B - Théories de référence
1 - La théorie des besoins de base de
MASLOW
La théorie des besoins de base est
développée par Abraham Maslow. Selon sa théorie sur la
motivation humaine « A Theory of Human Motivation » (1943), un besoin
nouveau supérieur n'émerge que lorsque le besoin inférieur
a été relativement satisfait. Selon Maslow, les motivations d'une
personne résultent de l'insatisfaction de certains de ses besoins. Il
existe selon lui certains besoins minimaux ou essentiels pour un mode de vie
décent. Ses travaux lui ont permis de classer les besoins humains par
ordre d'importance en cinq niveaux que l'on représente par une
pyramide.
En partant de la base pour le sommet, on a :
? Les besoins physiologiques : ceux qui permettent à
l'homme sa survie (respiration,
alimentation, soif, sommeil...)
? Les besoins de sécurité et de
propriété (protection, emploi, stabilité familiale...)
? Les besoins sociaux et les besoins d'amour et d'appartenance
? Les besoins d'estime (se sentir utile, avoir de la
valeur...)
? Les besoins de réalisation de soi (réussite,
confiance en soi)
Figure N°2 : Pyramide des besoins de
Maslow
Tant qu'un besoin n'est pas satisfait, il constitue une source
de motivation ; à partir du moment où il est satisfait, c'est le
besoin du niveau supérieur qui apparaîtra comme une nouvelle
source de motivation. Ainsi, si les besoins physiologiques comme la faim, la
soif ne
19
sont pas remplis, l'homme, individuellement ou collectivement
est prêt à mettre sa sécurité en jeu pour trouver
à manger et à boire.
Cette théorie s'avère utile dans le cadre de
notre étude. En effet, elle nous permet de déterminer si
l'absence de certaines conditions de vie plus favorables constitue un facteur
pouvant contribuer à atteindre les objectifs visés par la
conservation. Elle nous permettra également d'analyser l'attitude des
populations face à la prise en compte ou non de leurs besoins par l'Etat
et les organismes de conservation. En somme cette théorie nous sera
utile pour comprendre la logique des populations et leurs actions dans notre
zone d'étude.
2 - La tragédie des communaux de GARRETT HARDIN
(1968)
La théorie des biens communs est une théorie qui
concerne généralement les ressources naturelles qui sont soit en
accès libre soit qui appartiennent à une communauté. Cette
théorie s'appuie sur l'hypothèse centrale selon laquelle
l'absence de droits de propriété provoque la surexploitation des
ressources.
En effet selon cette approche, lorsqu'une ressource est
commune à plusieurs usagers et que son accès est ouvert à
tous8 sans possibilité d'exclusion et si les coûts de
sa dégradation sont supportés par tous tandis que les
bénéfices sont individualisés, chaque utilisateur ou
usager de cette ressource tendra à maximiser son exploitation. La
ressource serait dès lors vouée à l'épuisement.
Cette théorie a montré ses limites dans le contexte des pays en
développement. En effet, dans certaines régions la
propriété commune a survécu, les ressources ont
été le plus souvent maintenues à des niveaux acceptables
d'abondance.
Elinor Ostrom (1990) propose une gestion des ressources par
les acteurs locaux à travers des normes sociales et des arrangements
institutionnels. Ces populations locales
8 Accès à la terre :
propriété traditionnelle
Dans la région, c'est l'occupation d'un espace
donné qui confère à un individu le droit de
propriété. Celle ci se matérialise par les champs, les
plantations ou les arbres fruitiers. Il en va de même pour les produits
de ramassage, dont les lieux ou arbres de ramassage appartiennent à ceux
qui les ont découverts les premiers. Cette propriété est
transférée de manière héréditaire par les
ascendants aux descendants. En dehors de ces espaces individualisés, le
reste du patrimoine foncier traditionnel appartient à la
communauté et l'accès y est libre pour les autochtones.
Cependant, il arrive que les activités conduisent les ressortissants de
villages différents, à coloniser des terres à des
distances assez éloignées de leurs origines. Dans ce dernier cas,
les terres n'appartiennent pas aux villages, mais plutôt aux individus.
Si l'accès au foncier chez les Bantous se définit par
l'occupation effective, chez les Baka au contraire, la notion de
propriété foncière n'existe pas : l'espace forestier dans
lequel ils ont toujours évolué appartient à tous, et
chacun accède aux ressources selon ses besoins et ses
capacités. Hecketsweiler, 2001.
20
doivent trouver des règles limitant l'exploitation sur
le long terme et mettre en place des sanctions à l'égard des de
ceux qui surexploitent les ressources.
Weber et Reveret (1993) élaborent une nouvelle grille
de la réalité qui priviligie l'analyse des divers modes
d'appropriations des ressources naturelles et des processus de décision
en matière de gestion des ressources. L'originalité de leur
idée réside dans la combinaison de cinq niveaux d'un mode
d'appropriation ( les représentations de la nature, les usages des
ressources, les modalités d'accès aux ressources et de
contrôle de l'accès, la transférabilité des droits
d'accès et les règles de partage des produits issus de
l'exploitation des ressources) et du processus de décision. Cette
théorie et les différents points de vue qui ont été
apportés par les auteurs nous permettront d'étudier
l'accès aux ressources et les règles qui les régissent
dans notre zone d'étude.
3 - L'approche participative
Selon Gallard et Koné (1994)9 la
participation "est une dynamique sans cesse réactivée,
fonctionnelle et pragmatique, dans laquelle agents de développement et
populations conjuguent leurs savoirs, leurs savoir-faire et leurs
volontés dans des actions concertées de partenariat en vue
d'améliorer, de façon durable, la prise en charge et la gestion
des actions entreprises". La participation au développement est une
approche où toutes les parties prenantes sont équitablement et
activement engagées dans la formulation de politiques et de
stratégies de développement, ainsi que dans l'analyse, la
planification, la mise en oeuvre, le contrôle et l'évaluation des
activités de développement. Pour que ce processus soit plus
équitable, il faut permettre aux plus défavorisés
d'accroître leurs connaissances et de gérer eux-mêmes leurs
moyens d'existence, surtout lorsque les initiatives de développement
affectent leur vie. Gohl (1993) conçoit que la participation doit
être comprise comme un processus dans lequel la population apprend
à gagner de plus en plus d'autonomie tandis que les structures d'appui
apprennent à céder de plus en plus de pouvoir. En outre, cette
approche est vue comme un système itératif menant à un
processus continu d'harmonisation des relations entre les divers membres d'une
société, l'objectif étant d'accroître leur
influence, voire leur main-mise, sur les initiatives de développement
qui affectent leurs vies.
9 GALLARD, J. et KONE, P. 1994b. La
méthodologie de l'approche participative
21
Se situant dans la même logique, Ngoufo (2005)
cité par Mbatchou (2010) considère que la gestion des ressources
fauniques doit tenir compte de toutes les forces, externes et internes.
Nguinguiri (1998), distingue deux types d'approches
participatives :
- L'approche des alternatives économiques fondée
sur les incitations (payement des salaires, partage des revenus
générés par l'exploitation des ressources naturelles).
Cette approche encourage également la mise en place des activités
économiques qui n'entravent pas la conservation des
écosystèmes forestiers.
- L'approche des alternatives institutionnelles qui se
caractérisent par la création des ONG, des associations locales,
de petits projets avec des perspectives de mise en oeuvre des procédures
de médiation. Cette approche prend en compte les étapes suivantes
pour aboutir à des aménagements viables :
> Gérer les droits et les modes de
propriété ;
> Concilier les contraintes d'échelle : du local
à l'international ;
> Adapter les processus d'évolution aux acteurs ;
> Utiliser des procédures économiquement viables
pour tous ;
> Communiquer, éduquer et accompagner les changements
;
> Soutenir les modalités participatives.
