§4 Les explications de l'efficience dans les
LBO : la réduction des coûts d'agence
Pour expliquer la forte amélioration des
performances dans les LBO , nous ne pouvons nous contenter d'invoquer les
leviers financiers et fiscaux . La question est de savoir ce qui fait
qu'on parvient à faire fonctionner des leviers financiers d'une telle
ampleur . Qu'est ce qui fait qu'une entreprise va réussir en sept
ans à générer des cash-flow qui vont permettre de
rembourser une dette qui correspond à 80% de sa valeur, voir
plus ? Nous avons montré dans la première section que
les transferts de richesse ne permettaient pas d'expliquer la plupart des gains
issus des rachats . D'après Jensen (1986,1988,1989) c'est la
réduction des coûts d'agence permise par la discipline
imposée par la dette qui permet d'expliquer les gains des offreurs. Dans
ce cas on parle d'une véritable création de richesse. Notons que
la réduction des coûts d'agence peut être à l'origine
de transferts de richesse notamment au détriment des
salariés ; en effet plus les managers détiennent une part
importante du capital , plus ils sont enclin à réaliser les
restructurations nécessaires (notamment les réductions
d'effectifs et de salaires ). Les restructurations réalisées au
début du LBO sont incontestablement à l'origine d'une partie des
gains issus du rachat.
En fait si les transferts de richesse n'ont rien de
systématique dans un LBO, ce qui est systématique c'est la
réduction des coûts d'agence (créatrice de richesse pour
l'actionnaire ).
D'après la théorie du cash-flow libre, les
coûts d'agence sont exacerbés dans les entreprises qui
génèrent beaucoup de cash-flow et qui n'ont pas de réelles
opportunités d'investissement. Dans ces entreprises les managers vont
préférer réaliser des investissements à VAN
négative au lieu de verser des dividendes.
Cela est en partie lié à l'imperfection du
système de rémunération (dans les années
80 , les dirigeants des entreprises américaines détenaient
en moyenne 0.25% du capital de leur entreprise ce qui est trop peu).
Dans le LBO, le fort taux d'endettement va avoir plusieurs
conséquences à l'origine de la réduction des coûts
d'agence :
- Il va déclencher, tout de suite après le
rachat, des restructurations (cessions d'actifs, licenciements).
- Il permet de réduire, voir d'annuler le pouvoir
discrétionnaire des managers.
- Dans le LBO le manager est aussi un investisseur, s'il
atteint les objectifs qui lui ont été fixés, il aura sa
part dans la plus value réalisée par les investisseurs lors de la
revente de la société, une fois la dette remboursée.
- Les investisseurs, peu nombreux, exercent un contrôle
minutieux sur le manager.
A) Les restructurations
Le surendettement peut être désirable et efficace
lorsqu'il donne un sens économique au démantèlement d'une
entreprise, à la vente de divisions, et au recentrage sur le
métier de base (Jensen 1989).
Les investisseurs qui se sont endettés lourdement pour
racheter une entreprise commencent par se séparer des divisions ou
filiales pas ou peu rentables. Les montages financiers étaient
faits en fonction des restructurations prévues. D'une part ces cessions
d'actifs ont immédiatement permis de réduire le taux
d'endettement qui dans les années 80 a bien souvent
dépassé les limites du raisonnable à cause de
l'utilisation des junk bonds et des guerres entre offreurs ; d'autre part
les impératifs liés au remboursement de la dette font qu'il est
urgent et indispensable de se séparer des actifs dont la
rentabilité n'est pas supérieure aux taux
d'intérêts. En effet ce sont les cash-flow de la cible qui doivent
servir à rembourser l'emprunt . Berger et Ofek (1996) trouvent que
lorsque le rachat est financé par l'emprunt la probabilité de
démantèlement de la cible est plus élevée.
Les restructurations sont liées au fort taux
d'endettement qui lui même explique en partie la réduction des
coûts d'agence. Certains auteurs considèrent les restructurations
comme une conséquence de la réduction des coûts
d'agence.
D'après Phan et Hill (1995) cités par
Bruton, Keels et Scifres (2002) lorsqu'une firme devient privée
après un rachat, il n'est pas étonnant que les managers
propriétaires aient tendance à lancer des programmes de
restructuration, c'est à dire des changements opérationnels et
stratégiques ayant pour but d'augmenter l'efficience de la firme.
Pour Holthausen et Larcker (1996) cités par Bruton
,Keels et Scifres (2002) plus les managers détiennent une part
importante du capital, plus ils sont incités à faire des choix
qui vont augmenter la valeur pour l'actionnaire .
Liebeskind ,Wierseman et Hansen (1992) cités par
Cherif (2004) proposent une théorie qui trouve l'origine des gains
réalisés au travers des LBO dans la réorganisation
industrielle. Celle ci permet une plus grande efficacité dans
l'organisation et de ce fait vise à l'élimination de tout goulot
d'étranglement dans l'entreprise par une réduction de la taille ,
un recentrage de l'entreprise sur son métier d'origine ou une
réorganisation du portefeuille d'activités.
Cependant, s'il est incontestable que les restructurations
sont à l'origine d'une partie importante des gains de
productivité observés dans les LBO, elles ne sont pas seules
à l'origine des très bonnes performances réalisées
par les LBO .
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