2.3 Mesure de la surliquidité
2.3.1 Modèle théorique de la
surliquidité
De nombreux travaux sur la surliquidité des banques
considèrent les réserves obligatoires comme une norme à
partir de laquelle on peut juger le niveau de réserves
excédentaires ou pas.
Comme instrument de contrôle de la liquidité
bancaire, ce raisonnement qui porte sur le niveau de réserves
obligatoires pour apprécier la situation d'excès de
liquidité des banques est tout à fait logique. Mais le principal
handicap à ce raisonnement est de considérer un coefficient de
réserves obligatoires qui ne respecte pas les exigences de
rentabilité et de
Réalisé par OUONOGO Souleymane 28
ANALYSE DES DETERMINANTS DE LA SURLIQUIDITE BANCAIRE
DANS L'UEMOA
liquidité de la banque. C'est pour pallier à
ces exigences que plusieurs travaux ont été menés dans le
but de déterminer un niveau optimal des réserves obligatoires.
On peut citer les travaux de Poole (1968), Baltensperger
(1980), Baltensperger (1982), Agénor et al (2004), Saxegaard
(2006), Farhi et al (2007), qui proposent une analyse de
l'excès de liquidité des banques à partir du niveau
optimal des réserves de la banque. En prenant en compte le
fonctionnement du système bancaire de l'UEMOA, la méthodologie du
niveau optimal de réserves obligatoires serait la suivante :
considérons pour simplifier une économie où les banques
collectent un montant de dépôt D, elles
utilisent une partie pour les opérations de réserves obligatoires
et le reste est utilisé pour satisfaire les opérations de
crédit et de placement auprès du marché interbancaire. Les
banques doivent également faire face aux retraits inopinés des
agents et lorsqu'elles courent un risque d'illiquidité, elles font
recourt à la banque centrale pour lever les fonds à un taux de
pénalité qui est supposé être supérieur au
taux du marché interbancaire.
L'économie dispose également de n
déposants, chaque déposant fait un
dépôt di. La somme totale des
dépôts de l'économie est D. Il
est établit un niveau de coefficient de réserves obligatoire
r tel que 0< r < 1.
Pour les dépôts collectés, D, la
banque dépose rD sous forme de réserves
obligatoires au niveau de la banque centrale et utilise (1-r)D
pour ses opérations de crédits et de placement sur
le marché interbancaire. Soit á la part
des dépôts allouée aux crédits et
1-á la part des dépôts
réservés aux opérations de placement. Les déposants
sont rémunérés à hauteur
rD. La banque facture ses
opérations de crédit à un taux
C', qui
r est assimilé au taux
débiteur maximum de la banque centrale, et ses opérations de
placement à un taux
rI, qui est assimilé au taux du
marché interbancaire. Nous supposons que le système est sous
surveillance de la banque centrale qui apporte de la liquidité aux
banques, lorsque celles-ci deviennent illiquides. Cette liquidité est
offerte aux banques à un taux de pénalité
rP, qui est fixé par la banque
centrale.
Soit x, le taux de retrait des
agents qui est une variable aléatoire dont la fonction de distribution
est connue par la banque. Le programme de maximisation sous contrainte du
profit de la banque est le suivant :
n
i = a( 1 -- r) Drc + ( 1 -- a)( 1-- r)
Drr -- rPmax( 0,X -- r) -- rDD ( 1)
Avec R, le total des
réserves des banques. Ces réserves sont constituées du
compte courant des banques à la banque centrale, des placements des
banques auprès de la banque centrale, et la rémunération
des réserves obligatoires et des encours des réserves
obligatoires ou
Réalisé par OUONOGO Souleymane 29
ANALYSE DES DETERMINANTS DE LA SURLIQUIDITE BANCAIRE DANS
L'UEMOA
statutaires17.
Le premier terme traduit le revenu tiré sur les
opérations de crédit, le deuxième terme traduit le revenu
tiré des opérations de placement sur le marché
interbancaire, le troisième, le coût des ressources lorsque la
banque est en situation d'illiquidité et le dernier terme traduit le
coût total des ressources de la banque. Pour ce qui est du coût des
ressources bancaires en situation de risque d'illiquidité, nous
supposons que lorsque le taux de retrait (rapport entre le montant des retraits
sur le total des dépôts) est supérieur au coefficient des
réserves obligatoires, la banque est contrainte de lever les fonds
à un taux de pénalité auprès de la banque centrale.
