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La résistance au marketing dans le secteur agro-alimentaire.

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par Aliénor Miroudot
INSEEC Lyon - Master 2 Marketing, Communication et Stratégies commerciales 2016
  

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2- Les ressorts de la résistance

2-1 Les stratégies de résistance

Face au développement des pratiques commerciales ayant pour seul objectif d'engager un maximum de consommateurs dans un acte marchand (D. Roux, 2007) et de dégager des profits, on assiste à des comportements de « non-adhésion » envers les marques, les offres et les modèles affichés. En effet, le consommateur ne peut plus se contraindre à un cadre de représentations qu'ils évaluent de manière négative (S. Chreim 2006). Dans ce cas, il se manifeste et adopte des stratégies de défense qui peuvent être exprimées à travers des actions très diversifiées. Afin de mieux les comprendre, il est intéressant de se pencher sur leurs origines. Dès lors, on dissocie la résistance du client face à une firme et ses actions de persuasion. Par exemple, dans le secteur agro-alimentaire, les consommateurs dénoncent de plus en plus le rôle des entreprises face à l'évolution des problèmes de santé. Ne consommant principalement que leurs produits dans leur alimentation, ils assistent ouvertement à des crises alimentaires (Vache Folle, Viande de Cheval chez Findus), mais aussi à l'utilisation de produits peu sains, au milieu de discours dissonants, il va alors s'interroger et éventuellement trouver d'autres solutions. Ce profil est à dissocier des consommateurs très engagés dans des démarches citoyennes, comme le développement durable ou la permaculture, qui vont naturellement chercher à s'opposer au système.

Néanmoins, toute forme de résistance émanant d'un client de l'entreprise ou d'un individu lambda peut engendrer autant de risques pour les firmes (D. Roux, 2007). Face au rejet envers les firmes, O. Hirschmann (1970) a analysé qu'un consommateur résistant peut choisir entre trois possibilités. Dans un premier cas, le consommateur peut tout de même rester attaché à l'entreprise malgré son opposition (Fidélité). Cela va dépendre des variables liées au

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degré d'engagement envers la marque. Dans un second cas, il peut rejeter la marque pour trouver une solution alternative sur le marché et continuer à satisfaire ses besoins (le pouvoir d'expression). Enfin, il peut manifester verbalement son mécontentement et intervenir face à la firme, et/ou au marché pour tenter de changer la situation (le pouvoir de défection). Cette dernière possibilité apparaît comme plus pertinente, et constitue le sujet de recherche le plus analysé en recherche marketing.

On dissocie les actions de résistance passives et actives des consommateurs (D. Roux, 2012). Selon la personnalité du consommateur et son degré d'implication envers la marque et/ou le marché, certains vont s'opposer de manière furtive, isolée et silencieuse. Cette forme de résistance est la plus dangereuse pour les firmes, puisque le consommateur ne matérialise pas de manière claire son opposition, mais ne la restreint pas pour autant. De plus, malgré la mise en place de « Services de réclamation », sorte de « stratégies relationnelles » (E. Remy, 2007) développées par les firmes pour toujours contrôler les comportements et pouvoir réagir, si un consommateur veut s'opposer de manière passive et que cela échappe aux firmes, l'effet de résistance peut se décupler et devenir encore plus néfaste pour les firmes. Par exemple, en reprenant l'illustration du rôle des firmes dans le phénomène de « malbouffe », le consommateur peut en arriver à réaliser un acte de dé-consommation et bannir certains produits alimentaires ou marques de sa consommation à force de vivre de mauvaises expériences. Cette résistance peut en effet rapidement conduire à des actes de dé-consommation, voire de défection (M. Ritson et S. Dobscha,1999).

A l'inverse, d'autres consommateurs vont diffuser en masse leur mécontentement pour informer et partager leur opinion dans une démarche solidaire et humaine. Ils vont chercher du soutien auprès d'autres consommateurs ou associations pour multiplier leur pouvoir de force et arriver plus facilement à leurs fins. Depuis les années 80, face au développement des techniques marketing dans tous les secteurs (E. Remy 2007), des associations de défense de consommateurs se sont formées pour essayer, de manière cadrée, de protéger les consommateurs en leur fournissant des informations supplémentaires, grâce au pouvoir de la communauté qui permet de les réunir autour d'une cause commune et les aide à se mobiliser ou à être représentés dans la sphère publique. La relation ne s'établit plus seulement autour de l'entreprise et du consommateur, d'autres facteurs externes ou internes sont à prendre en compte, car ils redéfinissent la consommation, tout comme le rôle de la communauté. En premier lieu, la consommation collaborative est apparue progressivement et est à présent ancrée comme une forme de résistance fréquente. Elle rassemble les consommateurs de tout horizon autour d'échanges et de partages et permet de trouver des solutions alternatives à la consommation de masse (I. Robert, AS Binninger, N. Ourahmoun, 2014). Grâce au

