Il existe plusieurs catégories de droits aussi bien
sur les terres que les ressources qui s'enchâssent: le droit de hache qui
confère le contrôle de l'espace à la première
personne qui aura débroussaillé la forêt, les droits
généalogiques à travers lesquels les premiers occupants
transmettent la propriété aux descendants, les droits productifs
(droit d'usufruit et droit de hache, droit du planteur) qui permettent aux
membres desdites communautés de vivre de leur propre travail, les droits
de succession déterminés par les principes de transmission
patrilinéaires permettant aux descendants de jouir des biens
légués par les ancêtres et le droit moderne. Ces droits
sont superposés sur les espaces et les ressources, et exercés par
des unités sociales distinctes: la famille, le lignage et le village.
Ils sont garantis par l'autorité morale des
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« aînés » (anciens) et les
différentes autorités coutumières, à savoir le chef
de famille, le chef de lignage, le chef du village avec son conseil de
notables, etc. qui interviennent pour régler les conflits et font ainsi
office de tribunal coutumier.
Le régime ci-avant schématisé est
davantage caractérisé par l'appropriation de l'espace et
justifié pour un système de production à dominante
agricole chez les Bantou. Chez les chasseurs cueilleurs dont le processus de
sédentarisation est récent, l'on a beaucoup plus affaire à
un faisceau de droits sur les ressources enchâssées dans un
réseau de liens de parenté et d'amitié.
La tenure foncière est principalement basée sur
les droits d'usage coutumiers. Le droit foncier moderne qui procède
d'une appropriation publique des terres et des espaces forestiers est peu
appliqué dans la région, sauf dans les centres villes de Messok
et de Ngoyla où il y a une forte pression de la population sur la terre.
La terre appartient à tout le monde dans la région. Chacun peut
construire et développer ses activités champêtres, de
chasse, de piégeage, de ramassage tout en respectant les limites de son
voisin.
Selon Bigombé L. (2011) la coexistence du droit
positif et de ces différents systèmes fonciers et institutions de
gestion des ressources, a inspiré le concept de « pluralisme
légal ». Mais de ce pluralisme, chaque acteur a sa perception
sur le foncier et les ressources, une situation où l'État et les
communautés ont des perceptions divergentes et tiennent des discours
différents sur la propriété des terres et des
forêts. L'État, ayant le pouvoir et les moyens, impose son
organisation de l'espace.
Les études approfondies sur la cohérence des
lois forestières avec celles des autres secteurs dont le foncier, les
mines, l'eau et l'énergie, l'agriculture et les infrastructures sont peu
développées en ce qui concerne le Cameroun méridional. Les
deux forums miniers, organisés à Yaoundé en Mai et en
Juillet 2009, ont mis en relief des conflits d'intérêts et des
chevauchements de droits et obligations qui appellent, de toute urgence, une
telle étude suivie des décisions idoines. En effet, selon Dkamela
G.P.(2011)15 on observe une incohérence entre loi
forestière et minière, notamment dans l'attribution des titres
d'exploration minière dans des parties du réseau national des
aires protégées (Parcs nationaux de Lobeke et Boumba-Bek, segment
de la TNS en passe de devenir site du patrimoine mondial.) »
Ces chevauchements remettent fondamentalement en question le
zonage du Cameroun forestier méridional adopté en 1995. C'est
pour cette raison que des travaux pour le zonage définitif de cette zone
sont en cours. Nguiffo et Nguepjouo (2009) ont énuméré des
aspects
15 Dkamela, G.P. 2011 Le contexte de la REDD+ au Cameroun :
causes, agents et institutions. Papier Occasionnel 57. CIFOR, Bogor,
Indonésie.
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des droits des titulaires des permis miniers, forestiers et des
droits des communautés qui se chevauchent.
Tableau N°8 : Chevauchement des droits forestiers
et miniers
Source : Nguiffo et Nguepjouo (2009)16
Le plan de zonage de cette zone risque de créer un
« stress foncier » important, car dans certaines localités
où les populations vivent il n'existe pas de bande
agro-forestière. De plus certains plans de zonage proposés ne
tiennent pas compte des usages et des droits des peuples autochtones. A cet
effet, Freudenthal E. et al. (2011)17 signale que « Le
projet de plan de zonage pour Ngoyla Mintom (conçu par le WWF) ne tient
pas compte de l'usage coutumier des terres par les peuples autochtones et les
communautés locales et risque ainsi d'ignorer leurs droits. Le projet
prévoit la mise en place d'une nouvelle aire protégée
(catégorie 1 de l'UICN) ainsi que de concessions forestières et
minières, lesquelles empièteraient sur les zones de ressources
utilisées traditionnellement par les peuples autochtones et
communautés locales. Ce zonage défectueux risque
d'entraîner des restrictions d'accès aux ressources naturelles qui
pourraient avoir de graves conséquences sur les moyens de subsistance
locaux.»
16 NGUIFFO, S. et
NGUEPJOUO, D. 2009 : Mines et forêts et droits : bref
aperçu des chevauchements. Communication au Forum national sur la
gestion intégrée des ressources forestières et
minières, Yaoundé, Cameroun, 16-17 juillet.
17 FREUDENTHAL E., NNAH S. ET KENRICK J., 2011
La REDD et les droits au Cameroun. In Forest Peoples Programme. 35p
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