L'UNESCO, bien que n'étant pas directement
impliqué dans le secteur de la conservation, a été le
premier à se soucier du lien entre la conservation et le
développement des populations locales à travers son projet MAB
(Man And the Biosphere). Plusieurs organismes (WWF, UICN, PNUE...) vont
également exprimer la nécessité de prise en compte de tous
les facteurs sociaux dans le programme de conservation. La participation,
à la différence de la conservation exclusive classique, exige la
prise en compte des divers acteurs, des différents objectifs de la
conservation, et la nécessité de faire bénéficier
davantage les communautés locales des revenus issus des aires
protégées. Sur le terrain, la participation des populations
à la gestion des ressources naturelles sera mise en oeuvre à
l'aide de divers outils. Nous retiendrons dans le cadre de cette recherche deux
outils ; notamment l'approche « zone tampon » et MAB, et les projets
intégrés de conservation et développement (PICD).
3 - 1 L'approche « zone tampon » et
MAB
22
L'ouverture de la conservation vers le développement a
été effectuée par l'UNESCO, qui propose en 1974 dans le
cadre du programme « Man and the Biosphere » (MAB) le concept de
réserve de biosphère, dont l'objectif est de réconcilier
la protection de la nature et la satisfaction des besoins humains et d'appuyer
le tout sur la coopération scientifique internationale. Afin d'associer
ces diverses fonctions, il est mis en place un système de zonage qui
comprend une ou plusieurs zones centrales, où l'action humaine est
minimale, une zone concentrique qui sert de tampon et accueille davantage
d'activités humaines telles que la formation, l'éducation
à l'environnement ou certaines activités de tourisme et de
loisirs. Enfin, la zone extérieure sert de lien avec le reste de la
région où est sise la réserve et sert d'emplacement aux
activités de développement, aux établissements humains ou
à l'agriculture. Nous pouvons donc dire que les réserves de
biosphère réconcilient la conservation et le développement
en les séparant spatialement grâce au système de zonage
mentionné.
3 - 2 Les Programmes Intégrés de
Conservation et Développement
(PICD)
C'est une démarche qui tente de réconcilier la
conservation et le développement, comme le souligne S. Worah : «
an approach that aims to meet social development priorities and
conservation goals »10, cité par
Bénédicte Kippes (2007), bien que leur but premier demeure la
conservation de la biodiversité. Les PICD se présentent comme une
alternative acceptable de gestion des aires protégées. Toujours
signe de la notion de pression de la population sur la biodiversité,
l'approche PICD a pour objectif de la réduire en offrant des moyens de
subsistance (« livelihoods ») diversifiés qui permettent de
diminuer la dépendance des populations par rapport aux ressources
naturelles et sauvages. Cette approche permet de développer des projets,
dépendant généralement de fonds provenant de sources
extérieures, et initiés aussi bien par des agences de
coopérations gouvernementales, des ministères, des ONG locales,
nationales ou internationales que par des organisations comme la Banque
Mondiale.
Les PICD ont le mérite de faire admettre la
nécessité d'une gestion sociale de la nature, ils nous
permettront de voir, à travers le tableau de synthèse sur
l'évolution des approches PICD, si les activités des populations
dans l'interzone siéent aux objectifs de la conservation.
10 S.Worah, cité par HUGUES Ross, FLINTAN Fiona,
Integrating Conservation and Development Experiences : A Review and
Bibliography of the ICDP Literature, London: International Institute for
Environment and Development, 2001, p.4
23
Tableau N°1 : Evolution de l'approche
PICD
|
Présupposée
|
Activités-type
|
Leçons apprises
|
1ière phase
|
Les besoins de base des populations vivant dans
et autour des zones riches en
biodiversité doivent être
remplis. Sinon, ils ne soutiendront pas les efforts de
conservation (ou y seront hostiles)
|
Activités de « développement social »
comme la construction
de routes, d'écoles, de centres de santé
(infrastructures collectives)
|
Les bénéficiaires sont passifs, pas assez
concernés et les liens avec la conservation sont peu
clairs voire inexistants.
|
2ième phase
|
Les impacts négatifs des
communautés locales sur la
biodiversité peuvent être allégés
en leur fournissant des moyens de subsistance
(livelihoods) alternatifs, moins dépendants des RN
à protéger
|
Développement d' « alternative livelihoods »
comme l'agroforesterie, l'apiculture, le jardinage, etc.
|
Les liens entre la conservation et le développement sont
faibles ou peu clairs, ce qui entraîne une perte de connaissance de la
gestion traditionnelle des RN. Relâcher le lien entre ressources à
protéger et celles porteuses de développement qui affaiblit
l'intérêt pour la conservation.
|
3ième phase
|
Les communautés locales
peuvent user des ressources « sagement »
si le lien entre la conservation
de la biodiversité et l'amélioration des moyens
de subsistance est clair.
|
Ajout de valeur aux RN extraites (par ex. Apiculture
forestière, marketing et écotourisme, etc.)
|
Il existe des freins légaux ou politiques (accès,
foncier, etc.), l'information sur la biodiversité est inadéquate,
de même que les mécanismes de partage des bénéfices.
Il existe des conflits internes.
|
4ième phase
|
Les communautés agiront
pour conserver les ressources si elles prennent
part aux décisions sur
l'usage et la gestion des
ressources.
|
Partage de l'accès et des bénéfices,
zones
à usages multiples,
planification et
gestion participative
(souvent limitées à
certaines ressources
ou zones
spécifiques)
|
Il existe des freins politiques et
légaux (accès, foncier, etc.),
certaines forces externes constituent des menaces qui ne
sont pas contrées, participation de la population trop limitée
pour susciter un intérêt à long terme.
Nécessité d'impliquer des acteurs éloignés de la
gestion directe et d'adopter des accords clés entre les
parties-prenantes.
|
Source: WORAH Sajel, «International
History of ICDPs», Proceedings of Integrated Conservation and Development
Projects Lessons Learned Workshop, Ha Noi (Viet Nam), Cité par
Bénédicte Kippes (2007)
24
Prélèvement des PFNL
Exploitation forestière
Exploitation artisanale, orpaillage
Exploitation légale
Concept Dimensions Variables Indicateurs
Agriculture de subsistance, agriculture sur brûlis
Agriculture de plantation, agriculture de rente
Respect des textes en vigueur, des diamètres de coupe,
degré de compréhension des textes, textes juridiques
appliqués respect du cahier de charge
Agriculture
|
|
|
- chasse de subsistance ou chasse traditionnelle
|
|
|
Coupe artisanale
|
|
Extraction et utilisation des PFNL
|
Unité de surveillance/protection
Implication des populations dans la gestion des ressources
Figure N°3 : Schéma conceptuel d'analyse des
activités des populations dans l'interzone Réserve du Dja parc
national de Nki
Technique de culture, durée de la jachère en
année, superficie des champs, rythme de création des
champs/ménage/an, localisation, intrants utilisés, régime
foncier, développer l'agroforesterie.
Activités Compatibilité
des populations ou et conservation
: incompatibilité
Chasse
Chasse moderne ou braconnage
|
Chasse sportive, tourisme de vision
|
|
Respect de la règlementation de la chasse,
période de chasse, technique de chasse, destination des produits, outils
de chasse, règle coutumière, espèces chassées
Connaissance des lois régissant la chasse,
dégré de compréhension des textes, texte juridique
appliqué, les représentations que les chasseurs se font de la
forêt, techniques et armes de chasse, espèces chassées,
période de chasse, créer des revenus alternatifs.
Comportement du touriste, respect de la législation en
vigueur, les retombées sur l'environnement et les populations,
|
Respect des normes de prélèvement, modalités
d'accès et de prélèvement
|
Exploitation minière
Exploitation industrielle
Respect de la protection de l'environnement, gestion des
déchets, création de nouvelles infrastructures.
Nombre et type de structures de contrôle, poste fixe,
équipe mobile de surveillance, moyens financiers des structures en
place, payement des salaires,
Service de gestion
Capacité d'influer sur les décisions,
modalités d'accès et de prélèvement des RN,
modalités de contrôle et de sanctions, Accès à la
rente forestière (différentes taxes liées à
l'exploitation, à la transformation et à l'exportation), du
tourisme de vision, de la chasse sportive
25
|