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regroupement communautaire, on peut assister à des stratégies de contournement, grâce au pouvoir de la communauté, qui permettent aux consommateurs de favoriser d'autres systèmes, avec par exemple l'essor de nouveaux circuits de distribution de secondes mains. À force de se lasser du système marchand, où tout est toujours à acheter ou à racheter, sans qu'il y ait une grande nécessité, les consommateurs ont développé des circuits « consumer to consumer » , basés sur la solidarité. Dans les cas extrêmes, le pouvoir de la collectivité

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peut aussi pousser à des formes de résistance par le biais d'actions collectives comme le boycott (A. Leroux, 2014), qui est un acte politique non-violent. Par exemple, en 2013, Nestlé a ébranlé la toile du web. Nestlé est un grand acteur industriel du marché de l'agro-alimentaire à travers le monde qui produit et commercialise un large éventail de produits et de boissons alimentaires. Il détient sur le marché une image novatrice et d'expert. Néanmoins, les propos du PDG P. Brabeck (2013) dans le reportage « We feed the World » ont fait scandale. Le documentaire illustre les conditions terribles de pauvres communautés vivant dans de médiocres conditions où l'accès à l'eau potable est une réelle problématique à cause de des sources d'eau naturelles souillées. Le PDG explique que l'eau est la matière première la plus importante donc deux possibilités s'offrent à nous : soit l'eau est démocratisée et nationalisée et tout le monde y a accès; soit elle a « une valeur de denrée », ce pour quoi il est entièrement favorable, surtout pour l'avenir économique du groupe. Sans même retenir la suite de ses propos, les consommateurs ont lancés un appel au boycott, relatant par la même occasion les différentes crises que le groupe a connu depuis ses débuts. Au-delà de la résistance, le boycott apparaît ainsi comme une forme d'action publique (A. Leroux 2014.)

Malgré les volontés des firmes, les consommateurs ont une réflexion plus approfondie, notamment grâce aux évolutions technologiques et au développement de l'ère numérique. Ils détiennent désormais une multitude d'outils supplémentaires pour résister et faire preuve de solidarité entre consommateurs résistants. Ces éléments favorisent une « cyber-résistance » (I. Chalamon, R. Chiouk, B. Guiot 2012), le consommateur se sent à la fois protégé derrière ses écrans, peut résister face à une « représentation anonyme » et se mobiliser dans un cadre indéfini. Ces nouveaux éléments leurs accordent un pouvoir supplémentaire qui n'est plus seulement un « objet de captation » (D. Roux, 2007). Les nouvelles possibilités offertes par internet aux consommateurs, en étant protégés derrière un écran ou un profil anonyme, permettent d'échanger en communauté et d'attaquer directement (sur les pages de leurs réseaux sociaux par exemple) ou indirectement (sur d'autres sites communautaires) les firmes avec des moyens plus ou moins puissants, car les médias sont utilisés comme hauts-parleurs. Qu'elle soit individuelle, collective, active ou

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CtoC : Consumer to consumer : Ensemble des relations commerciales entre consommateurs

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passive, la résistance peut affecter une multitude d'éléments comme la publicité, les marques, les techniques de ventes, la fidélité, les plaintes, le système, etc, tant d'éléments qu'il faut rechercher pour comprendre la résistance (A. Leroux 2014).

D'autre part, les notions de qualité de vie et d'éthique sont à réellement intégrées pour mieux comprendre les évolutions comportementales des consommateurs (W. Zavetowski, 2002). En effet, ils affichent un « ras le bol » du système marchand et font preuve de militantisme à travers une « consommation politisée » (E. Remy, 2004) pour améliorer leur mode de vie.

2-2) Le consommateur moderne : « Le consom'acteur »

La globalisation de notre société et les évolutions qu'elle apporte, redéfinissent en permanence le profil du consommateur. Un modèle d'une société « d'hyper-consommation » (A.S. Novel, 2010) est critiqué par le consumérisme. Cette évolution favorise le développement de pays et a permis le progrès dans d'autres domaines, mais a engendré des répercussions sur d'autres dimensions. Les progrès techniques et marchands ont incité les firmes à diffuser un modèle de consommation standardisé et excessif, diffusé par les médias. Mais cela a aussi façonné le consommateur comme acteur dans la société. Ainsi, le « consom'acteur » est la contraction des termes « consommateur » et « acteur », pour désigner un consommateur qui s'émancipe des produits et services proposés, des modes de vie que le marché définit pour lui. Il devient ainsi autonome de ses choix et contribue de manière citoyenne à l'évolution de la société. O. Hirschman (1983) a analysé dans son oeuvre « Bonheur privé Action Publique » que la consommation individuelle est à la fois une source de besoin et de satisfaction, mais que l'action publique donne aussi un contre-pouvoir au consommateur. La notion de « consom'action » s'est développée à la faveur de la diffusion du développement durable. René Dubos a utilisé pour la première fois le terme « Penser global, agir local » lors du premier sommet sur l'environnement en 1972. Il a engagé la responsabilité de chaque individu dans la prise de conscience sur « sa contribution à la régulation de la société, à son niveau et avec ses moyens ». Ainsi, la notion de développement durable est apparue. Le concept a été présenté dans le rapport Bruntland ,

