Dans la littérature économique, des
controverses subsistent aussi bien sur le plan théorique qu'empirique
sur le caractère involontaire ou non de l'accumulation de la
liquidité par les Banques Commerciales.
Sur le plan théorique en s'inspirant du modèle
de Baltensperger (1974) Agénor et al (2004)
postulent théoriquement qu'un accroissement du taux de
pénalité augmente le niveau de réserves détenues
par les Banques Commerciales. Selon leur analyse le phénomène de
surliquidité dérive plutôt de la contraction de l'offre de
crédit par les banques commerciales. Le débat se situe finalement
sur la volonté des banques commerciales à accorder du
crédit ou à détenir des réserves peu ou pas
rémunérés. Dans cette même logique
Berger et al(2005) montre qu'une forte tarification
est de nature à limiter les crédits et à conduire à
une surliquidité bancaire. En effet la forte tarification des services
bancaires est liée à une forte asymétrie de l'information
et à une réticence des banques à octroyer des
crédits.
Pour sa part, Vo Thi (2005) montre que le
coût du crédit est positivement lié à la
probabilité de défaut de l'emprunteur, au taux de perte en cas de
défaut de paiement et au taux de rémunération des
ressources. Par contre, l'espérance de rendement de crédit est
négativement liée à ces facteurs. Contrairement aux
études précédentes, Dollar et
Hallward-Driemeier (2000) affirment que la
surliquidité, en Asie de l'Est, résulte de la baisse de la
demande de crédit qui est due à la contraction de la demande
agrégée engendrée par la crise. En effet
l'instabilité affecte le climat des affaires et crée
l'incertitude sur les projets d'investissements futurs. Il en résulte
une baisse de demande de crédit et favorise ainsi la surliquidité
des banques. Pour ces derniers c'est plutôt la faible demande de
crédit en raison de l'instabilité qui est la source de la
surliquidité des banques dans cette région.
La relation de causalité qui existe entre la crise
économique et l'inflation montre que cette dernière peut
également représenter une cause cyclique de la
surliquidité car son l'importance est accompagnée par une
volatilité élevé des prix relatifs (et donc une
augmentation dans les risques des projets d'investissement
caractérisé par un degré élevé
d'irréversibilité). Un excès dans l'inflation peut
augmenter l'incertitude sur la valeur de la garantie des emprunteurs. En effet
les grandes banques, lorsqu'elles sont confrontées aux problèmes
de sélection adverse, soit elles fixent une prime de risque
élevée ou augmentent l'incidence du rationnement de
crédit. Ceci parce que, dans le cas formel, un taux débiteur
élevé va conduire non seulement à la sélection
adverse (Stiglitz et Weiss, 1981), mais
également à une contraction dans la
Réalisé par OUONOGO Souleymane 18
ANALYSE DES DETERMINANTS DE LA SURLIQUIDITE BANCAIRE DANS
L'UEMOA
demande de crédit. Ce qui traduit une accumulation
involontaire d'excès de réserves (Alpha,
2010).
En Afrique Sub-saharienne la plupart des arguments
avancés sur ce thème portent sur le caractère involontaire
de l'accumulation de la liquidité par les banques commerciales.
J.Calvin.A(2008), affirme que la principale
raison de la surliquidité dans la zone CEMAC est donc la flambée
des prix des hydrocarbures sur le marché international. Ce qui a
entraîné une entrée importante de devise, un rapatriement
régulier des recettes d'exportation via le canal bancaire par les Etats,
une accumulation des réserves de change. Cette affirmation est reprise
par Mopa(2010).A la différence du premier il introduit
les variables risque, le manque de concurrence entre les banques, la faiblesse
de la demande de crédit d'un certain nombre d'emprunteurs habituels,
comme facteurs permissifs de la surliquidité bancaire dans cette zone.
Ces affirmations ont des limites dans la mesure où elles ne sont pas
formalisées. Gilmour(2005) trouve qu'en Ethiopie, la
constitution de la surliquidité est associée à un
accroissement des dépôts du secteur privé et du
gouvernement. Cette observation reflète le cas de l'UEMOA en
général et du Bénin en particulier car le comportement des
agents économiques dont la préférence pour les
dépôts à vue en lien avec une préférence pour
le présent permet d'expliquer le phénomène
(Amoussouga et Eggoh, 2010).
Doumbia(2009) par contre trouve que la
surliquidité dans l'UEMOA provient des facteurs externes aux banques
commerciales de la zone. Il donne trois principales causes, notamment les
contraintes liées à la défense de la parité du
franc CFA, l'entrée des capitaux et le niveau élevé des
taux d'intérêt. Dans son article il met l'accent sur la
surliquidité des banques dans l'UEMOA dans un contexte de
sous-financement du secteur productif et des PME. Selon lui, les banques ont
tendance à surestimer le risque associé au financement d'une
grande partie des entreprises, ce qui se traduit par l'insuffisance des
prêts vis-à-vis des dépôts et, donc, par
l'augmentation de leur liquidité au-delà du seuil
nécessaire. L'auteur souligne par ailleurs que la surliquidité
des banques a d'abord donné lieu à des dépôts oisifs
auprès de la Banque Centrale avant d'être recyclée en
partie pour financer les dettes souveraines. Ce phénomène
contribuant à réduire l'importance des réserves
excédentaires sans les absorber intégralement. Enfin, l'auteur
souligne que le problème de surliquidité n'est pas totalement
résolu et que la problématique de financement de
l'économie a simplement changé de nature. Cependant, l'auteur se
limite dans ses analyses à décrire le problème. Il ne
cherche pas à résoudre où du moins à donner des
pistes de réflexion pour résoudre le problème du
financement de l'économie à travers l'accès au
crédit. Il faut dire que théoriquement ces
Réalisé par OUONOGO Souleymane 19
ANALYSE DES DETERMINANTS DE LA SURLIQUIDITE BANCAIRE DANS
L'UEMOA
arguments avancés semble expliqués le
phénomène de la surliquidité dans la zone mais il reste
à se poser des questions sur l'évidence empirique.
