II. AGRICULTURE
II.1. Une agriculture qui s'étend progressivement
sur la forêt.
L'agriculture qui est pratiquée dans l'interzone est
une agriculture de type traditionnel. Elle n'utilise ni les engrais ni les
fongicides à cause de la fertilité naturelle du sol. Dans
l'interzone, on rencontre de nombreux champs avec des cultures
saisonnières et également des champs avec des cultures
pérennes. Ces différents champs sont concentrés autour des
zones habités. Dans les différentes localités
enquêtées, les surfaces agricoles sont en extension. Le nombre de
champs par ménage et par an reste à peu près constant,
mais leurs propriétaires
90
augmentent la superficie de leurs champs. Les cultures
saisonnières développées dans la zone constituent la
principale source de subsistance de ces populations. Au début de chaque
grande saison de pluie, chaque ménage crée en moyenne deux champs
: un champ de culture unique (exemple : le champ de type arachide) et un champ
avec les cultures associées.
Dans la zone d'étude, le nombre de champs à
créer par an varie en fonction de plusieurs paramètres. Nous
pouvons citer entre autres : la profession principale, le statut matrimonial et
l'âge. Le nombre de champs créés par ménage et par
an se résume dans le tableau ci-dessus :
Tableau N°14 : Nombre de nouveaux champs
créés par ménage par an dans l'interzone.
Nombre de champ Localité
|
Zéro
|
Un
|
Deux
|
Plus de deux
|
Messok
|
10
|
17
|
18
|
2
|
Ngoyla
|
13
|
13
|
12
|
1
|
Nkondong2
|
0
|
0
|
3
|
0
|
Zoulabot1
|
1
|
3
|
7
|
1
|
Nkondong1
|
0
|
1
|
4
|
1
|
Djadom
|
1
|
3
|
2
|
0
|
Etékessang
|
0
|
3
|
8
|
2
|
Zoulabot2
|
0
|
5
|
5
|
0
|
Bareko
|
0
|
1
|
0
|
0
|
Totaux
|
25
|
46
|
59
|
7
|
|
Source : Enquête de terrain, 2011
Ce tableau nous présente le nombre de champ que notre
population crée par an. On constate que 18 % de la population
enquêtée soit 25 personnes sur 137 ne créent pas de
nouveaux champs. Ils cultivent uniquement les anciennes parcelles. Ce sont
généralement les personnes âgées qui disent qu'ils
n'ont plus assez de force pour cultiver et ceux qui ne cultivent que le jardin
de case. D'après ce tableau, 46 personnes soit 34 % de la population
enquêtée affirment qu'elles créent un nouveau champ chaque
année. Ces nouveaux champs sont sollicités à cause de la
fertilité dont exigent les cultures comme le plantain et le concombre.
Ceux qui créent deux champs par an représentent quant à
eux 43 % soit 59 personnes. Ici, on retrouve ceux qui ont cultivé une
ancienne jachère et également ceux qui défrichent la
forêt primaire. Ceux qui créent plus de deux champs par an sont
généralement des polygames, chacune de ses femmes a droit
à deux champs. Ils représentent 5 % de notre population
enquêtée. Ils défrichent plusieurs champs pour que chaque
femme ait le sien.
Certains agriculteurs ne créent pas de nouveaux champs
; ils étendent plutôt les parcelles. Cette pratique est plus
remarquée pour la culture du cacao. Les agriculteurs n'ont
Source : Enquête de terrain, 2011
91
pas assez de moyens pour créer une grande plantation ;
ils préfèrent augmenter la superficie de leurs champs au fil des
années. Ainsi, au bout de quelques années sa plantation aura une
grande taille mais la production ne débutera pas la même
année. Cette extension des champs de cacao est beaucoup plus l'oeuvre
des jeunes. En effet, de retour au village après un séjour dans
une localité pour des raisons scolaires, les jeunes n'ont pas de moyens
pour créer une grande plantation. Ils commencent par créer
quelques centaines de mètres carrés et les années qui
suivent, ils défrichent la forêt aux alentours de l'ancienne
plantation pour planter de nouveaux plants.
La création de nouvelles plantations et l'extension de
certaines sont la cause de l'agrandissement de la surface agricole dans
l'interzone. La surface agricole est en nette augmentation dans notre zone
d'étude. Plusieurs raisons justifient cette progression des champs sur
la forêt dans l'interzone. Nous pouvons citer entre autres : la
croissance de la population, l'espoir de vendre le surplus de la production,
l'espoir que le développement des projets industriels et
infrastructurels va entraîner une demande accrue des denrées
agricoles et entraîner aussi une amélioration dans les conditions
de transport des biens et des personnes. Les points de vue des populations
enquêtées sont différents en ce qui concerne
l'évolution de la surface agricole dans l'interzone. Certains pensent
que cette dernière augmente et d'autres qu'elle est constante. Les
points de vue des populations enquêtées sur l'évolution de
la surface agricole dans les villages de l'interzone se résument dans le
tableau suivant :
Tableau N°15 : Evolution de la surface agricole
dans l'interzone.
