B) Les contrats d'incitation négociés par
les managers lors de leur prise de fonction (stock-options, parachutes
dorés)
Le fait qu'au début des années 80 les contrats
d'incitation ne représentaient que 20% de la rémunération
des PDG a fait partie des arguments avancés pour expliquer
l'inefficience des entreprises américaines. Depuis ces contrats se sont
développés, en 1994 ils représentaient en
moyenne 50% de la rémunération totale des PDG aux USA .
Comme nous l'avons déjà dit, les conseils
d'administration étaient et sont encore dominés par les managers
. Généralement les administrateurs élus en
assemblée générale étaient ceux qui figuraient sur
la liste définie par l'équipe managériale. Les choses sont
peut être en train d'évoluer ( putch d'euro tunnel) mais avant et
pendant les années 80 il était quasiment impossible pour
des petits porteurs d'envisager de proposer leur propre liste de candidats aux
postes d'administrateurs.
Ainsi un administrateur qui veut garder son poste n'a pas
intérêt à contrarier le PDG lors de la négociation
des contrats d'incitation. Une personne, candidate au poste d'administrateur,
qui aurait une réputation de marchandeur ne serait pas sollicitée
par les managers . De plus le PDG influe sur le mode et le montant des
rémunérations des administrateurs (Arye Bebchuk et Fried 2003).
Les contrats d'incitation les plus répandus sont les
stock options, ce système est d'une efficacité relative car
il a de nombreuses limites .
La particularité de ce système est que
même si la côte de l'entreprise s'effondre le manager ne perd pas
d'argent. Cela permet au manager d'éviter de subir
l'éclatement d'une bulle spéculative, mais d'un autre coté
on peut s'interroger ; comment responsabiliser le manager avec un
système incitatif qui ne le sanctionne en aucune circonstance ?
Même s'il est licencié il part avec un parachute
doré ; nous y reviendrons. Bien sûr avec ce système
le manager va bénéficier d'effets d'aubaine, lorsque la tendance
est à la hausse ou que le secteur est en croissance, même les
managers qui ont réalisé de mauvaises performances (par rapport
aux concurrents ) peuvent faire des plus values. Il faudrait mettre en place
des stock-options indexés sur la moyenne du secteur et sur la tendance
générale du marché (Arye Bebchuk et Fried 2003).
Un autre problème se pose lorsque le manager a
levé son option, pour que la rémunération soit de nouveau
sensible à la performance il faut donner de nouveaux stock-options au
manager (Arye Bebchuk et Fried 2003).
A ce niveau, se pose aussi le problème des conditions
dans lesquelles on autorise le manager à lever son option. Les contrats
prévoient des périodes durant lesquelles les managers peuvent
faire valoir leurs droits ainsi que d'autres contraintes, cependant il est
très difficile d'empêcher toute manoeuvre orchestrée par le
manager . Les dirigeants qui prévoient de lever leurs options
peuvent tenter de camoufler les mauvaises nouvelles en manipulant les comptes,
ils peuvent aussi choisir des projets moins transparents ou rendre opaques
des projets existants (Bar-Gill et Bebchuck 2003 cités par Arye
Bebchuk et Fried 2003).
Régulièrement, la presse financière fait
écho de managers ayant levé leurs options avant d'annoncer des
nouvelles catastrophiques, qui les conduisent ...à toucher leur
parachute doré !
Concernant les parachutes dorés, comme nous l'avons
déjà dit plus haut, ils sont censés servir à
réduire la tendance à l'enracinement du manager . Cependant
comme le soulignent Arye Bebchuk et Fried (2003) il n'est pas évident
que les parachutes dorés reflètent des contrats optimaux .
En effet ils réduisent la différence entre les gains
réalisés par le manager lorsqu'il a obtenu de bons
résultats et les gains qu'il réalise lorsque les résultats
de l'entreprise sont mauvais ; alors que les firmes dépensent
énormément d'argent pour créer un système
incitatif.
Pour conclure sur ce paragraphe ce qu'on peut dire, c'est que
les managers ont une réelle influence sur la forme et le montant de leur
propre rémunération. Ainsi la rémunération des
manager ne doit pas être seulement vue comme un moyen de traiter le
problème d'agence, mais comme partie intégrante du
problème d'agence (Arye Bebchuk et Fried 2003).
Comme nous l'avons vu, il est très compliqué de
faire fonctionner correctement un conseil d'administration. Il est difficile
pour les administrateurs de ne pas subir l'influence du manager ou des
corporations.
Même si aujourd'hui des progrès ont
été accomplis, notamment grâce à l'avènement
de la Shareholder value, nous ne devons pas oublier qu'avant les années
90 les conseils d'administration auraient pu être assimilés
à des chambres d'enregistrement des décisions prises par les
dirigeants.
Nous avons vu brièvement à quel point il est
difficile de mettre en place un système incitatif qui permet d'aligner
les intérêts des managers avec ceux des actionnaires. Avant les
années 80, managers et administrateurs détenaient une part
marginale du capital et les systèmes incitatifs étaient loin
d'être aussi élaborés qu'aujourd'hui ; ainsi les
intérêts des managers et des actionnaires divergeaient vraiment.
Cette divergence d'intérêts est criante lorsqu'on analyse les
décisions d'affectation du cash-flow libre prises par les managers dans
les années 70 et 80 . En effet ces derniers
préféraient investir le free cash-flow dans des projets non
rentables, plutôt que de le verser aux actionnaires sous forme de
dividendes.
Michael Jensen a été le premier à
proposer une théorie évoquant ce problème.
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