Paragraphe 3 La juridiction compétente en
matière des contrats à distance
La détermination de la juridiction étatique
compétente dans le cadre de ce travail traitant des contrats à
distance est d'une importance n'appelant à débat. Surtout que le
travail que l'on traite a un aspect de Droit international privé. Il est
légitime que l'on se pose la question de la juridiction
compétente en cas de conflit.
Le professeur Yav affirme que la détermination de la
juridiction compétente est importante puisque d'elle dépend,
d'une part, de la détermination des procédures à suivre
pour régler le litige et d'autre part, elle assure ultérieurement
de l'exequatur d'un jugement rendu par un tribunal étranger qui devrait
être exécuté sur le territoire d'un autre
Etat119.
Remarquons une chose aussi importante avant de poursuivre. Au
plan international, on retrouve la Cour pénal international ; dont la
nature ressort de par son nom seulement, c'est-à-dire, c'est une cour
compétente en matière répressive au plan international.
Elle connait des crimes de guère, de crime d'agression pour ne citer que
les deux.
Le sujet que l'on traite est purement civil, on se demande
alors si au plan international existe une cour pouvant connaitre des
différends civils
117 Au nom du principe de la liberté contractuelle, les
conventions sont régies, quant à leur substance, à leurs
effets et à leur preuve, par la loi choisie par les parties. C'est n'est
qu'à défaut de leur choix que la loi du lieu de la conclusion
s'applique.
C`est l'application du principe, lex loci contractus ou locus
regit actum. Qui veut dire que le lieu regit l'acte. L'on remarque
cependant que les Etats concluent bien que timidement, mais de temps en temps
des accords bilatéraux et/ou multilatéraux en matière
civile, qui constituent ce que l'on appel en Droit privé international,
les règles matérielles de conflit de lois. L'occurrence du
traité de L'OHADA.
Lorsqu'il y a donc conflit de lois, et que l'on sait
démontrer que les parties au contrat conclu par voie électronique
appartiennent à des Etats ayant signés ou ratifiés un
accord en la matière, ce traité ou cet accord constituera la loi
applicable à ce conflit ; il ne sera donc pas nécessaire de
savoir dans ce cas si le contrat comporte ou non une clause désignant de
manière exprès ou tacite la loi applicable.
118 YAV KATSHUNG, op.-cit, p.39
119 Ibidem, p.18
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ayant en eux un caractère d'extranéité.
Il est pourtant bien claire qu'il n'existe pas, en tout cas pas encore, au plan
international une juridiction compétente pour les matières
civiles. Il va de soi que ça soit seulement les juridictions des Etats
qui connaissent des différends résultants des contrats conclu par
voie électronique et présentant un caractère
d'extranéité.120
Ainsi dit-il le professeur Yav que les
règles de conflit des juridictions permettent uniquement de
déterminer si les juridictions congolaises sont
compétentes.121
Il sera donc dans cette partie, question de voir dans quelle
mesure les juridictions congolaises seraient compétentes pour connaitre
les conflits résultants de la conclusion des contrats par voie
électronique122.
Dans le deuxième chapitre de notre
travail123, l'on a eu à illustrer par une image ce que l'on
pourrait en claire entendre par contrat conclu par voie électronique.
L'on a eu à dire que le contrat conclu par vie
électronique était une sous catégorie, ou mieux une des
modalités de la conclusion des contrats à distance. Et les
contractants dans pareil cas sont séparés par une certaine
distance.
Les auteurs ayants traités de la question s'accordent
sur le fait que le contrat par voie électronique est d'abord un contrat
à distance124.
Je pense que la distance qui pourrait séparer les
cocontractants ne serait pas toujours de nature à créer un aspect
d'extranéité. Ce que l'on veut dire est qu'il n'est pas
impossible que des personnes se trouvant sur un même territoire concluent
leurs contrats via l'électronique125.