Evolution des champs Localité
|
Augmente
|
Constante
|
Diminue
|
Messok
|
43
|
3
|
1
|
Ngoyla
|
33
|
4
|
2
|
Nkondong2
|
2
|
1
|
0
|
Zoulabot1
|
10
|
2
|
0
|
Nkondong1
|
6
|
0
|
0
|
Djadom
|
4
|
1
|
1
|
Etékessang
|
9
|
2
|
2
|
Zoulabot2
|
9
|
0
|
1
|
Bareko
|
0
|
1
|
0
|
Totaux
|
116
|
14
|
7
|
|
92
Il ressort de ce tableau que 116 personnes soit 85 % pensent
que la surface agricole augmente dans leurs villages. Cette augmentation est
remarquée dans toutes les localités enquêtées sauf
à Bareko. Nous constatons que plus de 80 % des populations
enquêtées de chaque localité affirment que la surface
agricole est croissante. Ceux qui affirment que la surface est constante
représentent 10 % soit 14 personnes sur 137 qui font l'agriculture dans
notre échantillon. Ce sont des gens qui affirment que les champs ne sont
qu'en rotation dans les jachères et qu'ils ont trop de
difficultés en ce qui concerne la commercialisation des produits
agricoles parce que chacun a son champ. Seulement 7 personnes soit 5 % pensent
que la surface agricole diminue dans leur village. Ils affirment que
l'outillage rudimentaire et la non utilisation des engrais rendent très
difficiles les travaux agricoles. Ce sont généralement ceux qui
ont une idée pessimiste de leur localité.
L'extension de l'agriculture sur la forêt va
s'amplifier de plus en plus dans la zone. Selon notre enquête de terrain,
80 % des populations disent qu'ils devront créer de nouveaux champs dans
l'avenir. Ils disent qu'ils ont de plus en plus de bouches à nourrir et
ils espèrent qu'avec les avantages liés au projet de conservation
de la zone il y aura une amélioration des conditions de transport ce qui
leur permettra de mieux vendre. Ces nouveaux champs sont créés
dans les jachères et les forêts secondaires. Le nombre de champs
créés en forêt primaire est faible. Seulement 12 % des
populations enquêtées disent qu'elles ne veulent plus créer
des champs. Ces personnes sont constituées des gens âgées
qui disent qu'ils n'ont plus assez de force pour cultiver et ceux qui disent
qu'ils n'ont plus assez de temps (certains agents de l'Etat et les
commerçants). 10 personnes soit 7 % sont sans avis. Selon eux, seul
l'avenir déterminera les possibilités de création de
nouveaux champs.
L'augmentation de la surface agricole n'est pas le propre de
l'interzone, c'est un phénomène général dans tout
le Sud-est du Cameroun. En effet selon les projections de la SDSR
(Stratégie de développement du secteur rural) du MINADER (2006),
les superficies des cultures (cacao, café, huile de palme,
hévéa, manioc, banane plantain) des zones forestières dans
la SDSR sont en augmentation. Les superficies mises en culture étaient
de 894 000 ha en 2005, 953 000 ha en 2010 et seront de 1 072 000 ha en 2015.
Malgré ce constat de l'extension de l'agriculture sur
la forêt et de l'augmentation de la surface agricole, l'agriculture a peu
d'impacts sur la forêt. En effet les champs sont de petites dimensions en
moyenne 1 ha pour les champs vivriers et 2,5 ha pour les champs de cacao. Cette
zone a de très faibles densités humaines. L'habitat est
linéaire et les champs sont concentrés autour des zones
habitées. L'agriculture se déroule dans les agro-forêts.
Elle occupe l'espace qui a été réservé pour elle
dans les différents plans de zonage qui ont été
93
proposés pour cette zone. Par exemple dans le zonage
proposé par le MINFOF en 201119, les agro-forêts
occupent une superficie de 33 449 ,35 ha sur 912 434 ,73 ha dont possède
le massif forestier en conservation ; soit 4 % de cette forêt. C'est une
agriculture qui ne touche donc pas le Domaine Forestier Permanant (DFP). Ce
n'est que sur le tronçon Mintom-Lélé qu'on observe
l'installation des populations et la création des plantations agricoles
dans le DFP. Mais nous espérons que le plan de zonage définitif
de la zone clarifiera tous ces points lors de son élaboration.
L'espace mis en culture est donc très faible dans la
zone à cause des faibles densités des populations et de
l'enclavement de la zone qui réduit les possibilités de
commercialisation des produits agricoles. Les distances à parcourir pour
arriver au champ ne dépassent pas 3 km dans notre zone d'étude.
Ces distances varient d'une localité à l'autre. Les plus longues
distances de 2,5 à 3 km ont été enregistrées dans
les localités comme Messok et Ngoyla. Dans certains villages comme
Nkondong 1, Nkondon2, Djadom et Bareko les champs les plus
éloignés sont à moins d'un kilomètre des
maisons.
L'outillage utilisé, le système d'alternance
culture/jachère et la conservation des arbres pendant la mise en culture
des champs sont autant de facteurs qui réduisent les pressions de cette
agriculture sur la forêt. A coté de ces facteurs, les populations
de l'interzone ont un système d'organisation de leur emploi de temps qui
consiste à réduire le temps à consacrer à
l'agriculture pour développer d'autres activités comme la chasse,
le ramassage... Ces populations vivent dans un environnement riche en
ressources (terre, gibier, poisson, insectes, fruits, matériaux
végétaux, etc.) qui offre des alternatives non agricoles.
En conclusion l'agriculture s'étend progressivement
sur la forêt dans l'interzone. C'est une agriculture qui utilise un
outillage rudimentaire et elle est concentrée autour des zones
habitées. L'extension de la surface agricole sur la forêt est
lente. Ce qui nous fait dire que c'est une agriculture qui répond aux
critères de compatibilité de l'agriculture avec la
conservation.
|