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La compétence des juridictions militaires congolaises face aux civils.

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par Joel BONGOLONGONDO
Université de Kinshasa - Licence en Droit 2013
  

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B. Techniques de Recherche.

Pour être à mesure de trouver les données qui ont servi de développement dans cette étude, certains procédés ont de ce fait été indispensables, et ce sont des techniques. Cependant, il est important de dire un mot à titre de définition sur ce qu'est une technique. Ainsi, s'étant penché sur la question depuis plusieurs années, le Professeur Sylvain SHOMBA définit la technique comme dire « l'ensemble des procédés exploités par le chercheur dans la phase de collecte des données qui intéressent son étude. »16(*)

En ce qui concerne la présente réflexion, l'attachement au Centre de Criminologie et de Pathologie Sociale de la Faculté de Droit de l'Université de Kinshasa, a offert un cadre où la technique documentaire a permis d'être en contact avec la doctrine et les textes officiels. Et le progrès technique fait aujourd'hui de l'internet l'un des moyens utilisés pour la même cause. Cela n'a pas cependant empêché de faire des entretiens libres avec les praticiens de Droit, parmi lesquels figurent les magistrats auprès de qui on a été en stage et les avocats. L'assistance aux audiences publiques, a sans doute été d'un apport considérable.

A ce niveau, il convient d'aborder la première Partie.

PARTIE I:

UNE COMPETENCE ANTERIEURE DES JURIDICTIONS MILITAIRES CONGOLAISES FACE AUX CIVILS

« Les juridictions militaires connaissent des infractions commises par les éléments des Forces armées et de la Police nationale. »

Article 156 alinéa 1er de la Constitution de la République démocratique du Congo, in JORDC, 52ème Année, Numéro Spécial, Kinshasa, 5 février 2011, p.52.

A la suite de Gérard CORNU, la compétence peut désigner l'ensemble des affaires dont une juridiction ou un ensemble des juridictions a vocation à connaitre ou l'aptitude à instruire et juger une affaire, à en connaître ; ou encore l'aptitude déterminée par l'ordre auquel appartient la juridiction, par le degré de juridiction, par la nature de la juridiction17(*). Tandis que la juridiction est entendre comme étant l'ensemble des tribunaux de même classe ou degré, envisagés en tant qu'ils exercent le pouvoir de juger dans un secteur déterminé correspondant à leur nature18(*). Ainsi parler de la compétence des juridictions militaires congolaises face aux civils, revient à traiter de l'aptitude des cours et tribunaux militaires à instruire et juger les affaires dont les civils sont impliqués en République démocratique du Congo.

Depuis 2002, la justice militaire est rendue en République démocratique du Congo par la Haute Cour Militaire, les Cours Militaires, les Cours Militaires Opérationnelles (qui accompagnent les fractions de l'armée en campagne), les Tribunaux Militaires de Garnison et les Tribunaux Militaires de Police. C'est ce que prévoit la loi n° 023/2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, dans son article 1er. Il s'agit dans la présente étude, de ces cours et tribunaux qu'on désignera tour à tour par les expressions ``Juridictions militaires'', et ``Juridictions des Forces armées'' ou ``Justice militaire''.

Elles sont reparties à travers le pays comme peut bien le présenter le tableau ci-contre :

Juridictions

Ressorts

Sièges ordinaires

Compositions du siège

Haute Cour Militaire

Tout le territoire national (article 6, alinéa 2 CJM).

Kinshasa, capitale de la RDC (article 6, al. 1er CJM)


· En cas de circonstances exceptionnelles, à n'importe quel endroit du territoire national fixé par le Président de la République (article 7, al. 1er CJM)


· En temps de guerre, le Président de la

République peut décider d'organiser des chambres foraines dans les zones opérationnelles (article 7, al. 2 CJM).

Cinq membres dont deux magistrats de carrière (article 10, alinéa 2)


· En cas d'appel, cinq membres dont trois magistrats de carrière (article 10, alinéa 5 CJM).

Cours Militaires

La province ou la ville

de Kinshasa (article 12, alinéa 1er CJM).


· Chef-lieu de la province, lieu où se trouve le quartier général de la région militaire ou autre lieu fixé par le Président de la République (art 12, al. 2 CJM)


· En cas de circonstances exceptionnelles, le Ministre de la Défense peut changer le siège des cours opérationnelles (article 13, alinéa 2 CJM).

Cinq membres dont deux magistrats de carrière (article 16, alinéa 1er CJM).

Cours Militaires opérationnelles

Zones opérationnelles déterminées par le Président de la République (article 18, alinéa 2 CJM).

Elles accompagnent les troupes dans les zones opérationnelles (article 18, alinéa 1er CJM).

Cinq membres dont un magistrat militaire de carrière au moins.

Tribunaux Militaires de Garnison

District, ville, garnison ou base militaire (article 21, alinéa 1er).

Chef-lieu du district, de la ville où est situé l'état-major de la garnison ou tout autre lieu fixé par le Président de la République (article 21, alinéa 2 CJM).