120 Internet augmente considérablement le nombre de
contentieux internationaux ; puisque la tendance depuis un temps est que les
personnes trouvent que ce n'est plus important d'être en présence
avec son cocontractant pour pouvoir conclure l'un ou l'autre contrat. Il y a
donc un flux de conventions qui se concluent sur les nets à ce jour.
121 YAV KATSHUNG., op.-cit., p.43
122 N'oublions tout de même pas que pour déclarer
compétente la juridiction d'un tel Etat, cela implique
nécessairement, comme en matière de conflits de lois, de
vérifier préalablement que le contrat à distance
présente un élément de rattachement entre cet Etat et les
éléments du litige.
123 Cfr p. 37
124 MARIEM REKIK, op.-cit., p.15
125 Si l'ensemble des éléments du contrat
litigieux se trouve exclusivement rattaché au territoire d'un seul Etat,
le problème de conflits de juridictions ne se pose pas. L'on pourra
avoir un conflit interne de juridictions où les règles
procédurales de cet Etat déterminent la juridiction nationale
compétente à reconnaître le litige.
~ 64 ~
L'on pense que le rattachement le plus adéquat sur
Internet, lequel rendrait les choses beaucoup plus simple serait la
reconnaissance de la valeur croissante du système
d'autonomie.126
C'est ce que dit également Rekik lorsqu'elle
écrit qu'une importance majeure est accordée en matière
contractuelle à la liberté des parties en leur laissant la
possibilité de définir aux mieux de leurs intérêts
les termes de leurs conventions.127
Normalement, la compétence d'une juridiction
s'apprécie selon la loi du for. Car seul l'Etat concerné peut
investir ses juridictions du pouvoir de juger les
étrangers128.
Chaque Etat règle alors la question selon ses propres
règles unilatérales de Droit international
privé129.
Montrons alors dans quelles mesures les étrangers
pourraient être assignés devant les juridictions congolaises.
C'est la loi no 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement,
et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire qui règle
la question de la compétence internationale directe130 des
juridictions congolaises.
Les articles 147 et 148 de la loi suscitée
déterminent la compétence internationale des juridictions
congolaises. L'article 147 stipule :
Les étrangers peuvent être assignés devant
les tribunaux de la République Démocratique du Congo :
En revanche, si les éléments du contrat
litigieux se trouvent rattachés aux territoires de plusieurs pays dont
les tribunaux semblent potentiellement compétents, il y a alors un
conflit international de juridictions.
126 C'est Grâce à la liberté
contractuelle, que les parties à un contrat international conclu par
voie électronique peuvent chercher à résoudre les deux
grandes questions en la matière : quelle autorité sera
susceptible de trancher le litige, si nécessaire, et quelle loi
régira le contrat? Dès lors, le juge du contrat
électronique pourrait être celui choisi par les parties.
127 MARIEM REKIK, op.-cit., p.25
128 YAV KATSHUNG, op.cit., p.44
129 C'est ici ou je trouve paradoxal, l'intitulé
`'Droit international privé». Contrairement au Droit
international public ou l'on trouve des règles communes sur le plan
international. Le Droit international privé ne donne pas les
règles communes sur le plan international, car chaque Etat règle
selon ses propres lois toutes les questions privées ayant un
caractère international. C'est à ce niveau que je partage la
position du professeur Yav qui pense que l'on pourrait même parler d'un
Droit international privé congolais.
