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Le rôle disciplinaire des OPA durant la vague de rachats des années 80 aux USA.

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par Antoine SUZZONI
Université de Nice Sophia Antipolis - DEA MASTER 2 2004
  

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§2 Le lien entre mauvaises performances et remplacement des dirigeants

Le ratio Tobin's Q des firmes ayant subi un turnover complet est 0.734 ce qui est 27% inférieur au ratio moyen des firmes non rachetées (0.932) (Morck, Shleifer et vishny 1989). D'après ces auteurs, les cibles des rachats après lesquels les dirigeants de la cible ne sont pas remplacés ont en moyenne des performances 4.35% supérieures à la moyenne de leur industrie ; tandis que les cibles des rachats après lesquels les managers sont remplacés ont en moyenne des résultats 15.38% inférieurs à la moyenne de leur industrie . On a donc une mise en évidence du rôle directement disciplinaire joué par les OPA, qui permettent de remplacer l'équipe managériale lorsque le conseil d'administration ne veut pas ou ne peut pas le faire (Martin et Mc Connell 1991) .

Mikkelson et Partch (1997) ont comparé le turnover du management des firmes industrielles américaines non rachetées durant une période où les OPA furent nombreuses (1984 à 1988) et durant une période où les OPA furent moins nombreuses (1989 à 1993). Ils trouvent que parmi les firmes appartenant au plus bas quartile de performance (mesurée par le ratio revenu/actifs), 33% connurent un turnover complet (PDG et président du conseil) durant la période d'OPA active , alors que seulement 17% des firmes appartenant au quartile de performance le plus bas connurent un turnover complet entre 1989 et 1993.

Les auteurs trouvent que parmi les firmes qui n'ont pas été rachetées, la relation inverse entre la performance et la probabilité de remplacement des managers disparaît durant la période où les OPA sont moins nombreuses. Nous serions tentés d'expliquer cela en disant que c'est la pression disciplinaire exercée par la menace d'OPA qui aide les conseils d'administration à se débarrasser des managers inefficaces . Cependant, la période où les OPA furent moins nombreuses (1989 à 1993) inclue une phase de récession qui peut servir à expliquer la faiblesse du lien entre les mauvaises performances et le turnover des managers. En fait les résultats de Mikkelson et Partch sont difficiles à interpréter car nous n'avons pas de certitudes quand aux causes de la diminution du nombre d'OPA à la fin des années 80 (une partie du chapitre 5 sera consacrée à cette question). Si l'on considère que ce sont les pilules empoisonnées et les lois anti-OPA qui sont à l'origine de la fin de la vague d'OPA, (Coffe 1991, Pound 1992 cités par Danielson et Karpoff 1998 ) on peut considérer qu'elles sont aussi responsables de la baisse du turnover managérial dans les entreprises en difficulté (les pilules et les lois isolent les managers de la discipline imposée par le marché). Cependant d'après Comment et Schwert le déclin de la vague d'OPA est plus lié à la récession et au crédit crunch qu'aux pilules empoisonnées et aux lois anti-OPA. Si l'on s'en tient à ces explications, on aura plutôt tendance à expliquer la baisse du turnover managérial dans les entreprises en difficulté par le fait que durant une crise économique, les managers ne sont pas complètement responsables des mauvaises performances de leurs entreprises et que les administrateurs en tiennent compte (Mikkelson et Partch 1997).

Ainsi, l'industrie américaine a été transformée, adaptée à un nouvel environnement grâce à l'outil OPA . L'analyse des faits confirme que les OPA ont bien servi à adapter des entreprises et plus largement des industries à des changements brutaux qui ont pris au dépourvu les managers. Ces chocs ont mis en évidence l'incapacité des dirigeants et des conseils d'administration à restructurer radicalement leurs entreprises alors que cela était nécessaire. Ainsi des raiders comme Carl Icahn ou James Goldsmith ont forcé l'industrie américaine à se restructurer malgré la résistance sociale. Ces rachats ont permis aux actionnaires de percevoir des primes d'un montant pouvant aller jusqu'à 50% de la valeur des actions ; ce qui était inespéré pour eux . Les raiders ont montré que l'inefficience des firmes n'était pas inéluctable et qu'en mettant en oeuvre une gestion rigoureuse il était possible de verser des dividendes colossaux aux actionnaires .

Si les OPA ont été si nombreuses et les primes si élevées durant les années 80, c'est bien parce que les offreurs avaient compris que racheter des entreprises pour les restructurer et les réorganiser constituait une activité très lucrative . Durant cette vague d'OPA on peut considérer qu'il y a eu deux types de rachats : les rachats d'une entreprise par une autre qui conduisent à des restructurations et aboutissent à une fusion et les rachats LBO (leveraged buy out) lors desquels des financiers rachètent une entreprise cotée, lui font quitter le marché , la restructurent et la réorganisent afin de rembourser les prêts contractés. Dans le chapitre qui va suivre nous verrons plus en détail, notamment en nous intéressant aux LBO , quelles sont les sources des gains issus des rachats.

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