Cinq membres dont un magistrat de carrière au moins (article 22, alinéa

2 CJM).

Tribunaux Militaire de Police

Ressort du tribunal

de garnison (article 23 CJM).

 

Trois membres dont un magistrat de carrière au moins (article 24, alinéa

1er CJM).

Source: Defense Institute of International Legal Studies, in M. WETSH'OKONDA KOSO, op.cit., p.35.

En attendant l'érection de nouvelles provinces prévues par les articles 2 et 226 de la Constitution, la République démocratique du Congo est composée de dix provinces auxquelles il faut ajouter la ville de Kinshasa qui a, elle aussi, le statut d'une province. En conséquence, outre la Haute Cour Militaire, la justice militaire comprend douze cours militaires. Il faut y ajouter 36 tribunaux militaires de garnison. Comme Jean-Paul Tshibangu, chargé d'observation de l'administration de la justice à la MONUC l'avait constaté, au regard de l'étendue du territoire national, le fait de fixer le ressort des tribunaux de garnison, juridictions militaires de base au niveau du district n'est pas de nature à faciliter l'accès à la justice. Généralement, lesdits tribunaux sont situés très loin du lieu où se commettent les infractions. Dans ces conditions, le recours aux audiences en chambres foraines s'avère nécessaire pour que justice soit faite. C'est ce qui explique que, de manière générale, pratiquement tous les procès pour crimes internationaux enregistrés jusque-là ont été organisés au cours de ces audiences en chambre foraine.19(*)

Pour quelle raison parle-t-on d'une incompétence antérieure des juridictions militaires congolaises dans cette étude ?

La constitution en vigueur en République démocratique du Congo, ne reconnait plus à ces juridictions les pouvoirs qu'elles continuent à exercer, malgré cet état d'inconstitutionnalité.

En effet, En plus des faiblesses institutionnelles qui se traduisent par l'incapacité objective de juger un nombre important de cas, la justice militaire est rendue ineffective par un cadre législatif totalement anachronique et contraire aux normes constitutionnelles et internationales sur le droit à un procès équitable. Son indépendance est constamment minée par le contrôle de plus en plus accru qu'exerce le commandement militaire sur son fonctionnement et les interférences politiques dans ses décisions judiciaires. Plus préoccupant, les tribunaux militaires étendent leur compétence sur les civils, une pratique à la fois contraire à la Constitution et aux normes internationales et africaines applicables au Congo.20(*)

Les constitutions qui ont régi la République démocratique du Congo jusqu'à l'entrée en vigueur du décret-loi du 18 décembre 1964 portant Code provisoire de justice militaire n'avaient prévu une compétence expresse des juridictions militaires à l'égard des personnes n'ayant pas la qualité de militaire ou de policier. En effet, l'article 17 de la loi sur le Gouvernement du Congo-belge prévoyait que « la justice civile et la justice militaire sont organisées par décret.»21(*) Et la loi fondamentale du 19 mai 1960 à son tour dans l'alinéa 2 de l'article 191 disposait ce qui suit : « les lois règlent l'organisation des tribunaux militaires, leurs attributions, les droits et les obligations des membres de ces tribunaux et la durée de leurs fonctionnements.»22(*) Arrivé le 1er août 1964, la Constitution dite de Luluabourg précisait qu'en temps de paix, les tribunaux militaires ne connaissent que les infractions commises par les membres des Forces armées.23(*)

Toutefois, ces textes constitutionnels reconnaissaient au Roi (époque coloniale) et au Président de la République, les prérogatives de suspendre sur tout ou partie du territoire de la République, pour une durée, l'action répressive des cours et tribunaux ordinaires et y substituer celle des juridictions militaires pour les infractions qu'il devait déterminer. C'est ce qui ressortait des dispositions des articles 19, alinéa 2, 187, alinéa 2, 124, alinéa 2 et 58, alinéa 1er, respectivement de la loi sur le Gouvernement du Congo-belge, de la Loi fondamentale de 1960, de la Constitution du 1er août 1964 et de la Constitution du 24 juin 1967 telle qu'elle fut plusieurs fois révisée.24(*) A lire les décrets et les lois qui ont organisé les juridictions militaires avant le Code de justice militaire du 25 septembre 1972, la justice militaire n'était conçue que pour réprimer des actes pénaux d'extrême gravité commis par les militaires.

