II.2. Le modèle Harrod-Domar
Après la seconde guerre mondiale, les Economistes
Harrod et Domar, influencés par Keynes, vont chercher à
comprendre les conditions dans lesquelles une phase d'expansion peut être
durable. Ainsi, s'il ne propose pas à proprement parler une
théorie de la croissance (expliquant son origine sur une longue
période), le modèle de Harrod-Domar permet, néanmoins, de
faire ressortir le caractère fortement instable de tout processus
d'expansion. En particulier, il montre que pour qu'une croissance soit
équilibrée (c'est-à-dire que l'offre de production
augmente ni moins (sous-production) ni plus (surproduction) que la demande), il
faut qu'elle respecte un taux précis, fonction de l'épargne et du
coefficient de capital (quantité de capital utilisée pour
produire une unité) de l'économie69.
Or, il n'y a aucune raison que la croissance, qui
dépend de décisions individuelles (en particulier des projets
d'investissement des entrepreneurs), respecte ce taux. De plus, si la
croissance est inférieure à ce taux, elle va avoir tendance non
pas à le rejoindre, mais à s'en éloigner davantage,
diminuant progressivement (en raison du multiplicateur d'investissement. La
croissance est donc, selon une expression d'Harrod, toujours « sur le fil
du rasoir ». Ce modèle, construit après guerre et
marqué par le pessimisme engendré par la crise de 1929, a
toutefois été fortement critiqué. Il suppose, en effet,
que ni le taux d'épargne, ni le coefficient de capital ne sont variables
à court terme, ce qui n'est pas prouvé.
Dans cette version simplifiée, les variables per
capita sont constantes à l'état stationnaire. Les variables
absolues (Y, S, C, K) croissent au même taux que la population. Le
modèle génère, à l'état stationnaire (le
long terme)
- Une variation entre les PIB/tête entre les pays;
- Un ratio capital-produit (K /Y) constant (car k et Y sont
constants);
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- k étant constant, le
rendement du capital (la productivité marginale de k
est
constant.
Mais il ne peut générer un fait stylisé
très important : la croissance soutenue des revenus/tête (y). Dans
ce modèle les économies peuvent croître à court
terme mais pas à long terme: même si un pays s'écarte
à un moment donné de l'état stationnaire, il suivra un
sentier de transition et finira par atteindre le nouvel état
stationnaire.
II.3. Le modèle de Robert Solow
Robert SOLOW70 a été le premier
à proposer un modèle formel de la croissance. D'inspiration
néoclassique, ce modèle se fonde sur une fonction de production
à deux facteurs : le travail et le capital. La production résulte
donc exclusivement de la mise en combinaison d'une certaine quantité de
capital (moyens de production) et de travail (main d'oeuvre)71.
Le modèle de Solow se fonde sur l'hypothèse que
les facteurs de production connaissent des rendements décroissants,
c'est-à-dire qu'une augmentation de ceux-ci dans une certaine proportion
engendre une augmentation dans une proportion plus faible de la production. Il
pose également comme hypothèse que les facteurs de production
sont utilisés de manière efficace par tous les pays. En posant
que la population connaît un taux de croissance que Solow qualifie de
« naturel » (non influencé par l'économie), le
modèle déduit trois prédictions :
- Augmenter la quantité de capital (c'est-à-dire
investir) augmente la croissance : avec un capital plus important, la main
d'oeuvre augmente sa productivité (dite apparente).
70 Robert SOLOW, Née en 1924.
C'est dans le domaine de la croissance que Robert Solow a conquis ses galons
d'Economiste haut de gamme. En effet, il fut l'un des premiers à
proposer une explication quantitative de la croissance, et non plus seulement
qualitative comme l'avançaient d'autres Economistes.
71 Robert SOLOW, (1988), Dans les
problématiques de la croissance économique, éd.
Economica, Paris, p.420
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- Les pays pauvres auront un taux de croissance plus
élevé que les pays riches. Ils ont en effet accumulé moins
de capital, et connaissent donc des rendements décroissants plus
faibles, c'est-à-dire que toute augmentation de capital y engendre une
augmentation de la production proportionnellement plus forte que dans les pays
riches.
- En raison des rendements décroissants des facteurs de
production, les économies vont atteindre un point où toute
augmentation des facteurs de production n'engendrera plus d'augmentation de la
production. Ce point correspond à l'état stationnaire. Solow note
toutefois que cette troisième prédiction est irréaliste :
en fait, les économies n'atteignent jamais ce stade, en raison du
progrès technique qui accroît la productivité des facteurs.
Autrement dit, pour Solow, sur le long terme, la croissance provient du
progrès technologique. Toutefois, ce progrès technologique est
exogène au modèle, c'est-à-dire qu'il ne l'explique pas
mais le considère comme donné (telle une « manne
tombée du ciel »).
Le modèle fait un certain nombre d'hypothèses :
- Les pays produisent et consomment un seul bien homogène
(le produit
);
- La production se fait en concurrence parfaite;
- La technologie est exogène;
- La technologie peut être représentée par
une fonction de production de type
néo-classique basée sur des facteurs
substituables: le capital K et le travail L;
- La consommation agrégée est
représentée par une fonction keynésienne:
C
= c.Y or S = (1-c) Y= s.Y (1)
- Le taux participation à l'emploi de la population est
constant. Si la
population croît au taux n, l'offre de travail (L) augmente
aussi à ce taux n :
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