Sur le plan empirique il faut dire que très peu
d'études se sont penché sur la volonté ou non des banques
à conservé des réserves au-delà de la norme
obligatoire.
Alberto Giovannini(1994), explore de
façon empirique les fluctuations de la demande de monnaie
résultantes des marchés financiers. En étudiant les effets
des chocs de liquidité dans les marchés financiers et des devises
étrangères en Suisse avant 1988, Il finit par trouver que les
chocs de liquidité ont été un déterminant important
des retours de dépôts de devises étrangères ex ante,
aux dépôts de franc Suisse. Donc il en résulte une
surliquidité bancaire. Cette étude est soutenue par les travaux
de Wai-Ming Ho(2004).En effet ce dernier examine
l'efficacité de l'intervention des devises étrangères dans
deux pays et deux monnaies différentes dans un modèle
d'équilibre général qui admet des effets de
liquidité. Il trouve que quelque soit le mode d'intervention
(stériliser ou non stériliser), les devises
étrangères ont un impact significatif sur l'allocation de la
liquidité dans les marchés financiers internationaux. A la
différence du premier, son modèle montre qu'il existe des
circonstances où la réponse du taux de change à une
intervention est paradoxale comme l'indique la littérature empirique.
Le cadre juridique est un élément du risque
bancaire. Transparent, ce cadre peut inciter les banques à un octroi
important de crédit, c'est-à-dire à une faible
surliquidité des banques. Opaque ou inapproprié, ce cadre
constitue un frein aux crédits et un incitateur à la
surliquidité.
Jappelli et al (2005), à
l'aide des données de panel, ont étudié l'impact de
l'efficience judiciaire sur la politique d'octroi des crédits des
banques italiennes.
Selon leurs résultats, les provinces italiennes
où les sentences sont plus pendantes ou à durée de
sentence longue sont celles dans lesquelles les crédits bancaires sont
rares. Par contre, en cas d'efficience judiciaire, même les petits
emprunteurs, jadis considérés comme de véritables facteurs
de risque, ont accès aux crédits.
A l'instar des analyses théoriques les travaux
empirique sur le sujet en Afrique-Subsaharienne et particulièrement dans
l'UEMOA ne sont pas nombreux.
C'est dans ce contexte que, Wanda(2007) met
en exergue les facteurs réels qui ont engendrés la
surliquidité au Cameroun. Il s'appuie sur une enquête
auprès de 10 banques au Cameroun pour démontrer ; à
travers une régression des données de panel sur la période
2002 à 2005 ; que la surliquidité bancaire dans ce pays
s'explique par 4 facteurs que : l'importance du risque
Réalisé par OUONOGO Souleymane 20
ANALYSE DES DETERMINANTS DE LA SURLIQUIDITE BANCAIRE DANS
L'UEMOA
de crédit, le caractère disciplinaire de la
réglementation COBAC14, la surfacturation des prestations
servies aux entreprises et l'absence de recours à l'arbitrage comme mode
alternatif de résolution des différends entre la banque et ses
débiteurs. Cette étude ne concerne qu'un seul pays de la zone et
ne permet pas d'en savoir plus sur le phénomène en ce qui
concerne les autres pays.
FOUDA(2009) aborde le problème d'une
autre manière en étendant son étude sur l'ensemble des
pays de la zone. Il procède à une vérification empirique
avec les données de panel des bilans et des comptes de résultat
bancaires agrégés portant sur la période 1993 à
2006.Les tests confirment globalement les hypothèses sur le rôle
entre plusieurs facteurs à savoir :l'incertitude liée à la
forte dégradation du climat des affaires, l'effet de mémoire des
crises bancaires antérieures et le renforcement de la frilosité
des banques ainsi que les innovations financières engendrées par
la libéralisation financières.
Beguy(2012) en utilisant la méthode
des moments généralisés(GMM) trouve que dans la zone CEMAC
sur la période 1985 à 2002, la surliquidité provient non
seulement de la volonté des banques commerciales à travers leurs
mécanismes très rigoureux de protection contre une
éventuelle crise de liquidité mais également du
renchérissement du cours du pétrole.
Diop(1998) par une régression simple
portant sur une période de 30ans aboutit au résultat selon lequel
la surliquidité des banques au Sénégal est
déterminée par l'évolution des fuites en billets vers le
public et par l'importance des dépôts bancaires. Cette analyse
n'explique pas bien le phénomène de surliquidité car elle
prend les réserves comme la variable d'appréciation de la
surliquidité.
Alors qu'une abondante littérature empirique s'est
penchée sur l'analyse approfondie des déterminants de la
surliquidité dans la plupart des régions du monde, à notre
connaissance, peu de travaux empiriques ont traité spécifiquement
des causes de ce phénomène dans la zone UEMOA. La présente
étude s'intéresse à ces différents aspects.
Ce chapitre nous a permis de parcourir la
problématique ainsi que les objectifs, les hypothèses et la
méthodologie utilisée dans le cadre de notre étude de
façon brève. La littérature économique sur la
surliquidité ainsi que ses déterminants par le biais d'une revue
de littérature non moins exhaustive.
14 Commission Bancaire de l'Afrique Centrale.
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ANALYSE DES DETERMINANTS DE LA SURLIQUIDITE BANCAIRE DANS
L'UEMOA