D'où le décret du 22 décembre 1888 plusieurs fois modifié et complété tour à tour par les décrets du 24 novembre 1890, du 12 mai 1943 et du 29 avril 1944, créait ainsi les conseils de guerre et prévoyait les peines et les fautes militaires graves érigées en infractions. Ils connaissaient (ces conseils de guerre) de tous les crimes et délits prévus par les lois pénales ordinaires et en outre des fautes commises par les Officiers, sous-officiers et soldats de la Force publique de l'Etat.25(*) Mais la modification amorcée déjà par le décret du 09 juillet 1923 dans son article 86 avait élargi la compétence des conseils de guerre jusqu'aux « Européens appelés à prester leurs services aux troupes mobilisées et commissionnées à cette fin à un grade militaire pendant la durée de leurs fonctions militaires, des porteurs, serviteurs d'Européens et conducteurs des véhicules automobiles qui accompagnaient les troupes en campagne, des gardes territoriaux militaires.»26(*)

Ayant été l'objet des critiques déjà à cette époque, ce système devait changer pour laisser le règne à un autre. Ce fut l'oeuvre du décret du 08 mai 1958 dont l'idée essentielle comme l'avait déjà dit le Professeur LIKULIA BOLONGO Norbert, alors Général des Forces armées, était que « le militaire comme les autres citoyens doit bénéficier de l'expérience des magistrats et que les conseils de guerre ne doivent connaître que des mutilations volontaires et des fautes militaires graves érigées en infractions.»27(*) Ces juridictions militaires qui ne devaient connaître que des fautes militaires graves poursuivit-il, laissaient ainsi à la compétence des tribunaux répressifs ordinaires la connaissance des infractions de droit commun commises par les militaires.28(*)

Il en est de même du décret-loi du 18 décembre 1964 portant Code provisoire de Justice militaire, qui n'attribuait pas la compétence aux juridictions militaires sur les personnes autres que les militaires. Car son but, était de rendre, le justifiait ainsi MOBUTU Joseph-Désiré, alors Général de Corps d'Armée, comme c'est le cas dans nombreux pays, compétence générale aux conseils de guerre, c'est-à-dire compétence pour toutes les infractions commises par les militaires, tant les infractions de droit commun que les infractions militaires proprement dites.»29(*)

Comme on peut le constater, il convient de s'interroger sur l'extension de compétence des juridictions militaires, car, ces juridictions des Forces armées comme les termes l'indiquent, n'ont été instituées, que pour juger les militaires concernant toutes les formes que peut revêtir leur délinquance.30(*) A cette préoccupation, l'article 59 de la Constitution du 24 juin 1967 précitée disposait que : « l'ensemble des cours et tribunaux comprend une Cour suprême de Justice, des cours d'appel, des cours militaires et des tribunaux. L'organisation, la compétence des cours et tribunaux ainsi que la procédure à suivre sont réglées par la loi.»31(*)

C'est cette dernière disposition qui a ouvert la boite à Pandore quant à l'extension de compétences des juridictions militaires, car, le législateur congolais dans le Code de justice militaire de 1972 avait la latitude de le faire s'appuyant ainsi sur cette constitution en vigueur à l'époque, était amené à reconnaître aux conseils de guerre une compétence personnelle tout en délimitant les domaines respectifs des tribunaux ordinaires et des tribunaux militaires, et à instituer, dans l'intérêt du prévenu comme dans celui de l'ordre public militaire(...).32(*) Il s'agit finalement de cette même extension de compétence que les lois n°023/2002 et n° 024/2002 du 18 novembre 2002 sus-évoquées ont héritée.

Telle est l'origine et le soubassement juridique de l'extension de compétences des juridictions militaires congolaises face aux civils, que nous développons dans cette partie où il sera question d'en parler en temps de paix (Chapitre 1er) et en période troublée (Chapitre 2ème).

* 16 S.SHOMBA KINYAMBA, Méthodologie de Recherche Scientifique, Edition MES, Kinshasa, 2003, p.60.

* 17 G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, Paris-Quadrige, 2011, pp.210-212.

* 18 In idem loco, p.584.

* 19 M.WETSH'OKONDA KOSO, La justice militaire et le respect des droits de l'homme : L'urgence du parachèvement de la réforme. Une étude d'AfriMAP et de l'Open Society Initiative for Southern Africa, UNE PUBLICATION DU RÉSEAU OPEN SOCIETY INSTITUTE, Kinshasa, 2009, pp.35-36.

* 20 M. WETSH'OKONDA KOSO, op.cit., p. 3.

* 21 Article 17, Loi sur le Gouvernement du Congo-belge, in E.MUKENDI MAFWANA et Alii, Les Constitutions de la République démocratique du Congo de 1908 à 2011, JURICONGO, Collection JURIDOC, Kinshasa, 2011, p.12.

* 22 Article 191, Loi fondamentale de 1960, in idem loco, p.34.

* 23 Article 124, Constitution du 1er août 1964, ibidem, p.73.

* 24 In Les Constitutions de la République démocratique du Congo de 1908 à 2011, op.cit., pp.12-96.

* 25 General N. LIKULIA BOLONGO, op.cit., p.9.

* 26 In idem loco.

* 27 ibidem p.15.

* 28 Ibidem p.16.

* 29 J.D. MOBUTU, cité par Général N. LIKULIA BOLONGO, ibidem, p.17.

* 30 Général N. LIKULIA BOLONGO, op.cit., p.165.

* 31 Article 59, Constitution de la République démocratique du Congo du 24 juin 1967 telle qu'elle fut plusieurs fois révisée.

* 32 Général N. LIKULIA BOLONGO, op.cit., p.24.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams