I.4 - Perception et vision locale du
marché21
En Afrique en général et au Gabon en
particulier, la vie communautaire a longtemps été construite sur
des échanges. Dans la mesure où l'individu a des besoins qu'il ne
peut, à lui seul satisfaire. C'est pourquoi, bien qu'étant de
prime abord et par définition un espace dédié au commerce
et aux échanges, le marché de Mont-Bouët est aussi
perçu par la population librevilloise comme :
I.4.1 - Un espace de socialisation et un cadre de
convivialité
Le marché de Mont-Bouët est par excellence le plus
grand lieu de rassemblement pour les populations librevilloise. C'est un lieu
ouvert à tous, il vise à briser la solitude, signe d'une
asociabilité, et donne à chaque individu la possibilité de
nouer des contacts les plus divers avec les autres membres de la
communauté. Il est un espace de communication intense où chacun
peut assumer, au contact des autres, la plénitude de son
humanité. Nous pouvons donc conclure que le marché, c'est le
monde, dans la mesure où ce dernier est vivant.
C'est le lieu où l'on vient parce que tout le monde
voit tout le monde. De par son organisation spatiale, le marché prend en
compte la représentativité de toutes les cultures parce qu'il est
un bien commun et nous attestons par notre présence au marché
notre existence. On peut aller au marché sans avoir quoique ce soit
à acheter ou à vendre. On y va pour parler aux autres, pour
échanger. Une des premières denrées ou marchandise du
marché est la parole. Cette parole qui crée, conforte dans sa
situation sociale, crée la de chaleur humaine et donne envie
d'être avec les autres, donne envie de vivre. A travers le marché
on teste son existence sociale.
La présence physique, massive, constitue le premier
point de la socialisation parce qu'il est évident qu'en tant
qu'êtres humains, ces personnes ne peuvent se retrouver sans communiquer.
C'est le lieu pour tous et il n'y a pas d'exclusion.
29
21 J-P. Guingane : Conférence débat
« Le marché africain comme espace de communication »,
Place et
fonction socioculturelle du marché africain, Montpellier,
mai 2001
30
I.4.2 - le marché est symbole de puissance et de
prospérité
du pays.
La capacité de mobilisation du marché traduit la
puissance des autorités locales et la prospérité de la
région voire même du pays. Le marché n'attire que s'il est
"bien géré" et si les gens y trouvent la sécurité
pour eux-mêmes et leurs biens. Cela signifie que derrière chaque
marché il y a une autorité dont la puissance est proportionnelle
souvent à la taille du marché. Souvent, cependant, la
notoriété du marché peut dépasser celle du pouvoir
local et même favoriser celui-ci.
Le marché est aussi symbole de prospérité
puisqu'il est l'indice économique local le plus visible. Le nombre et la
qualité du public qui le fréquente traduisent la
variété et la qualité des produits mis en vente, mais
signifie aussi le plaisir qu'on y prend.
Le marché est une des plus vieilles institutions de la
société africaine et la fonction économique est la
première et bien sûr la plus visible, dans la mesure où on
va au marché se procurer les choses dont on a besoin. C'est le lieu par
excellence de la circulation et de la consommation des produits. Toutefois,
dans la société traditionnelle, cette consommation est souvent
réglementée par la morale sociale. Pour les populations qui s'y
rendent le marché n'est rien d'autre que la mise en pratique des valeurs
sociales, culturelles et traditionnelles de ceux qui l'organisent et des
populations qui le pratique.
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