Nous n'entendons pas faire une étude
détaillée des effets structurants des transports qui peuvent en
eux même faire l'objet d'un sujet d'étude ou de recherche. Notre
objectif ici est de parler d'une quelconque relation présupposée
entre l'amélioration de l'accessibilité urbaine et le
développement socio économique et spatial. Mais qu'est-ce qu'il
faut comprendre par effet structurant ?
Par effet structurant, il faut entendre toute modification du
comportement des agents économiques et des ménages et tous
changements des structures socio-économiques qui en résultent
à la suite de la mise en service d'une nouvelle infrastructure de
transport12. En fait
12 Véronique Fourault, Les concepts de la
Géo humaine, « la géographie des transports », G. Pini,
pp175-185,
www.
pweb.ens-Ish.fr/omilhaud/geo
transports.doc
28
l'idée ici est l'existence d'un impact, d'une relation
mécanique, automatique, d'une relation de cause à effet entre le
transport et le développement régional en général.
De ce fait l'amélioration de l'accessibilité engendrerait le
développement économique. Donc si un lieu, une région, ou
une ville n'est pas développés cela tient tout simplement de leur
mauvaise accessibilité. Cela reviendrait également à dire
qu'un investissement dans les transports, matérialisé par la
construction d'une infrastructure des transports orienterait la distribution
spatiale des hommes et des activités. Partant de cette idée, une
amélioration sensible de l'accessibilité urbaine qui est notre
cas d'étude, d'un quartier périphérique, par la
construction d'une route qui le desserve, entrainerait non seulement le
développement économique de ce quartier par le regroupement des
activités, des industries, et des commerces, mais aussi l'augmentation
des valeurs foncières et une diffusion démographique
importante.
Mais pour beaucoup d'auteurs, les transports ne sont qu'une
condition nécessaire mais pas suffisante pour orienter le
développement. Ainsi, QUINET (1992), SAVY (1994) évoquent les
transports comme une opportunité à saisir. Et soulignent que si
l'absence d'infrastructures est difficilement surmontable, les
conséquences de leur présence doivent être
provoquées.
Pour PLASSARD (2003), les infrastructures des transports ont
pour premier but de faciliter la circulation, mais elles transforment aussi
l'ensemble du territoire en modifiant les facilités d'accès
à certaines régions, et en favorisant les migrations des
activités et des hommes Mais temporise en disant qu'on en «est
pas à mesure encore aujourd'hui d'apporter des réponses
définitives à la question des effets structurants des transports
».
Bien souvent, le transport est considéré comme
étant un levier de changement économique et social. Cette
représentation du transport recouvre deux idées distinctes : que
la qualité de l'offre modifie les comportements des acteurs en
matière de choix modal et que la qualité de
l'accessibilité est synonyme de développement économique
(Vincent KAUFMANN & July BARBEY, 2004). Pourtant, bien des analyses
montrent les limites de cette approche du transport. D'une part les
stratégies de développement d'offres des transports publics n'ont
que peu d'impacts sur les répartitions modales, que ce soit pour les
déplacements urbains ou interurbains de voyageurs ou en matière
de trafic combiné (le trafic TGV, qui n'a que très
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peu d'impact sur le trafic routier (KLEIN 2001). D'autre part
de nombreuses études limitent la portée d'une telle
théorie.
De nombreuses études empiriques mettent en doutes la
réalité d'une causalité linéaire entre le
développement d'une offre nouvelle des transports et des transformations
spatiales, économiques ou sociales. Dans ses études sur les
effets structurants des transports, Jean
Marc OFNER (1993) a commencé d'abord par
définir impact et effet : effet : ce qui est
produit par une cause ;
impact : effet d'une action forte, brutale. Ainsi donc pour lui les notions
d'effet et d'impact font bien référence à une vision
déterministe des rapports entre réseaux de transport et
structures urbaines. Alors que l'on ne peut parler d'une relation de cause
à effet puisqu'une infrastructure de transport n'apporte pas
forcément bonheur et prospérité pour les zones qu'elle
traverse. Pour soutenir ses dires, OFNER en donne un exemple : une commune de
la banlieue parisienne, Montreuil, desservie par le métro dès
1937, a été comparée dans l'évolution de ses
variables sociodémographiques et urbanistiques à des communes
semblables mais atteintes quelques décennies plus tard par le
réseau. Aucune différence n'a pu être mise en
évidence. Aussi sur près de deux cents ans, des
corrélations ont été recherchées entre l'existence
d'une desserte ferroviaire et la croissance économique des petites
villes françaises de 5 000 à 20 000 habitants. Aucune
interdépendance n'a été détectée.
Nous pensons qu'une offre nouvelle de transport peut stimuler
la croissance socio économique et spatiale. Mais cela va dépendre
de beaucoup de facteurs tels que les caractéristiques propres de la
région desservie, le comportement des agents économiques et des
acteurs politiques. De ce fait nous nous alignons avec OFNER pour dire que Les
infrastructures de transport n'ont pas d'effets automatiques, car les
transformations auxquelles leur mise en service peut donner lieu
dépendent largement des stratégies des acteurs locaux, qu'il
s'agisse des acteurs économiques ou qu'ils s'agissent des acteurs
politiques. Les infrastructures de transport apparaissent ainsi de plus en plus
comme une opportunité de mettre en place des nouvelles stratégies
économiques reposant sur les avantages nouveaux procurés par
l'infrastructure, en termes d'accessibilité ou de coût de
transport.