En réarrangeant les termes, on a :
[ ( ) ]( ) ( ) ( )
L'espérance de profit est le suivant :
( ) [ ( ) ]( ) [ ( )] ( )
Le programme de maximisation du programme final est:
( ) [ ( ) ]( ) ? ( ) ( )
( )
F est la fonction de distribution
des retraits des dépôts bancaires, c'est une fonction de
densité absolument continue et connue par la banque. L'équation
de Lagrange de ce programme de maximisation est le suivant :
( ) ( ) [ ( ) ]( )
? ( ) ( ) ( ) ( )
Où ë ? 0, est le multiplicateur
de Lagrange. Les conditions de résolution de ce programme
de maximisation impose que pour ë = 0, on a
R = rD, c'est dire que la banque détient un
niveau de réserves strictement supérieur aux réserves
obligatoires et pour ë > 0, on a R=
rD, c'est-à-
17Pour améliorer cette formule, nous
pouvons y intégrer le profit générer par les
réserves obligatoires ? En le faisant, ce qui serait un apport
intéressant par rapport à la théorie (qui garde le
principe universel que les réserves obligatoires ne sont pas
rémunérées), tous les calculs qui suivent devraient
être adaptés dans ce sens. Une autre voie d'approfondissement de
ce modèle, en l'inscrivant au contexte de l'UEMOA, est de diviser les
dépôts en trois composante (privé court terme, privé
long terme et public), en faisant l'hypothèse que les taux
d'intérêt sur ces types de dépôts sont uniformes.
Réalisé par OUONOGO Souleymane 30
ANALYSE DES DETERMINANTS DE LA SURLIQUIDITE BANCAIRE
DANS L'UEMOA
dire que la banque détient un niveau de réserve
égale aux réserves obligatoires. La condition de premier ordre de
ce programme de maximisation est le suivant :
( ) [ ( ) ] ( ( )) ( )
Où F est la fonction de
répartition de x ou la probabilité du
risque d'illiquidité Pr(x = r) de la banque.
On a alors :
( ) [( ( ) ) ] ( )
La résolution de ce problème d'optimisation
suppose la connaissance de la loi de distribution du taux de retrait des
dépôts dans la sous-région. Soit :
( )
-< X -< o0 8
0 ( )
Où è et y0 sont les paramètres de la
fonction ; è > 0, y0> 0 on a alors :
( ) ( ) ( ) ( )
En remplaçant (9) dans (7) on obtient :
( ) [( ( ) ) ] (10)
Une transformation logarithmique de l'équation (10) nous
donne :
[ (( ( ) ) )] ( )
· Pour ë > 0, la banque ne
détient pas de réserves excédentaires par rapport aux
réserves obligatoires, le niveau du coefficient des réserves
obligatoires optimal est donné comme suit :
( )
(13)
(14)
· Pour ë=0, la banque détient
des réserves excédentaires par rapport aux réserves
obligatoires, le niveau du coefficient des réserves obligatoires est
donné comme suit :
Réalisé par OUONOGO Souleymane 31
ANALYSE DES DETERMINANTS DE LA SURLIQUIDITE BANCAIRE DANS
L'UEMOA
[ ( ( ) )] (15)
L'hypothèse qui est posée sur le
paramètre y0est que la banque anticipe des éventuels
retraits inopinés des déposants lorsque son bilan se
détériore. La condition de détérioration du bilan
de la banque repose sur le niveau de ses créances douteuses. Nous
supposons donc y0comme une fonction du ratio des créances
douteuses au total de crédits.
Soit ( ) ( )
En posant ( ) ( )
En remplaçant (17) dans (15) et après un
arrangement des termes, on obtient :
( ( ) ( )
Le niveau du coefficient des réserves obligatoires dans
ce cas sera obtenu par simple régression de l'équation (18).
L'excès de réserves, pris comme indicateur de
surliquidité, est ensuite calculé : pour le premier cas
(ë?0) lorsque la banque détient un niveau de
réserves égal aux réserves obligatoires, soit :
.
Pour le deuxième cas (ë=0),
c'est-à-dire que la banque détient un niveau de réserves
supérieur aux réserves obligatoires, l'indicateur d'excès
de liquidité ou surliquidité
où Rro est le niveau
actuel des réserves obligatoires, c'est-à-dire le niveau de
réserves au taux en vigueur.
2.3.2 Détermination de la surliquidité dans
le contexte de l'UEMOA
Le défaut de données ne nous permet pas de
calculer l'indicateur de surliquidité à partir du modèle
de Poole (1968).
Par conséquent pour confirmer l'intuition d'une
surliquidité bancaire dans la zone, nous allons confrontés les
emplois longs théoriquement autorisés aux emplois effectifs.
En effet dans le cadre du dispositif prudentiel, le
coefficient de couverture des emplois à moyen et long termes par les
ressources stables des banques est fixé à 75% ; par ailleurs les
banques ne sont autorisées à transformer que 25% des ressources
de court terme en emplois
ANALYSE DES DETERMINANTS DE LA SURLIQUIDITE BANCAIRE DANS
L'UEMOA
longs. Dans ce qui suit, nous calculons d'une part le niveau
des emplois à moyen et long terme autorisés (Emplois
Théoriques Autorisés, ETA) puis d'autre part, nous le comparons
au niveau des emplois à moyen et long termes effectifs18 pour
déduire les réserves excédentaires19.
Emplois Théoriques
Autorisés=75%Dépôt à terme+25%Dépôt
à vue Réserves Excédentaires=Emplois Théoriques
Autorisés-Emplois effectifs
Figure 4: Evolution comparée des emplois
théoriques et effectifs du système bancaire de l'UEMOA de 1985
à 2012
1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
Emplois Effectifs Emplois Théoriquement
Authorisés
Chiffres en milliards de FCFA
4 000
6 000
5 000
3 000
2 000
1 000
-
Source : Réalisée par l'auteur à
partir des données de la BCEAO
Cette analyse comparative des niveaux théoriques et
effectifs des emplois stables bancaires de la zone confirme l'intuition d'une
liquidité excessive que la dynamique des crédits et
dépôts bancaires indique (confère figures 2a et 2b). En
effet, le chevauchement des deux courbes de 1985 à 1993 correspond
à une quasi-égalité entre emplois théoriques et
emplois effectifs : il n'y a donc pas sur cette sous période, de larges
réserves excédentaires et en conséquence, il n'y a pas de
surliquidité du système bancaire de l'UEMOA. C'est à
partir de 1994 que le gap entre les emplois théoriques et effectifs
commence par se creuser,
18 Le niveau d'emplois effectifs n'est que le
volume de crédits à moyen et long terme effectivement consenti,
incluant les crédits à l'économie de moyen et long terme
d'une part puis des créances sur l'Etat, les dernières
étant supposées représenter des emplois longs en l'absence
d'information sur leur écheance,ce qui pourrait avoir un effet
réducteur des réserves excédentaires.
19 Une autre approche des réserves
excédentaires pourrait consister à calculer le niveau de
réserves théoriques autorisées et en faire une comparaison
avec le niveau effectif des réserves de liquidité bancaire. Les
deux approches doivent aboutir aux mêmes résultats. Par ailleurs,
la BCEAO publie le montant des ressources excédentaires que les banques
déposent auprès d'elle ; rapporté à la masse
monétaire(M2),le ratio permet d'apprécier l'importance de la
surliquidité des banques. Cette mesure pourrait sous-évaluer le
phénomène étant donné qu'une partie de la
liquidité des banques pourrait garder la forme d'encaisse.
Réalisé par OUONOGO Souleymane 32
ANALYSE DES DETERMINANTS DE LA SURLIQUIDITE BANCAIRE DANS
L'UEMOA
indiquant un tassement des réserves
excédentaires du système bancaire dans le temps comme l'indique
la figure 1, page 26.Sur la période de l'étude les
réserves excédentaires dans l'Union s'élèvent
à 14 979,758 milliards de FCFA. Rapporté aux emplois
théoriques autorisés, cela donne un ratio de 30,29%.
Ainsi donc, à l'instar de Doumbia (2009) pour
l'ensemble des pays de l'UEMOA puis de Amoussouga et Eggoh (2010) pour le
Bénin, l'approche d'analyse conduit à la conclusion d'une
surliquidité bancaire dans l'UEMOA, laquelle est devenue structurelle
depuis 1994, consécutivement à la dévaluation du FCFA et
aux réformes du système financier de la zone.
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