Section 2 | Jurisprudence en matière d'Exequatur
des sentences arbitrales étrangères dans le domaine des
marchés publics
§.1) Société SALINI COSTRUTTORI
(ITALIE) contre le Ministère de l'Équipement
Ce litige oppose la Société SALINI
COSTRUTTORI au ministère de l'équipement pour l'exécution
d'un marché public n° AH 03/2004 portant sur la construction d'un
tronçon de la rocade méditerranéenne reliant el Jebha et
Ajdir.
La Société SALINI COSTRUTTORI a
présenté une demande d'arbitrage à la CCI de Paris, qui a
prononcé en date du 5 décembre 2011(affaire n°16550/N) une
sentence arbitrale condamnant l'État marocain représenté
par le ministère de l'équipement, au paiement à la
société demanderesse plusieurs indemnisations s'élevant
à 16.970.422,45 Euros et un montant de 468.511,13 Dirhams sans la prise
en compte des intérêts légaux et de la taxe sur la valeur
ajoutée. La CCI a condamné la Société SALINI
COSTRUTTORI au paiement au profit de l'État marocain d'une
indemnité fixée à 520.000,00 Dirhams.
La société SALINI COSTRUTTORI a
présenté une demande tendant à obtenir l'exequatur de la
sentence arbitrale au président du tribunal de commerce, qui s'est
déclaré incompétent par décision du 18 juin
2012.
La Cour Suprême saisie par la Société
SALINI COSTRUTTORI a confirmé en date du 7 mars 2013 (dossier
n°2013/1/4/182) la décision du président du tribunal de
commerce aux motifs que la compétence de l'exequatur de la sentence
arbitrale revient au tribunal administratif étant donné que le
litige concerne l'exécution d'un marché public dont un volet du
conflit concerne l'application de la loi fiscale et dont l'une des parties est
l''État marocain.
Le tribunal administratif de Rabat saisi par la
Société SALINI COSTRUTTORI, a ordonné l'exequatur de la
sentence arbitrale mais seulement en ce qui concerne les obligations relatives
à l'exécution du marché public à l'exception du
volet afférent aux impôts et taxes.
La Cour d'appel administrative de Rabat a par jugement du
22 décembre 2014 (dossier n°2014/7207/235) confirmé le
jugement du tribunal administratif aux motifs suivants:
ü L'article 5 de la convention de New York de 1958 et
l'article 327-46 du code de procédure civile marocain autorisent le
tribunal compétent d'ordonner l'exequatur des sentences arbitrales
étrangères à la condition que lesdites sentences ne soient
pas contraires à l'ordre public national ou international ;
ü Le droit fiscal englobe l'ensemble des dispositions
législatives et les conventions bilatérales ou
multilatérales relatives aux impôts et taxes perçus au
profit de l'État ou des collectivités territoriales et par
conséquent, la Société SALINI COSTRUTTORI ne peut se
prévaloir des dispositions de l'article 19 du cahier des charges
administratives générales (CCAG) pour ne pas appliquer la
législation fiscal.
ü Le tribunal arbitral a accordé
l'exonération fiscale à la Société SALINI
COSTRUTTORI en application de l'article 4 du marché public
susvisé. Cette interprétation n'est pas justifiée
étant donné que les litiges fiscaux ne peuvent faire l'objet
d'arbitrage et par conséquent l'article 4 du marché signé
entre le ministère de l'équipement et la société
SALINI COSTRUTTORI est nul et non avenu.
§.2) Société Galvanizli
Konstruksiyon Sanayi Ve Ticaret A.S ( TURQUIE ) contre l'Office National de
l'Electrité et de l'Eau potable(ONEE)
Dans cette affaire, l'ONEE a procédé
à la resolution du contract le liant à la Société
Galvanizli Konstruksiyon Sanayi Ve Ticaret A.S portant sur la
réalisation de lignes électriques au motif de défaillances
de l'entreprise turque.
La société turque, usant de la clause
d'arbitrage, a présenté une demande à la CCI de Paris pour
condamner l'ONEE au paiement des prestations réalisées et
à l'indemnisation des préjudices consécutifs à la
resolution.
La CCI a rendu sa sentence arbitrale le 19 août
2013 en condamnant l'ONEE au paiement de la somme de 16.053.712,97 Euros en
plus des frais au titre des dépens et de l'arbitrage.
En date du 7 mars 2014, la société
Galvanizli Konstruksiyon Sanayi Ve Ticaret A.S a présenté une
demande en référé auprès du président du
tribunal administratif de Rabat pour ordonner l'exequatur de la sentence
arbitrale de la CCI de Paris.
L'ONEE par l'intermédiaire de l'Agence judicaire
du Royaume a demandé au président du tribunal administratif de
Rabat de relever l'incompétence en raison de la matière,
étant donné que le juge des référés n'est
pas compétent à statuer sur l'exequatur de la sentence
arbitrale.
Cette demande a été acceptée par le
président du tribunal administratif en date du 8 avril 2014 au motif
justement que l'article 310 du code de procédure civile dispose que la
compétence pour statuer sur la demande de l'exequatur de la sentence
arbitrale rendue dans le cadre des affaires de l'État et des
collectivités locales revient à la juridiction administrative
dans le ressort de laquelle la sentence sera exécutée. Ce
jugement a été confirmé par la Cour d'appel administrative
de Rabat en date du 13 Octobre 2014.
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