130 Une juridiction congolaise est saisie d'un litige
présentant un élément d'extranéité. Cette
juridiction est-elle compétente pour statuer ? Il s'agit de la
compétence internationale directe. Voir YAV KATSHUNG, op.-cit.,
p.15
-' 65 -'
· S'ils ont un domicile ou une résidence en RDC
ou bien s'ils y élisent domicile ;
· En matière immobilière, si l'immeuble
est situé en RDC ;
· Si l'obligation qui sert de base à la demande
est née, a été ou doit être exécutée
en RDC ;
· Si l'action est relative à une succession
ouverte en RDC ;
· S'il s'agit d'une demande en validité ou en
main levée, de saisie arrêt formée en RDC ou de toutes
autres mesures conservatoires ;
· Si la demande est connexe à un procès
déjà pendant devant un tribunal congolais ;
· S'il s'agit de faire déclarer exécutoire
en République Démocratique du Congo les décisions
judiciaires ou les sentences arbitrales rendues ou les actes authentiques
passés en pays étrangers ;
· S'il s'agit d'une contestation en matière de
faillite, quand la faillite est ouverte en RDC ;
· S'il s'agit d'une demande en garantie ou d'une demande
reconventionnelle quand la demande originelle est pendante devant un tribunal
congolais ;
· Dans le cas ou il y a plusieurs défendeurs dont
l'un a son domicile ou sa résidence en RDC ;
· En cas d'abordage ou d'assistance en haute mer ou dans
les eaux étrangères quand le bâtiment contre lequel les
poursuites sont exercées se trouve dans les eaux congolaises au moment
où la signification a lieu. »
L'article 148 de son coté stipule : « Hors les cas
prévus à l'article 147, les étrangers pourront être
assignés devant les tribunaux congolais si le demandeur a un domicile ou
une résidence en RDC ». Dans ce cas, le tribunal compétent
sera celui du domicile ou de la résidence du demandeur.
Néanmoins, les étrangers pourront
décliner la compétence des tribunaux congolais131.
Parce que chaque Etat a son Droit international privé,
il peut arriver qu'un sujet congolais entre en interaction avec un sujet d'un
autre Etat, un Zambien par exemple, et que les deux conviennent que la
131 YAV KATSHUNG, .op.-cit., p.19
-' 66 -'
juridiction Zambienne soit compétente en cas de
conflit. Le zambien peut vouloir faire valoir le jugement rendu en Zambie, en
République Démocratique du Congo.132
La reconnaissance des décisions rendues à
l'étranger sur le territoire de RDC constitue ce qu'appelle le
professeur YAV la compétence indirecte des
tribunaux133.
Lorsqu'un jugement rendu à l'étranger
nécessite l'exécution matérielle sur les biens
situés en RDC, ou bien la coercition sur les personnes se trouvant en
RDC, la mise en oeuvre de ces mesures en RDC est subordonnée à
une autre procédure contentieuse134 :
l'exequatur.135
L'article 119 de la loi no 13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement, et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire donne les 5 conditions que doivent remplir les jugements
étrangers pour devenir exécutoires en RDC.
Cet article dispose que « les décisions des
juridictions étrangères sont rendues exécutoires en RDC,
selon le cas, par les tribunaux de grandes instance, les tribunaux de commerce,
et les tribunaux du travail, si elles réunissent les conditions
ci-après :
1. Qu'elles ne contiennent rien de contraire à
l'ordre public congolais;
2. Que d'après la loi du pays ou les
décisions ont été rendues, elles soient passées en
force de chose jugée ;
3. Que, d'après la même loi, les
expéditions qui en sont produites réunissent les conditions
nécessaires à leur authenticité ;
4. Que les droits de la défense aient
été respectés ;
132 C'est ici qu'intervient la notion d'exéquatur qui a
pour but selon le professeur LECLERC de conférer force exécutoire
à la décision étrangère afin de rendre possible
dans un autre pays l'exécution de mesures coercitives sur les biens ou
sur les personnes. Voir FREDERIC LECLERC, op.-cit., p..98. L'«
exequatur » peut être défini comme une procédure
permettant d'exécuter, soit une sentence arbitrale, soit une
décision de justice étrangère. Voir YAV KATSHUNG,
op.-cit., p.20
133 Il faudra noter qu'en RDC la reconnaissance de plano des
décisions de justice n'est pas de mise, c'est cela qui justifie la
question de l'exequatur qui vise précisément à
définir les conditions dans lesquelles des décisions
étrangères peuvent être reconnues dans un pays
donné.
134 Au regard de la nouvelle loi sur la compétence des
juridictions de l'ordre judiciaire cette procédure est ouverte devant le
tribunal de grande instance, tribunal de commerce et tribunal de travail, selon
le cas.
135 YAV KATSHUNG, op.-cit., p.20
-' 67 -'
5. Que le tribunal étranger ne soit pas uniquement
compétent en raison de la nationalité du demandeur.
Le professeur LECREC pense que réfléchir
à la détermination de la juridiction compétente impose
immédiatement de prendre conscience que si la plupart des litiges sont
tranchés par des juridictions étatiques, le domaine des relations
d'affaires internationales se caractérise par un recours fréquent
à l'arbitrage international : beaucoup de contrats internationaux
renferment une convention d'arbitrage, ou clause
compromissoire.136
L'arbitrage137 est une technique visant à
faire donner la solution d'une question intéressant un rapport de Droit,
par une ou plusieurs personnes qui tiennent leur pouvoir juridictionnel d'une
convention privée et statuent sur la base de cette convention sans
être investies de cette mission par l'État138.
Disons qu'il est possible que les sentences arbitrales
soient rendues exécutoires en République Démocratique du
Congo. Au regard de la loi de 2013 sur la compétence, l'organisation et
le fonctionnement des juridictions de l'ordre judiciaire ; elles le seront
rendues exécutoires par le tribunal de grande instance, le tribunal
de commerce ou par le tribunal de travail, chacun dans le domaine de sa
compétence matérielle, que si elles réunissent les
conditions de l'article 120 de la même loi qui stipule :
Les sentences arbitrales étrangères ne sont
reconnues et rendues exécutoires en RDC par le tribunal de grande
instance, le tribunal de
136 FREDERIC LECLERC, op.-cit., p.12
137 Notons que l'arbitrage débouche souvent sur une
sentence arbitrale ; la décision rendue est de nature juridictionnelle
et aura l'autorité de la chose jugée. LECLERC pense et c'est vrai
que l'arbitre a l'avantage par rapport au juge d'être relativement
indépendant et suit des procédures plus souples surtout en ce qui
concerne les formalités et l'administration de la preuve.
Le contrat étant la loi des parties, le
règlement extrajudiciaire peut alors résulter d'une clause
compromissoire prévue dans le contrat. Et Le professeur Leclerc
Frédéric enseigne dans sons cours de Droit international
privé que dès que dans un contrat il y a une clause
compromissoire, les parties devront obligatoirement aller devant le tribunal
arbitral.
138 FREDERIC LECLERC, op.-cit., p.13
-' 68 -'
commerce ou par le tribunal de travail, chacun dans le
domaine de sa compétence matérielle, que si elles
réunissent les conditions suivantes139 :
1. Le requérant doit produire :
a. L'original dûment authentifié de la sentence
arbitrale ou son expédition ;
b. L'original authentifié de la convention ou de la
clause compromissoire dûment signé par les parties ;
c. la traduction certifiée conforme de la sentence et de
la convention si elles ne sont pas rédigées en français
;
d. la preuve de paiement des frais de procédure
exigés par la législation congolaise.
2. La convention visée au point 1.b doit être
conforme à la loi du pays à laquelle les parties l'on
subordonnée, ou à défaut de l'indication par les paries,
à la loi du pays ou la sentence à été rendue
;
3. la procédure de désignation des arbitres et
celle de la constitution du tribunal arbitral doivent être conformes
à la loi du pays ou l'arbitrage a eu lieu ;
4. les droits de la défense de la partie contre
laquelle la sentence est invoquée doivent avoir été
respectés lors de procédure d'arbitrage ;
5. la sentence arbitrale ne doit plus être susceptible
de recours ;
6. la sentence ne porte pas sur un différend qui,
d'après la législation congolaise ne peut être
réglé par voie d'arbitrage ;
7. la sentence arbitrale ne peut être contraire
à l'ordre public
congolais.
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