Chapitre IV
Le marché de Mont-Bouët : un
espace à risque
Les contraintes de fonctionnements
Toutes les grandes villes africaines connaissent encore une
forte croissance démographique. Parallèlement, la situation
économique a engendré au sein des marchés le
développement du secteur informel et la multiplication des petits
métiers.
A Libreville de façon générale, et
à Mont-Bouët en particulier, ces éléments ont eu pour
conséquence l'augmentation considérable des effectifs sur le
marché existant. Toutefois, cette augmentation n'a pas été
accompagnée d'une expansion significative du nombre d'équipements
commerciaux. Ces deux facteurs conjugués sont en grande partie à
l'origine de la situation actuelle caractérisée par la
saturation, la désorganisation et l'insalubrité des
équipements existants ainsi que par l'occupation anarchique et
généralisée des emprises de la voirie par bon nombre de
vendeurs.
La situation de profondes carences techniques et sanitaires
qui prévaut sur l'ensemble du marché a deux causes essentielles :
une insuffisance d'infrastructures techniques de base (drainage, eau,
électricité) et un manque d'entretien et de services.
Sur la plupart des secteurs du marché, les
infrastructures de base font défaut, soit parce que ces derniers n'ont
jamais été construits, soit parce que, bien qu'existants, ils ne
fonctionnent pas ou sont insuffisants. Quant à l'entretien et aux
services (évacuation des déchets, nettoiement, entretien des
installations et des réseaux) en raison des difficultés tant
financières qu'organisationnelles de la part des autorités
municipales et les prestataires privés, ils sont assurés de
manière très imparfaite et, seulement, sur les quelques secteurs
organisés.
Du point de vue organisationnel, les dysfonctionnements les
plus apparents se traduisent principalement par le mélange des
activités de gros et de détail, le regroupement non fonctionnel
des produits, la présence d'activités nuisibles ou dangereuses
sur le marché (utilisation de foyers dans les activités de
restauration, blanchisserie, repassage, etc.).
![](Logiques-d-amenagement-d-un-marche-urbain-ou-construction-du-risque-environnemental-L-exemple-du76.png)
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L'ensemble de ces facteurs techniques, sanitaires et
organisationnels créent des risques graves non seulement pour les
usagers consommateurs, mais aussi pour les commerçants
eux-mêmes.
Certains dysfonctionnements sont moins connus et demandent
à être soulignés. On mentionnera, en particulier, le cercle
vicieux qui s'est instauré à cause de la concurrence des vendeurs
à la sauvette qui s'agglutinent autour du marché : la
prolifération de ces vendeurs qui, pour la plupart, ne paient pas de
droits de place, finit par entraver l'accès de celui-ci aux usagers
consommateurs. Cette situation incite alors les commerçants du
marché, qui eux paient des droits, à en sortir à leur tour
pour tenter de maintenir leur chiffre d'affaires.
IV.1 - Un espace exigu et enclavé
Si le Marché de Mont-Bouët est le plus grand de
Libreville, il n'en reste pas moins qu'il est aussi l'endroit de forte
concentration humaine. Par rapport à la concentration de la population
commerçante, les femmes sont les plus nombreuses de telle manière
qu'elles sont les premières à subir les conséquences d'une
telle surpopulation. Elles bénéficient moins des structures et
doivent affronter quotidiennement plusieurs difficultés à la fois
trouver une place, s'abriter des intempéries, des vols et surtout du
phénomène de délinquance.
IV.1.1 - Les défauts de conception, les carences des
infrastructures de base et les dysfonctionnements
Le marché, qui a été construit dans les
années 1970 par les pouvoirs publics, présente à ce jour
de nombreux défauts de conception. Ce tant par manque de concertation
avec les usagers commerçants que par une insuffisante connaissance du
fonctionnement des circuits d'approvisionnement et de distribution alimentaires
en milieu urbain. On note ainsi la présence d'installations non
fonctionnelles ou encore détournée de leur but premier, la non
prise en compte lors de la construction du marché de zones de
débarquement et de déchargement nécessaires à
l'approvisionnement des commerçants, ce qui conduit à
l'encombrement des abords du marché et souvent du quartier tout
entier44.
Les infrastructures de base (eau, électricité et
réseaux de drainage) font largement défaut ou ne fonctionnent que
très imparfaitement. L'entretien du marché et les services
44 A. Gnammon- Adiko, « Les femmes, la
restauration rapide et l'aménagement de la ville d'Abidjan »,
Food, nutrition and agriculture, no17-18, pp. 14-20
(18 réf.), 1996.
![](Logiques-d-amenagement-d-un-marche-urbain-ou-construction-du-risque-environnemental-L-exemple-du77.png)
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sont bien plus que défaillants. En somme, le
fonctionnement actuel du marché de Mont-Bouët est loin de pouvoir
garantir l'hygiène et la salubrité nécessaires à la
vente de produits destinés à la consommation ainsi que la
sécurité des ses nombreux usagers.
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