I.1.2.3. Les principaux
produits en microfinance
I.1.2.3.1. Le
microcrédit
Le microcrédit fait référence à
un petit prêt ayant pour bénéficiaires des
non-salariés offrant peu, ou pas de garanties. Il est fourni par des
institutions officiellement enregistrées. Les
bénéficiaires n'offrant pas de garanties, n'ayant ni emploi
stable ni historique bancaire, ne remplissent pas les conditions minimales pour
avoir accès aux services bancaires traditionnels. Le microcrédit
est une partie de la microfinance, qui est une prestation offerte par une large
variété de services financiers aux personnes avec peu de
ressources économiques.
Les bénéficiaires du prêt peuvent
être pauvres mais ils sont également fiers, honnêtes, et
très travailleurs. Un grand nombre de bénéficiaires d'un
premier prêt voudraient revenir pour bénéficier d'un
second, par conséquent il est primordial pour eux de construire leur
propre historique bancaire (lamicrofinance.org).
Le coeur des services fnanciers offerts par les IMF est en
général le microcrédit à court terme (durée
inférieure à douze mois). Ces micro-crédits sont
octroyés avec des méthodologies diverses (Jean-Luc Perron
& Dominique Weiss, 2011) :
a) Le crédit solidaire
Cette approche du crédit aux
microentreprises, popularisée par ACCION International, a
été lancée sur les vastes marchés urbains et
les bidonvilles d'Amérique latine qui regorgeaient
d'activités économiques informelles. Selon cette approche, un
chargé de crédit ou promoteur se rend sur les marchés
pour encourager les microentrepreneurs à former des groupes
d'emprunteurs de trois à dix personnes qui se connaissent
déjà, ont confiance les unes en les autres et souhaitent se
porter garantes par rapport aux crédits de chacun. En prêtant
à un petit groupe d'amis ou d'associés, les prêteurs
des groupes de solidarité contournent les problèmes
d'asymétrie de l'information - les membres du groupe supportent
de façon implicite une partie des coûts de
délivrance, puisqu'ils évaluent diligemment la santé
des entreprises des autres membres.
Le premier crédit solidaire de la Grameenbank a un
principe à la base très simple : Pour compenser l'absence de
garantie matérielle, les emprunteurs se constituent en groupe de 5
personnes et se portent « caution solidaire » : si un
des membres du groupe ne rembourse pas son crédit, les autres devront
rembourser à sa place. La méthodologie de crédit solidaire
mise au point à la fin des années soixante-dix et au début
des années quatre-vingts est restée en vigueur dans la
Grameebank jusqu'en 2001 (Sébastien BOYE, Jérémy
HAJDENBERG & Christine POURSAT, 2007).
Grace aux succès opérationnels et
médiatiques de la Grameen Bank, le crédit solidaire a servi de
matrice à beaucoup de microcrédits dans le monde. Le produit a
été bien évidemment adapté et transformé
mais quelques principes de base restent généralement
appliqués :
· Les montants de crédits octroyés restent
limités ;
· Les prêts sont renouvelés avec des
montants croissants ;
· La durée de crédit est courte, en
général inférieure à 1 an. Cette durée est
souvent adaptée à des prêts de montants faibles,
destinés à de très petites activités ; c'est
aussi une condition pour que le principe précédent de
renouvellement croissant des prêts soit réellement efficace ;
· Les taux d'intérêt sont
élevés, fréquemment supérieurs à 3% par
mois ;
· Les remboursements sont fréquents et suivis avec
rigueur ;
· La connaissance de l'emprunteur et de sa
moralité compte plus que l'étude du dossier de prêt ;
· L'usage de crédit est généralement
assez libre, en général, il sert à financer une
activité productive et dans beaucoup de cas, le choix de l'usage du
crédit est laissé à l'emprunteur ;
· L'institution de microfinance va vers ses clients (et
non l'inverse) : La microfinance propose des services de proximité,
marquant là aussi une vraie rupture avec les pratiques des banques. Les
agents de crédit sont sillonnent les villages ou quartiers pour
rencontrer les clients, les connaître, les suivre, parfois aussi pour
débourser les crédits ou récupérer les
échéances dues.
v Les avantages du crédit solidaire
Le crédit solidaire présente les avantages ci
après :
· Des taux de remboursement proche de 100% à cause
de la caution solidaire qui peut jouer à deux niveaux : à
priori, sur la sélection des groupes, les membres d'une même
communauté savent, mieux que n'importe quel agent de crédit,
lesquels d'entre eux risquent de ne pas rembourser. A posteriori, en cas de
difficulté d'un des membres, la pression sociale fait que chaque client
rembourse bien car aucun des membres ne veut être celui qui
pénalise les autres sans raison valide ;
· Le crédit solidaire permet de réduire les
coûts de transaction, d'une part par la sélection des emprunteurs
et d'autre part par la gestion et le suivi du prêt : gérer un
groupe comme étant un seul « client » peut
être plus simple et moins coûteux que de suivre des crédits
individuels de chacun des membres de ce groupe ;
· La constitution de groupes de caution solidaire peut
avoir enfin un rôle social positif, la solidarité face aux
obligations de crédit peut permettre de créer des liens qui
dépassent le cas du simple crédit
v Les limites et les risques du crédit
solidaire
Opter à la méthodologie du
crédit solidaire présente aussi des limites et risques comme
décrit ci-dessous :
· L'instrumentalisation de la caution solidaire : Si
la constitution de groupe est présentée comme une condition pour
obtention du crédit et non la garantie du prêt sollicité,
le risque est réel de voir des groupes se former par pure
nécessité. Si la solidarité est fictive, les taux de
remboursement risquent de s'effondrer aux premières
difficultés ;
· L'éloignement du client par le fait que le
crédit solidaire permet de gérer des groupes d'individus que des
individus ;
· L'augmentation des coûts de transaction pour le
client, la réduction des coûts de transaction pour l'IMF se fait
en réalité au détriment des clients ;
· Le risque d'exclusion des plus
vulnérables ;
· La difficulté d'accompagner le
développement des clients, les clients bénéficient
généralement du crédit dans un groupe solidaire, ceci
pénalise les clients entrepreneurs en cas de dissolution du groupe.
b) Le crédit individuel
Par cette méthodologie individuelle, en
général, les clients se déplacent dans des agences pour
recevoir et rembourser leur crédit. Les montants en jeu sont plus
importants, et nécessitent une analyse plus poussée des
« cash-flows » des projets financés. Le plus
souvent, des garanties sont demandées sur les actifs du client :
bijoux, titre de propriété (sans forcément de valeur
juridique), électroménager. Le microcrédit est en
général bien adapté au financement de petites
activités commerciales ou artisanales : achat d'un stock de
marchandises, acquisition d'un petit équipement, financement du fonds de
roulement. Le taux d'intérêt élevé du
microcrédit est facilement absorbé par la marge commerciale
dégagée (Jean-Luc Perron & Dominique Weiss,
2011).
Comme le font traditionnellement les banques, le
microcrédit individuel décide d'accorder un prêt en
évaluant la réputation de l'emprunteur, la garantie et la
capacité de remboursement, mais il met l'accent sur des aspects
distincts. Le premier facteur est la réputation de l'individu,
suivi par la capacité de l'entreprise et du ménage
à rembourser le prêt. La réputation d'un emprunteur
potentiel est évaluée en interrogeant le voisinage, les
clients de l'entreprise, ses fournisseurs et des personnes de premier plan au
sein de la communauté. Les évaluations de prêt
déterminent les flux de trésorerie de l'ensemble de
l'unité économique familiale en partant du principe que les
ménages à bas revenu disposent souvent de plusieurs sources de
revenus pour assurer leur survie et réduire le risque.
L'analyse des flux de trésorerie ne tient
généralement pas compte de l'impact des capitaux
empruntés sur les perspectives de rémunération du
ménage (Moïse MUSOLE, 2014).
c) L'approche de la Grameen
La méthodologie Grameen est née au Bangladesh et
a depuis lors a été reproduite, ou adaptée, dans de
nombreux pays à travers le monde, à différents
niveaux de réussite. Il s'agit en général d'un
groupe de cinq femmes sélectionnées entre elles la
quasi-totalité des emprunteurs de Grameen sont des femmes ,
associé à quatre ou cinq autres groupes du même
village pour former un centre . Toutes les réunions ont lieu
dans le village, dans la cour d'un des membres ou dans un centre
communautaire. La structure du centre permet une efficacité accrue de
l'agent de terrain, puisqu'elle lui permet de collecter l'épargne et
les remboursements auprès de 25 à 30 personnes lors d'une
réunion d'une heure ; l'IMF n'a aucun besoin de disposer d'une
infrastructure physique dans la communauté.
d) Le groupe d'entraide
Les membres disposent d'un compte auprès d'une
institution financière à part entière et non de la
banque ; celle-ci ne traite pas directement avec eux. Pour pouvoir solliciter
un prêt, un groupe d'entraide composé d'une vingtaine de membres.
L'institution intermédiaire accomplit les mêmes fonctions que
le système Grameen, mais en son nom propre, puisqu'il joue
effectivement le rôle d'une microbanque menant l'ensemble des
fonctions d'intermédiation associées à la mobilisation
de l'épargne et au crédit. Les banques peuvent exiger de
connaître les membres et imposer certaines conditions quant à
l'utilisation qui sera faite des prêts accordés à
l'institution intermédiaire, mais ce dernier est une institution
financière autonome à part entière.
e) Les banques villageoises
La méthodologie de crédit couramment
désignée par l'expression « banque
villageoise» a été développée de
manière indépendante au milieu des années 80 par la
FINCA en Amérique latine, elle fonctionnait avec des groupes de 30
à 50 femmes qui assumaient des responsabilités
d'intermédiation financière identiques à celles des
groupes d'entraide en Inde à savoir la collecte de l'épargne
régulière auprès des membres du groupe et l'octroi de
prêts à ces derniers (où l'investissement des fonds
via un autre mécanisme). Les banques villageoises pouvaient alors
emprunter de l'argent auprès d'un organisme externe
(généralement une ONG internationale), et re-prêter ces
fonds aux membres du groupe. Dans ce modèle, il n'y a as de
self-selection des membres, les membres ne se connaissent pas entre eux, les
membrex eux-mêmes décident de l'affectation du crédit selon
leur choix, les membres sont conjointement responsables du remboursement.
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