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lors de la commission mondiale de l'environnement et du développement en 1987, où il est défini comme « un développement susceptible de satisfaire les besoins de la génération actuelle sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs ». Il se doit d'être à la fois économiquement efficace : c'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait création de richesse, à travers une gestion raisonnée, durable et saine, sans préjudice pour l'environnement. Le développement durable est socialement équitable, le but est de satisfaire les besoins essentiels de l'humanité. Le développement durable vise à réduire les inégalités

3 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/sites/odyssee-developpement-durable/files/5/rapport_brundtland.pdf

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entre les individus, et à améliorer les conditions de vie, dans le respect de chaque culture, et dans un cadre écologiquement tolérable (préserver les ressources naturelles à long terme, en maintenant les grands équilibres écologiques et en limitant les mauvais impacts environnementaux). Le développement durable interpelle sur le conflit naissant entre « monde civique » et « monde marchand » (L. Boltanski et L. Thévenot,1991) et met en valeur le fossé naissant de notre société actuelle. De ce fait, on voit émerger « un nouveau consommateur » (B. Cova et A. Cova, 2009), où la figure du consommateur-client est remplacée par un « client-citoyen » qui emploie des actes de consommation apparaissant comme « subpolitisés » (J.S. Beck 2011) dans la mesure où il devient une partie-prenante. Ce nouveau visage comme « consom'acteur » peut militer de manière individuelle, voire ponctuelle, mais va mobiliser très facilement et naturellement « des moyens de pression d'une autre dimension », comme les stratégies de contournement ou les actes de dé-consommation, des formes de boycott, pour essayer de modifier durablement le fonctionnement établit par le système (E. Remy, 2007). De manière plus global, le « consom'acteur » agit en fonction « des causes et valeurs qui lui tiennent à coeur » 4 , et l'acte de consommation devient une action publique qui n'est plus simplement rattachée à un « cadre cognitif dominant » (E. Remy 2007). De manière générale, le « consom'acteur » va s'interroger sur la valeur pécuniaire et la dimension éthique des marques, produits et services pour juger nécessaire la consommation.

Pour aller plus loin dans les nouvelles figures consuméristes, l'alter-consommateur, jugé « révolutionnaire » (E. Remy, 2007), est encore plus engagé que le consom'acteur. Par son caractère plus extrémiste, il proteste de manière plus « radicale » et audible. En effet, l'alter-consommateur s'inscrit dans un mouvement du « contre » dans lequel E. Fouquier constate des similitudes dans leurs profils sociaux-démographiques : leurs catégories socioprofessionnelles élevées, leur bon niveau d'éducation, leurs expériences d'adulte et leur capacité à s'informer (E. Fouquier 2004) . Les alter-consommateurs ont une «

5 culture du

marketing » enrichit, qui devient une arme redoutable dans la critique consumériste en protestant pour l'anti-consommation et la défection pure (E. Remy, 2007), et en se mobilisant dans des mouvements d'anti-consommation comme les boycotts apparentés aux actes de désobéissance civile (H. D. Thoreau, 1849), les mouvements anti-pub radicaux (comme l'alliance des mouvements Anti-Pubs et Casseurs de pub) pour générer plus d'impact. Il y a donc deux approches parallèles : le consom'acteur qui se protège par les moyens fournit par le modèle capitaliste, malgré leur résistance et leur approche citoyenne; les consom'acteurs qui ne s'affranchissent pas entièrement des firmes et ressentent encore nécessité de

4 www.economiessolidaires.com

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L'alterconsommateur et le qualitativiste, Décision Marketing 2004

satisfaire leurs besoin. L'alter-consommateur, quand à lui, s'émancipe complètement d'un système de consommation auquel il n'appartient pas et qu'il rejette, il va en ce sens essayer de se réconforter dans un modèle pur et authentique, et revendique sa résistance au maximum. (M. Lee, D. Roux, H. Cherrier, B. Cova, 2012).

Cadre délimitant la consommation résistante de l'anti-consommation

Ces deux types de consommateurs vont redéfinir la consommation « traditionnelle » où le consommateur n'est plus simplement un « objet de captation » (D. Roux 2014) mais fait preuve de « résistance créative » en leurs accordant un pouvoir.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein