3. La divergence des solutions admises en droit
comparé
Il est évident que l'apparition des réseaux
numériques a considérablement développé les
échanges internationaux, dans un espace virtuel où les relations
se nouent avec la plus grande facilité, sans aucune considération
de frontières. Car vivons-nous dans une société en
constante
-' 52 -'
mutation et de plus en plus `internetisé' dans
laquelle le virtuel l'emporte sur le matériel.
En effet, les théories déterminant le moment et
le lieu de conclusion du contrat varient d'un Etat à l'autre, certains
privilégiant la théorie de l'expédition, d'autres celle de
la réception, d'autres encore alternant l'une ou l'autre en fonction des
cas d'espèce pour ce qui est du moment de la formation ; la
théorie dualiste pour certains et moniste pour d'autres comme nous
l'avons déjà dit un peu plus haut.
En outre, cette controverse, creuse davantage le fossé
qui sépare les droits nationaux, compliquant dangereusement les
situations qui présentent un élément
d'extranéité.
Le soin de déterminer ce moment revient donc toujours
à chaque Etat, au regard de ses propres règles.
4. Le moment de la formation du contrat conclu par voie
électronique selon les théories traditionnelles.
Si l'on s'attache à la théorie de la
réception, le contrat est formé au moment où
l'offrant a la possibilité de prendre connaissance de l'acceptation.
Qu'en est-il sur les réseaux? C'est peut-être ce que
prévoit le libellé de l'article 11 de la directive sur le
commerce électronique lorsqu'il précise que « la
commande [en ligne] et [son] accusé de réception sont
considérés comme étant reçus lorsque les parties
auxquelles ils sont adressés peuvent y avoir accès ».
Bien que cela concerne un contrat bien spécifique, à savoir,
la vente.
En ce qui concerne les contrats conclus par échange
d'e-mails94, faut-il considérer que l'offrant a accès
à son courrier à partir du moment où celui-ci parvient
dans sa boîte aux lettres électroniques?
En principe, le destinataire a accès au message lorsque
celui-ci parvient à son serveur de messagerie. Dès cet instant,
on peut considérer que le contrat est formé.
La circonstance exceptionnelle où l'offrant serait dans
l'impossibilité de relever sa boîte aux lettres
électronique pour prendre
94 Electronic mail, c'est-à-dire courrier
électronique. Cfr jargon informatique 1.3.1 (BETA)
-' 53 -'
connaissance de l'acceptation (par exemple suite à
des problèmes de connexion comme c'est coutume chez nous en RDC),
ne remettrait pas en cause le moment de conclusion du contrat.
Tout au plus, l'offrant pourra-t-il se prévaloir de
cette situation pour justifier un retard dans l'exécution de ses
obligations ?
Dans le même ordre d'idées, on n'aura pas
égard au fait que l'offrant relève sa boîte aux lettres par
intermittence, parce qu'il ne jouit pas d'une connexion permanente, n'a pas
accès quotidiennement au réseau, ou ne dispose pas à son
domicile du matériel informatique ad hoc95.
Il nous apparaît, en effet, que si l'on prend
l'initiative de contracter par voie électronique en émettant une
offre, il convient de faire montre de diligence, en vérifiant
régulièrement si l'offre a été acceptée. Car
s'il faudrait prendre la qualité actuelle de la connexion pour cause de
justification, alors à tout bout de champ, l'offrant qui en a
l'intérêt pourra évoquer la qualité de la connexion
et l'éventuelle possible complication technologique.
Mais en règle générale, l'acceptation
expédiée par voie électronique mettra quelques secondes,
tout au plus quelques minutes, pour parvenir à l'offrant. Toutefois, il
n'est pas à exclure qu'un message s'attarde, s'égare ou soit
altéré, voire détruit, en chemin, c'est toujours
possible.
Aussi, convient-il d'examiner les conséquences que
peuvent avoir ces perturbations sur le plan de la formation du contrat.
Les dangers qui menacent un message
électronique96 sont bien réels : saturation du
réseau, mauvaise configuration des serveurs, pare-feu (ou firewall)
bloquant un message contenant un virus, etc. A telle enseigne que
l'expéditeur peut s'interroger sur la bonne réception, en temps
utile, de son message par le destinataire97.
95 DEMOULIN MARIE, op.-cit., p.105
96 Par « message électronique »,
nous entendons le courrier électronique, mais aussi les données
transmises sur l'internet, telles que l'envoi d'un bon de commande depuis le
site web d'un prestataire.
97 DEMOULIN MARIE, op.-cit., p.106
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On objectera que cette situation n'est pas le propre des
messages électroniques, et que, dans le cadre des contrats conclus par
correspondance, l'acceptant endure la même incertitude. Mais nous nous
appuyons sur la considération que, le plus souvent, les lettres arrivent
à destination.
Certes, une telle présomption semble raisonnable, le
principe étant que, dans des circonstances normales, un message
électronique parvient à son destinataire, et ce, presque
immédiatement.
Si le message électronique n'arrive jamais à
destination, le sort du contrat dépendra de la théorie
appliquée. Selon la théorie de la réception, le contrat ne
s'est jamais formé98.
Mais dans ce cas, comment alors l'acceptant pourrait-il en
être averti? Le plus souvent, un courrier électronique qui n'a pu
être délivré à son destinataire revient à
l'expéditeur ; et lorsqu'il a été envoyé, le
destinateur reçoit toujours, et ce, de manière
quasi-instantanée un accusé de réception.
De même, sur le web, l'internaute est averti, par un
message d'erreur, de l'impossibilité d'afficher une page
déterminée. Mais il arrive quelquefois qu'un message soit tout
bonnement perdu, sans que personne n'en sache rien.
En outre, les retards dans la transmission des messages
électroniques sont de plus en plus fréquents, eu égard
à la densité croissante des communications sur les
réseaux.
Enfin, il est à redouter que certains cocontractants
fassent preuve de mauvaise foi, en prétendant n'avoir jamais reçu
l'acceptation. Dans ces conditions, la preuve de l'expédition du message
pourra s'avérer difficile. Nous aborderons la question dans notre
troisième et dernier chapitre
Si l'on s'attache à la théorie de
l'expédition, le contrat est considéré comme
conclu même si le message n'est jamais arrivé99.
Toutefois, dans cette dernière hypothèse, l'expéditeur du
message voulant se prévaloir du contrat devra fournir la preuve de
l'expédition de son acceptation.
98 DEMOULIN MARIE, op.-cit., p.106
99 DEMOULIN pense que s'il y'a erreur dans
l'adresse saisie par l'acceptant, alors dans ce cas, il n'y aura pas conclusion
de contrat.
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Or, sur les réseaux, une telle preuve semble
malaisée à produire, du moins en l'absence
d'horodatage'°° réalisé par les soins d'un tiers de
confiance'°'.
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