le médical
(physique et psychique). Pour lui, l'ethnomédecine a un contenu qui peut
se diviser de la manière suivante : croyance médicale, les
traitements, les thérapeutes, les descriptions des maladies et les
contextes dans lesquels ils apparaissent. Partant de là, l'auteur
précise maintenant que la définition de l'ethnomédecine
n'entend pas uniquement les pratiques et les croyances autrefois taxées
de primitives mais tout comportement relatif à la maladie et son
traitement. De ce fait, il affirme : « le système de croyance est
un tout qui a sa logique propre selon chaque société et qu'il
conditionne l'ensemble des comportements en matière médicale
comme ailleurs (1978: 13) ». Il constate qu'il y a les "empiristes" (le
plus souvent, pharmaciens, médecins ou chimistes) qui trouvent la
confirmation de l'efficacité des médecines non occidentales
spécialement dans la phytothérapie. Les "symbolistes" qui
insistent sur le rituel thérapeutique et ses effets curatifs par des
manipulations reliées à la connaissance du psychique et du social
des patients.
Sur le point relatif aux traitements et aux
thérapeutes, l'auteur souligne que, d'une part, les traitements
constituent des informations "palpables" sur un système médical,
et d'autre part, ces actes visent l'expression de la guérison du malade
et l'importance de ce but entraine la réduction des comportements
à cette seule dimension. Pour lui, toute la discussion autour de deux
pôles "empiristes" et "symbolistes" et sur l'efficacité des
pratiques médicalisées en dehors du schéma dominant de la
tradition savante occidentale prend appui sur le traitement. A partir de cette
remarque, il affirme que les traitements varient en moindre nombre que ces
croyances dans le domaine médical. Par ailleurs, dans son analyse sur
les thérapeutes, Genest stipule que de la même façon que
les croyances médicales et les traitements varient selon les contextes
socioculturels, de même ce qui caractérise lesthérapeutes
en tant qu'individus, leur comportements, leur formation change selon les
systèmes. Dans la description des maladies liées aux contextes
sociaux, il s'appuie sur Fabrega pour dire que « l'information extraite de
la manifestation d'une affection reflète le fonctionnement du
système médical d'un groupe et elle conditionne également
le type de problèmes qui apparaissent dans ce système (Genest
1978: 21)».
Kalis (1997) par contre, dans le contexte
sénégalais analyse la médecine traditionnelle dans la
globalité du fait social afin d'appréhender les formes et le sens
que revêtent la maladie et le malheur, de comprendre les
stratégies thérapeutiques utilisées par une population
donnée. Pour lui, la médecine traditionnelle des Sereer se situe
au point de convergence d'un double jeu de forces. D'un côté,
celles des destructions qui animent l'agresseur (l'Homme, ancêtre,
génie) et de l'autre, celles de régénération mise
en oeuvre par le guérisseur qui opère par la médiation de
l'ancêtre. Par ailleurs, il stipule que le système de
représentation des pathologies et des pratiques thérapeutiques a
pour objet de préserver l'ordre social du fait que la médecine
traditionnelle est "un art des usages sociaux de la maladie". Il en vient
à la conclusion selon laquelle : « la médecine
traditionnelle ne morcèle pas l'homme mais l'envisage dans sa
globalité dans un environnement humain matériel et spirituel avec
lequel il entretient une communication étroite (Kalis 1997 : 17)
».
Percevant le rôle croissant de cette pharmacopée
traditionnelle dans la vie sociale, Kerharo et Bouquet (1950) partent du
principe que la société dans leurs pays d'étude
(Côte d'Ivoire et Haute Volta) est encore dans l'ensemble au stade
familial ou tribal ; des hommes, des sorciers, des féticheurs imposant
aux individus des règles de vie basées sur la crainte du divin. A
partir de ce principe la vie, la maladie, la mort, le bonheur, le malheur ne
seront que le reflet des actes humains vis-à-vis des forces diverses.
Les croyances sur la maladie et la mort ne peuvent se comprendre qu'en faisant
abstraction des connaissances empiriques des croyances religieuses car les
origines "surnaturelles" ou "naturelles" des maladies sont définies
suivant la polyvalence de leurs manifestations. La classification est de ce
fait une classification anatomique élémentaire. En outre, ils
affirment que le "Primumvivere" des anciens contiennent en puissance la somme
des connaissances indispensables aux primitifs pour subsister au milieu des
épreuves de la vie. Et à ce titre, ils soulignent que chez tous
les peuples, la médecine, fille de la maladie est une science aussi
nécessaire à l'humanité que celle de l'alimentation. Pour
ce faire, les auteurs réfutent la pensée de Lafitte selon
laquelle : c'est une sorte d'instinct raffiné qui aurait dirigé,
voire même poussé le malade vers telles ou telles plantes
convenant à son état. En réponse, ils affirment qu'il y a
lieu de reconnaitre sous des apparences souvent grossières quelque fois
même trompeuses, un véritable art de guérir dont
l'exécutant est "le médecin" et l'instrument la
"pharmacopée". Une pharmacopée riche et nuancée, dont la
connaissance sans "Vade cum" formulaire ou codex, se transmet de
génération en génération chez les
féticheurs, les guérisseurs, les sorciers, par l'enseignement
pratique des maîtres et la tradition orale. Pour conclure, ils donnent
les propriétés thérapeutiques de certaines plantes comme
Khaya Senegalensis, Parkia biglobosa, Adansonia digitata..., en
stipulant que la tradition à simplement enseigné la connaissance
des maladies -pathologie externe, pathologie interne et celles des
espèces végétaux propre à assurer la
guérison. Le tout étroitement mêlé aux superstitions
et aux fétichismes.
L'approche de Korbéogo (2011) dans « Les
stratégies socioculturelles de conservation de la biodiversité au
Burkina Faso » éclaire aussi les usages sociaux des
éléments de nature. En effet, l'auteur part du constat qu'au
Burkina Faso les modalités d'usage et de conservation de la
biodiversité sont intégrés dans les systèmes
culturels des communautés locales. De ce fait, il souligne que le
rapport culturel entre l'Homme et la nature s'explique par le fait que les
populations locales perçoivent l'environnement comme le créateur
de Dieu et le lieu de refuge des forces invisibles (génies, esprit des
ancêtres) Et généralement les pratiques rituelles et les
interdits liés aux plantes sont enseignés aux hommes et aux
femmes au cours du processus d'éducation. L'apprentissage de ces
connaissances se réalise surtout à l'occasion des travaux
champêtres, de la chasse ou de la collecte des ressources
végétales pendant lequel les aînés apprennent aux
cadets les parties de plantes (les racines, le bois les feuille et les fruits)
qui sont l'objet de tabou. En outre, l'auteur nous fait remarquer qu'au sein de
chaque groupe ethnique, il existe des contes, des mythes et des légendes
populaires qui contribuent à la diffusion et à la
perpétuation des connaissances liées à l'environnement. Il
poursuit en disant que toutefois, même si la connaissance, les valeurs et
les objectifs liés à l'environnement varient selon les groupes
sociaux, la fonction principale des interdits et des tabous est de
réglementer l'accès aux ressources naturelles et de
protéger l'environnement.
En résumé, l'explication de repose sur les
stratégies traditionnelles de conservation. Ce sont bien les
règles coutumières qui codifient l'accès et l'utilisation
des ressources végétales au sein des communautés locales.
Et les règles locales de classification distinguent deux
catégories de plantes : les plantes comestibles ou ordinaires dont
l'usage est libre et les plantes totémiques sacrées dont
l'utilisation ordinaire est proscrite par les totems. Cependant, il note que
dans les croyances locales, le non-respect des normes sacrificielles et des
totems relatifs aux plantes sacrées expose les contrevenants ou leur
descendance à des maladies ou lamort. Il ajoute que toutefois,
l'utilisation des plantes sacrées est spécialement
autorisée pour les rites et les funérailles. Ainsi, pour les
communautés locales, les représentations et l'usage de
l'environnement sont donc structurés par une relation opératoire
qui combine l'utilité socio-économique et l'utilité
symbolique des ressources végétales. Pour ce faire, la production
des stratégies socioculturelles telle que les interdits par les
traditions locales a alors pour objectif de protéger les espèces
qui ont une grande utilité économique et culturelle pour les
ménages.
L'auteur conclut en disant que les paysages du Burkina Faso
sont peuplés de nombreuses ressources naturelles dont l'accès est
régi par les systèmes de valeurs culturelles locaux. La
domestication de ces ressources naturelles passe par la communication entre les
usagers et les forces magiques qui les protègent. Par conséquent,
Korbéogo souligne que, toute violation des principes totémiques
induit, selon l'imaginaire social, la manifestation des malheurs causés
par la colère des ancêtres et des génies protecteurs de la
brousse. De ce fait, les interdits liés aux usages des plantes jouent
une fonction idéologique en ce sens qu'ils sont censés contribuer
au maintien de l'ordre cosmique des communautés locales. Il nous fait
constater également, que le nombre d'espèces que les populations
locales peuvent identifier, nommer et classer est supérieur au nombre
d'espèces qu'elles utilisent dans l'alimentation, l'élevage, les
soins de santé et les rites. Et pour lui, ce n'est donc pas
exclusivement les intérêts économiques qui guident
l'attention et la connaissance des populations sur leur environnement. Mais de
façon générale, il convient de retenir que toutes les
espèces de la brousse sont utiles mais les possibilités de leur
utilisation dépendent des savoirs et des capacités de
domestication des communautés paysannes locales. Ainsi, l'approche de
Korbéogo qui s'organise autour d'une préoccupation centrale,
l'étude des stratégies socioculturelles de conservation de la
biodiversité est donc très proche de ce travail et en inspirera
le cadre théorique.
L'analyse de Lavergne et Vera (1989) est orientée vers
la pharmacopée traditionnelle de l'Ile de la Réunion. En effet,
ils soulignent qu'il existe dans ce pays un paradoxe dans la mesure où
on trouve partout, même dans les endroits les plus reculés une ou
plusieurs pharmacies. Et partout une grande partie de la population se soigne
à l'aide de plantes et les "tisaneurs" sont encore nombreux. Selon eux,
pour mieux appréhender l'importance de la pharmacopée
traditionnelle et ses racines, il faut exposer tous les éléments
qui participent à cette médecine populaire originale. De plus,
leur étude a permis de découvrir les "tisaneurs" qui
préparent des mélanges de plantes cueillies dans la forêt
environnante, dans lesmontagnes, et qui ont reçu leur don d'un vieux
"tisaneur". Ce savoir est transmis oralement de génération en
génération et entaché de superstitions et de sorcellerie.
En outre, ils montrent qu'à côté de ces "tisaneurs" un peu
sorciers, il y a des hommes et des femmes qui ressemblent plus à des
simples herboristes qui cueillent et vendent leurs plantes.
Dans une perspective voisine, Guinko (1977) nous donne une
réflexion théorique sur l'utilisation des plantes naturelles pour
les affections fréquemment rencontrées comme la diarrhée,
la dysenterie infantile, la jaunisse, le paludisme chez les Bissa du Burkina
Faso. Il constate que bien avant la période coloniale, les Bissa
connaissaient parfaitement leur maladie et savaient composer les remèdes
végétaux pour se soigner. De plus, il fait remarquer qu'avec le
coût de plus en plus excessif des médicaments modernes
importés, les gens se tournent progressivement vers cette
phytothérapie traditionnelle qui dans certains cas de maladies, donne
des résultats satisfaisants. Pour lui, toutes espèces
végétales qui entrent dans cette phytothérapie
traditionnelle portent en Bissa un nom propre qui subit des variations suivant
les localités. A partir de cet état de fait, il distingue deux
formes de la médecine traditionnelle en pays bissa, à savoir :
La forme populaire qui intéresse les maladies les plus
courantes et qui est pratiquée par tous les adultes et surtout les
femmes mères. Aucun secret n'entoure les préparations
médicinales utilisées et on obtient facilement les informations
sur les plantes utilisées contre ces maladies courantes.
La deuxième forme secrète qui intéresse
les grandes maladies rares et qui est pratiquée par des
guérisseurs professionnels ou médecins traditionnels
spécialisés. Il remarque que ces guérisseurs gardent
très secrètement les enseignements sur les plantes
utilisées contre ces maladies dangereuses et seuls les enfants reconnus
comme enfants des vieux (enfants disposés à servir les vieux
à tout moment) peuvent obtenir ces renseignements de leurs parents
guérisseurs
S'inscrivant dans un contexte plus large de la
phytothérapie traditionnelle, Dim Dolobsom (1934) dans son ouvrage
Les secrets des sorciers noirs, montre comment on soigne les maladies
dans nos sociétés ainsi que la vertu des plantes. Il part du
principe qu'aujourd'hui, malgré que bien de maladies soient combattues
avec succès par la découverte scientifique, il peut apparaitre
paradoxal de décrire les procédés "primitifs" qu'utilisent
les indigènes pour soigner leurs maux : ils les traitent par les
plantes, dit-il. Et dans certains cas, l'efficacité de ces plantes est
incontestable. En effet, il fait savoir que bon nombre de personnes ont
été préservées de la fièvre jaune
grâce à l'emploi constant soit de tisane, soit en infusant pour
bain, de la plante connu sous le nom « sompiga » en moore et
de « benguefira » ou « benfuegala » en
bambara et en wolof. La fièvre paludéenne combattue grâce
à un usage constant de la quinine, de l'aspirine ou des piqûres ne
résiste pas non plus à quelques infusions de plantes
bienfaisantes de la brousse. Mais, l'auteur ajoute, qu'il faut faire
abstraction de toute la magie qui accompagne la coupe des écorces ou
l'extraction des racines qui, à son avis, n'est qu'un moyen
employé par les féticheurs pour exploiter la
crédulité de l'indigène. De plus, il reproche
également aux herboristes indigènes de ne pas savoir limiter la
dose à chaque cas particulier. Il en vient à la conclusion selon
laquelle, la société est organisée de manière
à lutter de son mieux contre l'hostilité de l'ambiance et elle
exploite les moindres possibilités de la nature dans sa contexture
serrée. De ce fait, l'individu n'est point abandonné au hasard ;
il appartient à un clan hiérarchisé dans lequel il
obéit à la coutume mis en place par ses aïeux pour s'adapter
aux lutes et aux nécessités de la brousse, comprendre ses
exigences, prévoir et éviter l'évènement
fortuit.
