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Les finalités éducatives des professionnels et les enjeux liés à  la résilience dans l'accompagnement socio-éducatif. Une étude de cas au lycée Ettore Bugatti (Illzach) et au saj (Neuf-Brisach).

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par Holly & Anne MANY & HERMMANN ISRAEL
Université de Haute Alsace - Master 2 Sciences de là¢â‚¬â„¢éducation 2016
  

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Partie II

Approche théorico-descriptive

PARTIE 2 :

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APPROCHE THÉORICO-DESCRIPTIVE

Champ scolaire : Présentation du Lycée Ettore Bugatti : 2. Il était une fois...Le Lycée Ettore Bugatti 13

Le Lycée Ettore Bugatti est un établissement d'enseignement professionnel situé dans la commune d'Illzach. Cet établissement a vu le jour le 20 octobre 1946 sous l'auspice du Syndicat des Garagistes de Mulhouse et Direction de l'Enseignement Technique. Il fut créé sous le nom de Centre d'Apprentissage pour les Métiers d'Entretien et Réparation de l'Automobile et logé dans l'enceinte d'une ancienne usine de textile au 44 rue Lavoisier à Mulhouse dans les quartiers Briand et Franklin. La création d'un Centre de formation de l'automobile à Mulhouse fut le fruit de l'initiative des acteurs privés et publiques de l'époque dont l'objectif principal était de répondre aux besoins de main d'oeuvre qualifiée des garagistes locaux. Dans un entretien accordé à au journal Est Matin de 1949, M. Ostertagi, le premier directeur du centre déclara ceci au quotidien :

« Croyez-moi, ce qu'il faut à la France, ce ne sont pas seulement des intellectuels et des scientifiques, ce qu'il faut, ce sont avant tout de bons ouvriers qualifiés qui sachent travailler avec conscience, avec, comme le dit une de nos affiches : Ordre, propreté, précision, réflexion et méthode. »

Dans son allocution, il précisa que les jeunes nouvellement intégrés en Centre de formation sont pris en main attentivement, suivis et conseillés et rajouta ceci, toujours dans le même ordre d'idée :

13 Ces informations proviennent de documents des archives de Mulhouse. Extrait du journal Est Matin du 2 juin 1949 et extrait du journal d'Alsace du 17 juillet 1947.

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« Oui et ce fut un tort, nous avions trop de « bricoleur » en France. Heureusement qu'un pas a été fait en avant. D'ailleurs, vous allez pouvoir vous rendre compte de visu des efforts que nous faisons dans ce sens ».

Il faut souligner que les Centres d'apprentissage prirent naissance en France à partir du Décret du 3 novembre 1939, dont l'objectif était de répondre aux besoins de main d'oeuvre des industries de guerre. La formation en centre était donc accélérée et n'aboutissait pas à l'obtention d'un diplôme. Cependant, il faudra attendre la promulgation de la loi du 21 février 1949 pour que les Centres d'apprentissage adoptent un nouveau statut leur permettant non seulement de former des ouvriers et employés qualifiés de l'industrie mais aussi de les préparer sur une durée de trois ans au diplôme de CAP. 14

Au tout début, la gestion du Centre d'Apprentissage pour les Métiers d'Entretien et Réparation de l'Automobile, était assurée par seulement 5 personnes15, composée probablement d'agents, de professeurs et du directeur. Le personnel enseignant avait pour obligation de participer à des stages de perfectionnement de courte durée dans les Ecoles normales nationales d'apprentissage. En outre, des sessions régionales de deux à trois jours étaient organisées autour de l'enseignement technique et pédagogique16. Cependant, trois ans après l'inauguration du Centre, on comptait près de 300 apprentis en formation et 11 professeurs spécialisés. Les cours s'étalaient sur une durée de trois ans et étaient sanctionnés au terme de ces trois années par un diplôme d'Etat de CAP (examen à l'appui). Le déroulement des études se déroulait à temps complet en première année puis à temps réduit les deux dernières années sur un quota horaire de 8h par semaine. Il existait deux sections de formation destinées aux apprentis. Ceux-ci pouvaient s'inscrire soit en Mécanique automobile (mécanique, électricité, carrosserie) ou soit en Mécanique générale (ajustage et tournage). Un examen d'entrée était exigé à tous les candidats voulant intégrer le centre de formation. Ceci dit, on considérait que l'examen d'entrée

