Section III. Les nouvelles théories de la
croissance et leur remise en cause
Les théories récentes cherchent
précisément à rendre ce facteur endogène
-c'est-à-dire à construire des modèles qui expliquent son
apparition. Ces modèles ont été développés
à partir de la fin des années 1970 notamment par Paul
ROMER72 et Robert BARRO73. Ils se fondent sur
l'hypothèse que la croissance génère par elle-même
le progrès technique. Ainsi, il n'y a plus de fatalité des
rendements décroissants : la croissance engendre un progrès
technique qui permet que ces rendements demeurent constants. La croissance, si
elle génère du progrès technique, n'a donc plus de limite.
À travers le progrès technique, la croissance constitue un
processus qui s'auto entretient.
Ces modèles expliquent que la croissance engendre du
progrès technique par trois grands mécanismes74.
Premièrement, le « learning by doing » : plus
on produit, plus on apprend à produire de manière efficace. En
produisant, on acquiert en particulier de l'expérience, qui
accroît la productivité.
Deuxièmement, la croissance favorise l'accumulation du
capital humain, c'est-à-dire les compétences
possédées par la main d'oeuvre et dont dépend sa
productivité. En effet, plus la croissance est forte, plus il est
possible d'accroître le niveau d'instruction de la main d'oeuvre, en
investissant notamment dans le système éducatif. D'une
manière générale, la hausse du niveau d'éducation
de la population par des moyens publics ou privés est
bénéfique.
Troisièmement, la croissance permet de financer des
infrastructures (publiques ou privées) qui la stimulent. La
création de réseaux de communication efficaces favorise, par
exemple, l'activité productive.
72 Paul ROMER, né en 1955, est
un Economiste Américain et un Professeur à l'université de
New York avant d'entrer à New York University. Il est
considéré comme un expert de la croissance économique. Il
analyse les théories sur la croissance endogène.
73 Robert BARRO, Economiste
Américain, né le 28 septembre 1944 à New York.
Spécialiste en Macroéconomie. Il a travaillé sur l'effet
d'éviction et sur les déterminants de la croissance
économique.
74 P. ROMER et R. BARRO, The origins of Endegenous
Growth», Journal of Economic, Perspectives, 1994.
75 P. ROMER, Op cit.
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« La principale des conclusions de ces nouvelles
théories est qu'alors même qu'elles donnent un poids important aux
mécanismes de marché, elles en indiquent nettement les limites.
Ainsi il y a souvent nécessité de créer des arrangements
en dehors du marché concurrentiel, ce qui peut impliquer une
intervention active de l'Etat dans la sphère économique ».
En particulier ce « retour de l'État » se traduit par le fait
qu'il est investi d'un triple rôle : encourager les innovations en
créant un cadre apte à coordonner les externalités qui
découlent de toute innovation (par exemple grâce à la
protection qu'offre aux innovateurs les brevets) ; susciter celles-ci en
investissant dans la recherche (notamment fondamentale) et les infrastructures
dont les externalités dépassent le profit que peuvent en attendre
les acteurs privés ; améliorer le capital humain en investissant
dans le système éducatif. D'une manière
générale, c'est le rôle des politiques structurales de
l'État, en particulier les investissements dans le capital public, qui
est ainsi souligné.
Nous pouvons donc retenir que les premiers articles sont de P.
ROMER et R. LUCAS : la théorie de la croissance endogène est
née. L'ambition d'une telle théorie est de rendre compte du
facteur A qui, dans les théories traditionnelles, représentait le
niveau technologique (Y=f(K,L,A)). Un premier groupe de travaux, à la
suite de ROMER, cherche le moteur de la croissance dans le
phénomène d'apprentissage par l'expérience («
learning by doing»), à l'intérieur des entreprises.
Une deuxième est ouverte par Lucas, et
privilégie l'accumulation de capital humain au sein du système
éducatif. Enfin, ROMER et AGHION-HOWITT font de A un stock
d'innovations, produit d'une activité volontaire de
recherche-développement75.
Ces modèles sont toutefois très frustres en ce
qu'ils n'expliquent pas les mécanismes précis qui font que la
croissance économique stimule le progrès technique. En
particulier, chacun des modèles de ces théories ne s'attache
qu'à un
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seul mécanisme liant progrès technique et
croissance. Comme le notent Gallec et Ralle, « Le modèle
général recouvrant l'ensemble des formes du progrès
technique est sans doute trop complexe pour être élaboré,
ce qui limite la portée des résultats obtenus puisque les
interactions entre plusieurs formes existantes sont ignorées
»76.
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