§5 Les risques inhérents au LBO
Si le fort taux d'endettement a des avantages, il a aussi des
inconvénients. Durant la deuxième moitié des années
80 environ un tiers des LBO ont été mis en cessation de
paiement . Plusieurs explications ont été avancées,
la plus communément admise est celle de la surévaluation des
firmes cible lors des rachats. Les très bonnes performances des LBO lors
de la première moitié des années 80 ont été
à l'origine de la multiplication du nombre d'offreurs potentiels,
précisons que les enchères pour le rachat de firmes ont
été nombreuses à cette époque. Les offreur se sont
véritablement affrontés, ce qui les a conduits à
surévaluer les cibles ( Holmstrom et Kaplan 2001) .
En matière de LBO il n'existe pas de règle
absolue pour déterminer le levier optimal ; on est dans le domaine
du sur mesure (Chérif 2004). Ces rachats, lors desquels les cibles ont
été surévaluées, ont été à
l'origine de montages financiers trop tendus. Il est arrivé que le
montant de la dette soit dix fois supérieur à celui des capitaux
propres (Jensen 1988). Dans ces circonstances, les dividendes remontés
au holding sont si élevés que la firme ne peut financer son BFR
ou des investissements nécessaires au maintient et au
développement de son activité .
On peut aboutir à des situations de sous investissement
concernant l'outil industriel, les systèmes d'information ou la
recherche et développement et finir avec des équipements non
adaptés aux contraintes réglementaires . Ainsi un fort taux
d'endettement peut se traduire à long terme par une diminution de la
valeur de l'entreprise. A ce sujet Stulz (1990) cité par Shérif
(2004) souligne que dans les firmes où le free cash-flow est
insuffisant, l'utilisation de la dette peut entraîner une diminution de
la richesse des actionnaires. En effet dans une telle situation, les
dirigeants ne peuvent pas convaincre les actionnaires que les fonds sont
insuffisants pour investir dans tous les projets rentables. Ceci est dû
à une asymétrie d'information entre actionnaires et dirigeants
.
Dans une entreprise lourdement endettée, appartenant a
une industrie high-tech , si un choc technologique se produit elle risque de ne
pas avoir les moyens d'investir massivement et rapidement pour ne pas perdre
ses parts de marché, on a donc un exemple de l'impact négatif de
la dette sur la richesse de l'actionnaire .
Bien souvent, ces situations de surendettement conduisent
à la mise en cessation de paiement des entreprises concernées.
Même si les méthodes d'évaluation sont de plus en plus
sophistiquées « monter un LBO , c'est faire
un pari sur la rentabilité future de l'entreprise, sur sa
capacité à maintenir ou à faire progresser ses parts de
marché » Cherif (2004).
Le deuxième écueil qui guette les
LBO correspond aux retournements conjoncturels, ils peuvent
entraîner soit une baisse du chiffre d'affaire soit une augmentation des
coûts d'achat ou encore l'apparition de charges ou d'investissements
exceptionnels nécessaires au maintient de l'activité (par exemple
notre principal concurrent sort un nouveau produit qui rend le notre
obsolète). Ainsi on va avoir des cash-flow inférieurs à
ceux qui étaient prévus dans le business plan initial du LBO et
donc insuffisants pour servir le remboursement de la dette .
Cela nous conduit à nous interroger sur
l'utilité d'un certain pouvoir discrétionnaire pour le manager et
de la présence d'un trésor de guerre dans les caisses de
l'entreprise.
Incontestablement, c'est la discipline imposée par la
dette qui permet de réduire les coûts d'agence. Ainsi on explique
les très bonnes performances des LBO et par là même les
sources des gains issus des rachats .
D'une certaine manière la dette permet de
légitimer la discipline imposée. Plus précisément,
les restructurations sont entreprises sans états d'âme, elles font
partie du plan de remboursement de la dette.
Concernant la réduction du pouvoir
discrétionnaire des managers il n'y a pas que des aspects
positifs. Si un endettement trop faible peut conduire à une diminution
de la valeur de l'entreprise à cause des investissements non rentables
réalisés par les managers, un endettement trop fort peut aussi se
traduire par une diminution de la valeur de l'entreprise (parce que
l'entreprise n'aura pas les moyens de faire les investissements
nécessaires au maintien de l'activité ).
Jensen (1988) nous dit : « Le ratio
optimal dette/actions est celui qui maximise la valeur de la
firme ; le point où les coûts marginaux de la dette
compensent juste le profit marginal. »
Le problème réside dans le fait que des
évènements imprévisibles peuvent se produire ;
l'avenir est irréductiblement incertain. Aucune entreprise n'est
à l'abri d'une nouvelle technologie lancée par un concurrent qui
l'obligerait à investir à son tour pour ne pas perdre ses parts
de marché. Ainsi vouloir enlever tout pouvoir discrétionnaire au
manager en lui imposant un taux d'endettement maximal correspond à une
importante prise de risque pour l'investisseur.
L'idéal est d'avoir un taux d'endettement qui permette
à l'entreprise d'avoir une marge de manoeuvre en cas de problème.
C'est là que le conseil d'administration doit jouer pleinement son
rôle de contrôleur et de guide pour les managers.
Quoi qu'il en soit, le LBO dépasse aujourd'hui le
statut de montage juridico- financier et apparaît comme un modèle
emblématique de gouvernement d'entreprise. Il a permis de
démontrer que les grandes entreprises cotées dans les
années 80 aux Etats Unis étaient loin d'être efficientes.
Le mode de gestion des LBO dans les années 80 a servi d'exemple aux
managers des firmes cotées, les LBO ont forcé les dirigeants
à admettre que tous les capitaux ont un coût et ainsi
contribué à imposer la shareholder value.
Le financement des LBO par les junk bonds a
véritablement bouleversé le fonctionnement de l'économie
américaine dans la mesure où pour la première fois dans
l'histoire, la taille n'était plus une protection contre les OPA.
Face à cette menace, les managers des firmes
cotées ne sont pas restés sans réactions. Au début
de la décennie ils ont commencé par endetter leurs firmes
afin de racheter leurs propres actions, puis, durant la
deuxième moitié de la décennie la riposte s'est
organisée sur le terrain juridique.
|