L'article de Durkheim et Mauss (1903) nous fait voir une
diversité de systèmes de classifications existant dans les
sociétés "primitives" (par phratries et par classe matrimoniale).
En effet, ils partent de l'hypothèse selon laquelle les idées ne
se regroupent pas seulement d'après leurs affinités naturelles,
mais aussi suivant les rapports qu'elles soutiennent avec les mouvements pour
dire que la classification n'est pas seulement un produit de l'activité
individuelle si l'on tient compte de la manière dont nous l'entendons et
la pratiquons. De ce fait, ils conçoivent que classer les choses, c'est
les ranger en groupes distincts les uns les autres, séparés par
des lignes de démarcation nettement déterminées. Pour eux,
l'importance de cette classification est telle qu'elle s'étend à
tous les faits de la vie et il y a d'innombrables sociétés
où c'est dans le conte étiologique que réside toute
l'histoire naturelle, dans les métamorphoses, toute la
spéculation sur les espèces végétales et animales
dans les cycles divinatoires, les cercles et carrés magiques toute la
prévision scientifique. En outre, au-delà de ces systèmes
de classification les plus humbles (par phratries et par classe matrimoniale),
Durkheim et Mauss montrent également un autre système de
classification, plus complexe et peut être plus caractéristique
qui est celui où les choses sont réparties non plus par phratries
et par classe matrimoniale, mais par phratries et par clans ou totems. Ils
soulignent d'abord que ces relations sont conçues sous la forme de
relation de parenté plus ou moins prochaine par rapport à
l'individu. Par ailleurs, ces auteurs ont noté que des changements sont
survenus dans la structure sociale et qui ont altérés
l'économie de cessystèmes sans pour autant la rendre
méconnaissable. Ces changements sont en partie dus à ces
classifications elles-mêmes, car caractérisées par des
idées qui y sont organisées sur un modèle qui est fourni
par la société. De ce fait, la classification est reliée
à l'ensemble du système par le fait que chacun des
éléments est localisé dans une division fondamentale. Et
elle a pour objet non pas la facilité de l'action mais de rendre
intelligible les relations qui existent entre les êtres étant
donné que certains concepts, considérés comme
fondamentaux, l'esprit éprouve le besoin d'y rattacher les notions qu'il
se fait des autres choses. Ce qui les a permis de mieux préciser en quoi
consiste cet anthropocentrisme qu'ils appelleraient mieux du sociocentrisme.
Pour eux, le centre des premiers de la nature, n'est pas l'individu mais la
société dans la mesure où c'est elle qui s'objective et
non l'individu. Et c'est en vertu de la même disposition mentale que tant
de peuples ont placé le centre du monde « Le nombril de la terre
» dans leur capitale politique ou religieuse. C'est-à-dire
là où se trouve le centre de leur vie morale.
De même encore, mais dans un autre ordre d'idées
qu'ils constatent que la créatrice de l'univers et de tout ce qui s'y
trouve a d'abord été conçue comme l'ancêtre
mythique, générateur de la société (ce qui est
compréhensible pour les romains et même pour les Zuns, l'est moins
pour les habitants de l'île de pâques ; mais l'idée est
parfaitement partout naturelle). De façon synthétique, Durkheim
et Mauss stipulent que la pression exercée par le groupe social sur
chacun de ses membres ne permet pas aux individus de juger en liberté
les notions que la société a élaborées
elle-même et où elle a mis quelque chose de sa
personnalité. De pareilles constructions sont sacrées pour les
particuliers. Ils en arrivent à la conclusion que c'est le cadre
même de toute classification qui est un ensemble d'habitudes mentales en
vertu desquelles nous nous représentons les êtres et les faits
sous la forme de groupes coordonnés et subordonnés les uns les
autres. Même des idées aussi abstraites que celles de temps et de
l'espace sont à chaque moment de leur histoire, en rapport étroit
avec l'organisation sociale correspondante. Cet article, dans la
compréhension de notre problématique, s'inscrit dans une
perspective de catégorisation, de regroupement des espèces en
fonction des deux pathologies retenues dans le cadre de notre travail ; en
fonction des parties (feuilles, tige, racine, écorces...).
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