14 Extrait du bulletin officiel de l'éducation nationale du 2 mars 1950, No. 8. Service des archives de Mulhouse.

15 Document interne Lycée Bugatti

16 Extrait du bulletin officiel de l'éducation nationale No 7 du 24 janvier 1946. Service des archives de Mulhouse.

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était excessivement facile et consistait à contrôler leur connaissance en dictée et en calcul. Ce test avait pour but d'orienter professionnellement les nouvelles recrues afin d'éviter qu'ils se retrouvent dans l'obligation de changer de cursus en cours d'apprentissage17.

 
 

Image 1. Extrait du service des archives de Mulhouse. 11 septembre 1954.

 

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Une fois acceptés, ces jeunes garçons âgés de 14 à 20 ans devaient d'abord faire un essai de trois mois intitulé stage de préapprentissage18. Un enseignement technique mais surtout pratique était dispensé et ils étaient initiés également à un enseignement général en grammaire, histoire et mathématiques. Le Bulletin Officiel de l'Education nationale du 24 janvier 1946 voulait que les enseignements généraux soient en harmonie avec les enseignements techniques. Selon les informations recueillies de ce bulletin officiel, il était nécessaire, voire indispensable de concilier savoir généraux et savoirs techniques dans le programme pédagogique du Centre, comme le montre ce paragraphe :

« Il convient aussi de veiller à ce que les enseignements professionnels, les enseignements généraux et les activités dirigées soient harmonisées afin que l'un ne soit pas sacrifié à l'autre. Nous devons former des hommes et non seulement de bons manuels. »

17 Extrait d'un courrier du Directeur adjoint du Centre au maire de Mulhouse le 28 juin 1954. No 3453/35-AO/JH. Archives de Mulhouse.

18 Extrait du Bulletin Officiel de l'Education nationale No 7 du 24 janvier 1946. Service des archives de Mulhouse.

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En effet, les spécialistes de l'Education de l'époque croyaient qu'il était possible d'intéresser ces enfants inscrits en Centre d'apprentissage, à des activités intellectuelles autres que les travaux manuels, si la pédagogie était bien adaptée et tenait compte de leur profil d'apprentissage19. En clair, on proposait déjà à l'époque une pédagogie différenciée.

En 1957, dix ans après l'ouverture du Centre d'Apprentissage pour les Métiers d'Entretien et Réparation de l'Automobile, celui-ci fut transféré au 42 rue Lavoisier de Mulhouse dans bâtisses d'une usine désaffectée et devint le Collège Technique Industriel (CET) de Mulhouse sous la direction de M. Hautval. Ce nouveau statut de collège technique, permettait désormais au centre de dispenser un enseignement polyvalent et de former non seulement des ouvriers-employés qualifiés de l'industrie mais aussi des techniciens, agents de maitrise et chefs de service. Durant l'année académique 1966-67, on estimait que le nombre de demande d'admission s'élèverait à 1000 candidats par année.

Cette même année, certaines candidatures ont été refusées par faute de place car la capacité d'accueil de l'établissement était limitée à 630 élèves. La plupart des candidats venaient du Sud du Département du Haut Rhin20. Le nouveau bâtiment disposa de 9 salles de classe au lieu de 4 et de 2840 m2 au lieu de 450 et d'un internat pouvant accueillir 150 pensionnaires21. Le collège technique industriel (CET) proposait deux nouvelles formations en électromécanique et électronique. Ces sections étaient ouvertes également ouvertes pour les jeunes filles sortant des classes de 5e et 4e. Une formation sur deux ans pour les métiers cités précédemment était aussi accessible pour les garçons et les filles sortant de la 3e22. Par ailleurs, les jeunes finissant l'école primaire pouvaient intégrer

19 Extrait du Bulletin Officiel de l'éducation nationale No 7 du 24 janvier 1946, p. 4. Service des archives de Mulhouse

20 Extrait du service des archives de Mulhouse. Journal « les dernières nouvelles du 19 septembre 1968.

21 Extrait du journal d'Alsace du 22 avril 1967.

22 Extrait du journal « Les dernières nouvelles du Haut Rhin » du 1er Juin 1967.

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directement le CET, comme le montre la coupure de presse en infra du journal d'Alsace du 14 mai 1964.

 
 

Image 2. Photo du nouveau Collège industriel Technique de Mulhouse, 42 rue Lavoisier.

Il faudra attendre 1991 pour que le Collège Technique Industriel de Mulhouse devienne le Lycée professionnel Ettore Bugatti. Ce changement de dénomination s'effectua en vue de s'adapter à l'évolution de la société et d'être conforme aux nouvelles exigences formulées par les politiques éducatives. Il faut savoir que les collèges techniques industriels furent équivalents aux collèges du secondaire. Les premiers dispensaient un enseignement technique tandis que les seconds visaient un enseignement général. Les réformes de l'enseignement technique et professionnel entreprises dans les années 1980, supprimèrent les collèges techniques industriels qui devenaient des lycées professionnels et techniques accueillant les élèves à partir de la seconde23. In fine, il faudra retenir certaines dates importantes marquant l'évolution et le développement du Lycée Ettore Bugatti pendant ces 70 années d'existence à Mulhouse 24:

? 1957 : Transfert du Centre d'Apprentissage pour les Métiers d'Entretien et Réparation de l'Automobile au 42 rue Lavoisier de Mulhouse dans bâtisses d'une usine désaffectée.

23 Jean Charles Lambert, inspecteur de l'éducation nationale enseignement technique. Sotec 2006, approche historique et épistémologique enseignement professionnel, p.9.

24 Extrait de document archivé au Lycée Bugatti. Voir en page annexe.

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Le nouvel établissement fut baptisé sous le nom de Collège Technique Industriel de Mulhouse.

Image 3. Un jeune apprenti manipulant une machine au collège technique industriel 42 rue Lavoisier. Extrait du journal « les dernières nouvelles du 19 septembre 1968.

Image 4. Un jeune apprenti travaillant en atelier sous le regard de son professeur au collège technique industriel 42 rue Lavoisier. Extrait du journal « les dernières nouvelles du 19 septembre 1968.

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? 1975 : Création des filières CAP conducteurs routiers, CAP dessinateurs en construction électrique et BEP électrotechnique.

? 1985 : Création de la filière BAC professionnel

? 1986 : Création de la filière BEP carrosserie.

? 1987 : Inauguration d'un nouveau bâtiment (le site actuel) à Illzach, 8 rue des jonquilles

par Mme Michèle ALLIOT-MARIE, secrétaire d'Etat chargée de l'enseignement25. ? 1989 : Création de la filière BTS Exploitation des Véhicules à Moteur, qui est devenue

aujourd'hui BTS Maintenance et Après-Vente Automobile.

25 Page web consultée: http://discours.vie-publique.fr/notices/873168400.html

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? 1991 : Le Collège Technique Industriel de Mulhouse devint le Lycée Ettore Bugatti. ? 2002 : Le label « Lycée des métiers » fut attribué au Lycée Ettore Bugatti. Celui-ci

atteste de la qualité et des modes diversifiés des formations destinés à des jeunes ou

adultes en formation initiale ou continue. 26

2.1 Le Lycée Ettore Bugatti à Mulhouse : Un regard historico-critique

Ne serait-il pas important de souligner que les quartiers Briand et Franklin, territoires sur lesquels le Lycée Ettore Bugatti fut implanté à l'origine, ont été créés entre 1853 et 1910 selon un modèle anglais par le patronat industriel de l'époque, car l'expansion de la révolution industrielle exigeait un aménagement spécifique du territoire facilitant la proximité de la main d'oeuvre avec les lieux de production !? De cette nouvelle politique territoriale, de nombreux logements pour ouvriers (avec accession à la propriété) ont été construits. Cependant, à partir des années 1950, les logements et les espaces publics devenaient inadaptés et les investisseurs privés s'intéressaient de moins en moins à ces territoires au profit de nouveaux quartiers établis au centre-ville de Mulhouse et ses périphéries27. En outre, l'après-guerre engendra une grave crise économique. Une masse de jeunes se retrouvaient sans emploi et la ville qui comptait 105.000 habitants en 1914 étaient passés à 87.000 en 194628. Il fallait redynamiser les espaces et donner un nouveau souffle à la ville de Mulhouse. Dans une missive datant de mars 1947 du Conseil National du Patronat Français à un député de Paris, il est mentionné ceci :

En effet, un pays ruiné comme le nôtre par les années de guerre et d'occupation qui se trouve en compétition avec de puissantes nations qui ont bénéficié de ces mêmes années pour accroitre leur potentiel de production et les capitaux dont

26 Cf. C. n° 2001-261 du 17-12-2001 (B.O. n° 47 du 20-12-2001). Texte adressé aux rectrices et recteurs de l'académie.

27 CUCS 2007-2009 p. 41-42.

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elles disposent, nul redressement économique n'est concevable sans une effort puissant et efficace de l'ensemble de la production.

C'est dans ce contexte socio-économique difficile que le Centre d'Apprentissage pour les Métiers d'Entretien et Réparation de l'Automobile connu aujourd'hui sous le nom de Lycée Ettore Bugatti, fut créé et s'est développé dans le paysage mulhousien au cours de ces dernières années. Cet établissement représente un symbole fort de résilience de la vie économique et industrielle de Mulhouse. L'idée phare de cette époque d'après-guerre consistait à reconstruire la France, en relançant l'économie par l'éducation et la formation des jeunes. L'industrie automobile représentait l'avenir et offrait de très belles perspectives en termes d'emploi pour la jeunesse. On constate que les acteurs socio-politiques semblaient se soucier sincèrement, de la formation de ces jeunes issus pour la plupart, de la classe ouvrière, comme nous le montre un extrait de ce journal d'Alsace du 22 avril 1964 :

Pour le collège technique industriel de la rue de Lavoisier, ce développement a été relativement rapide. La formation tournée vers les carrières de l'automobile a évolué sur le plan technologique, mais les effectifs des élèves se sont stabilisés dans cette branche, tandis que de nouvelles spécialités étaient créées selon les besoins de branches industrielles en expansion. Révolu le temps où le C.A.P d'ajusteur semblait devoir convenir à tout, caduque la terminologie qui faisait de chaque mécanicien un « serrurier ».

Par ailleurs, nous pensons qu'il est fort probable, que l'installation en 1946 du Centre d'Apprentissage pour les Métiers d'Entretien et Réparation de l'Automobile dans les quartiers ouvriers de Briand Franklin, s'insère dans une logique de proximité avec les garages et entreprises industrielles mais aussi pour répondre aux besoins en matière d'éducation et d'insertion professionnelle des populations vivant sur ces territoires. Par ailleurs, depuis les années 1950, la grande majorité des entreprises mulhousiennes sont concentrées dans la partie sud de la ville et de son agglomération et ceci jusqu'à nos jours comme l'indique la carte ci-dessous.

Durant ces années, des zones industrielles et de commerce ont été créés dans la partie Sud de Mulhouse et de ses agglomérations dans un souci d'aménagement de la région, car faute de

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place, car « il devenait impossible de réserver des terrains industriels sur Mulhouse même »29. Ces travaux ont été réalisés sous le mandat d'Emile Muller, maire de Mulhouse de 1956 à 1981.

Partie Nord de Mulhouse et agglomération : Ancien bassin potassique. Sites miniers fermés aujourd'hui. Revenus des ménages moins élevés que la partie Sud de Mulhouse.

Partie Sud de Mulhouse et agglomération : Proximité avec l'Allemagne et la Suisse. Zone transfrontalière. Plus on va vers le sud de Mulhouse plus les revenus des ménages sont élevés. Les quartiers les plus cossus se retrouvent à l'extrême sud de Mulhouse.

Figure n°3 : Cartographie de la ville de Mulhouse30.

Par ailleurs, toute cette partie Sud de Mulhouse est située à proximité de l'Allemagne et de la Suisse, ce qui favorise une forte dynamique économique transfrontalière 31 par rapport à la partie nord constituant le bassin potassique de cette région. En somme, nous pouvons donc déduire que l'emplacement actuel du Lycée Ettore Bugatti à Illzach, qui se situe dans la partie

29 A 155, Mulhouse 1953-1965 12 années d'activités municipales p. 20. Service des archives de Mulhouse.

30 CUCS 2007-2009 p. 7C

31 Ibid p. 7

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Sud de l'agglomération mulhousienne, suit probablement une logique de proximité entre le lieu de formation et entreprises de l'automobile, du transport et de la logistique, compte tenu des offres de formation que l'établissement propose actuellement (ce qui a été confirmé par le Proviseur du lycée lors d'un entretien).

Si travailler dans l'industrie représentait l'avenir pour les jeunes issus la classe pauvre, d'où la nécessité de leur donner un accès libre et gratuit à une formation qualifiante, il faudra également souligner qu'il existe depuis belle lurette une dichotomie dans l'histoire de l'éducation en France. Plusieurs données historiques sur le sujet nous apportent certains éclaircissements. A priori, l'installation d'un centre de formation aux métiers de l'automobile en 1946 dans les quartiers ouvriers de Briand et Franklin ne relèveraient pas du hasard. Ainsi, une étude de François Dubet en 1991 sur les lycées nous montrent qu'en France, la tradition veut que les établissements réputés être de « bons lycées », qui de surcroit dispensent souvent un enseignement général et destinés à des élèves qualifiés de bons , « sont placés au centre d'un quartier intellectuel, près des universités, maisons d'édition et café où l'on peut toujours croiser un intellectuel »32, par rapport aux lycées professionnels considérés d'un point de vue élitiste, comme des lycées « poubelles » sont situés, par contre, à la périphérie des villes33. Ces derniers ont la réputation d'accueillir ce qu'on appelle « les mauvais élèves » ou encore ceux qu'on considère qui « bons pour des métiers manuels ». Quoiqu'en Alsace, la mentalité semble un peu différente. Selon les propos de Monsieur Neher, Proviseur du lycée Ettore Bugatti, il existe dans la région une certaine valorisation des diplômes professionnels tels que le C.A.P. Ceci semble tellement vrai, que pendant longtemps, le Lycée Ettore Bugatti a joui d'une très bonne réputation dans le Haut-Rhin de par sa qualité d'enseignement technique, son professionnalisme et son sérieux.

Du reste, on remarque qu'au début du XIXe siècle, les avancées et les progrès de l'industrialisation en Europe ont incité les acteurs privés et publiques à créer des écoles

32 (Dubet, 1991, p. 34)

33 (Dubet, 1991, p. 91)

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professionnelles qui deviendront plus tard des lycées techniques, afin de pourvoir à une demande de main d'oeuvre qualifiée, de contremaitres, chefs d'atelier, dans l'industrie (Sagnes, 1995, p. 24). De cette initiative naitront d'une part, des écoles professionnelles prestigieuses comme Pont et Chaussée, l'École des mines, l'École polytechnique, visant à former des cadres supérieurs de l'industrie (Ibid., p.24). Ainsi, les recherches historiques montrent que les industriels mulhousiens ont été reconnus pour être des avant-gardistes dans la création d'établissements professionnels et techniques prestigieux. Par exemple, en 1898, Mulhouse disposait déjà d'un grand nombre d'établissements élitistes tels que l'École de Chimie (1822), l'École de Dessin (1829) et les Écoles supérieures de Tissage et de la Filature (1864)34.

D'un autre côté, il existait parallèlement des écoles professionnelles moins prestigieuses, accessibles à la plèbe, ayant pour objectif de former des ouvriers et des employés qualifiés de l'industrie35. Ainsi, il faudra retenir que Mulhouse fut reconnue par Charles X en 1828 comme la capitale de l'industrie française36. Elle fut l'une des premières villes de France en 1853, à se lancer dans la création d'écoles professionnelles visant à former des ouvriers qualifiés pour les métiers industriels, sous l'impulsion du ministre de l'instruction publique Fortoul et du recteur de l'Académie de Strasbourg, alors que le reste de la France était encore au stade embryonnaire en la matière37.

En effet, le système scolaire français à l'origine, a toujours fonctionné à deux vitesses. Il y avait l'école populaire pour les enfants d'origine modeste et l'école élite pour les enfants issus de milieux aisés (Sagnès, 1995). Il y avait toujours eu en quelque sorte, « une sélection des individus en fonction de leur système social et des grilles de valeurs les caractérisant » comme si la réussite scolaire d'un enfant dépendait essentiellement de son QI ou de son origine sociale

34 (Oberlé, 2002, p. 45)

35 (Ibid., p.24)

36 Annuaire historique de Mulhouse, 2011, Tome 22 p.85

37 (Ibid., p.43)

Le petit Lycée

Grandes écoles

Cadres d'entreprise

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(Pasquier, 1986, p. 75). Malgré le caractère unique et égalitaire prônée par Jules Ferry, on distinguait clairement l'école des « bons » pour ceux qui sont issus de classe aisée et l'école des « moins bons » pour ceux qui sont issus de classe ouvrière. Pour bien illustrer cette image de notre système éducatif, le philosophe français Antoine Destutt De Tacy déclara ceci à l'aube du XIXe siècle (Ibid., p.26) :

« Nous avons deux systèmes complets d'instruction publique. Les écoles primaires et les apprentissages des différents métiers, voilà l'éducation de la classe ouvrière. Les écoles centrales et spéciales, voilà l'éducation de la classe suivante, et je ne conseillerai pas plus à donner celle-ci à un enfant destiné à être artisan que donner la première à celui qui doit devenir homme d'état ou hommes de lettres »

En effet, l'Ecole républicaine laïque de la IIIe république « n'a jamais été unique et égalitaire sur le plan institutionnel comme le prétendait souvent nos coreligionnaires politiques de gauche ou de droite » (Sagnes, 1995,p. 12). Car la pensée de Jules Ferry de l'école consistait à ouvrir l'école à toutes les couches mais en séparant les enfants issus de familles aisées des enfants d'ouvriers et de paysans (Ibid., p.12).

Ecole
primaire

École

Professionnelle

Ouvriers

Enfants du
peuple,
enfants

Enfants de

la

bourgeoisie

43

Figure n°4 : L'organisation du système scolaire, selon Jules Ferry.

44

44

La littérature nous montre que la finalité éducative de l'école républicaine de Jules Ferry n'a jamais été démocratique voire égalitaire. Il faudra souligner que ce système a duré pendant longtemps jusqu'à la Ve république, où l'on préconisa une école unique avec un programme scolaire national unique, promouvant l'égalité des chances pour tout le monde mais restant soumise à une forme d'élitisme républicain (Sagnes, 1995, p. 16). Une déclaration du Ministre Christian Beullac dans le courrier de l'Education de 1978 appuie clairement cette assertion à travers ceci : « Le collège unique, ce n'est pas le collège uniforme, c'est le lieu où doit se réaliser l'égalité des chances » (Ibid., p.19). En effet, le système scolaire aujourd'hui est certes plus égalitaire, mais adopte un fonctionnement dichotomique...En d'autres termes, il existe une école accueille pour les meilleurs, l'élite, et une autre pour les « mauvais élèves ». Entre les deux, on retrouve un système intermédiaire destiné à la classe moyenne (Université). D'ailleurs, près de 30% du budget de l'État pour l'Education est alloué aux Grandes Ecoles (Fauconnier, 2004). Les questions qui découlent de notre réflexion sur ce système éducatif sont : Est-il possible de faire cohabiter les deux systèmes ensemble en créant des passerelles entre eux ? N'existe-t-il pas des méthodes pédagogiques comme celles de Feuerstein permettant à un enfant de pallier de très grandes difficultés d'apprentissage ? Car, cette méthode permet d'améliorer le déficit intellectuel d'un public à niveau intellectuel faible et d'accroitre sa capacité d'adaptation en utilisant des règles de pensée, des procédures intellectuelles, des processus d'acquisition et d'utilisation des connaissances38 . Alors, pourquoi en faire économie d'une telle méthode dans les classes spécifiques ou filières professionnelles de collège ou au de lycée ?

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