L'arbitrage en droit marocain et ses évolutions.( Télécharger le fichier original )par Mohammed Amine Sourhami Faculté de droit - Droit Privé 2015 |
Paragraphe II/ Les conventions de coopération judiciaireDes accords portant uniquement sur la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales209(*). On aurait pu examiner les dispositions de ces instruments à propos de l'exequatur des sentences, tel qu'il est régi par le code de procédure civile, dans la mesure où ce texte ne distingue pas les sentences nationales et les sentences étrangères, et que les normes conventionnelles bilatérales peuvent être considérées comme complémentaires à lui. Toutefois, l'analyse de ces normes s'inscrit pleinement dans le cadre des engagements internationaux du Maroc vis-à-vis des ressortissants d'un autre Etat, quoique leur portée ne s'étende pas à l'arbitrage dans son ensemble. On rappelle, en outre, que leur application se fait essentiellement à sens unique, en raison du sous développement chronique de l'arbitrage au Maroc210(*). De ce fait, les ressortissants de ce pays bénéficient rarement de la réciprocité de traitement. Ce sont donc surtout les juridictions marocaines qui sont sollicitées pour accorder ou non la formule exécutoire à des sentences étrangères, que celles-ci aient été rendues suivant le droit de l'arbitrage du pays contractant ou par l'un des organismes internationaux spécialisée en la matière et ayant le siège dans le territoire national de cet Etat. Par ailleurs, on remarquera que seules certaines conventions bilatérales engageant le Maroc prévoient des dispositions relatives à l'exequatur et quand c'est le cas, ces textes se contentent de renvoyer à la procédure d'exequatur mise en oeuvre pour les décisions de justice211(*). Aussi se bornera-t-on en évoquera les dispositions types lorsqu'elles différent d'un instrument à l'autre afin de souligner leur variante. En vertu de l'article 22 de la convention mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition entre le Maroc et la France, les sentences arbitrales rendues valablement dans l'un des deux pays sont reconnues dans l'autre et peuvent y être déclarées exécutoires si elles satisfont aux conditions de l'article 16, autant que ces conditions sont applicables. L'exequatur est accordé dans les formes fixées aux articles 16 à 21. Si la convention sur la coopération judiciaire, l'exécution des jugements et l'extradition du 9 décembre 1964 entre le Maroc et la Tunisie renvoie elle aussi aux dispositions afférentes à l'exequatur des décisions de justice (articles 22 à 28), son article 29 prévoit des conditions particulières en matière d'exécution des sentences. En effet, outre les conditions générales concernant les décisions judiciaires, il est également précisé que la loi du pays requis pour l'exécution doit permettre de résoudre un tel litige par voie d'arbitrage. Il faut en outre que la sentence soit rendue en exécution d'une clause ou d'un contrat d'arbitrage valable et qu'elle soit devenue définitive. Enfin, il est exigé que le contrat ou la clause d'arbitrage ait donné compétence à ces arbitrages conformément à la loi en vertu du quelle la sentence a été rendue. Pourtant, ces conditions ne paraissent pas restrictives car en ce qui concerne la premier d'entre elles, les deux Etats maghrébins ont des législations en matière d'arbitrage, le code tunisien de l'arbitrage traite même de l'arbitrage international. La deuxième condition est somme toute logique puisque l'arbitrage est organisé par un compromis ou prévu par une clause compromissoire212(*). En outre, la sentence n'est qu'exceptionnellement susceptible de recours et une décision arbitrale provisoire statue rarement et entièrement au fond du litige. On retiendra toutefois qu'est reconnue à la juridiction de l'Etat requis, saisie de la demande d'exequatur, la compétence de se prononcer tant sur la validité de la convention d'arbitrage que sur le caractère définitif de la sentence. C'est également pour faciliter le contrôle judicaire qu'il est exigé que la clause compromissoire ou le compromis prévoient le droit applicable sur lequel la sentence s'est fondée. Mais s'il n'est pas précisé s'il s'agira des seules règles de procédure et/ou des règles de droit, on peut estimer que les juges d'Etat requis peuvent simplement constater, selon le cas, les unes et les autres à l'instar de ce qui est généralement admis à propos de l'exequatur des décisions de justice à l'étranger, mais en tout cas sans statuer à nouveau sur le litige objet de l'arbitrage. Conditions générales d'exequatur : On notera, au préalable, que les dispositions conventionnelles ne différent pas outre mesure de celles des articles 430, 431, 432 CPC, à quelques exceptions près. Aussi se limitera-t-on aux précisions apportées par les accords bilatéraux de coopération judiciaire, qui concernent d'abord rappelons l'exécution des décisions judiciaire mais qui sont également valables pour les sentences arbitrales, compte tenu de la particularité de celles-ci213(*). Plusieurs conditions sont nécessaires pour la reconnaissance et l'autorisation de leur exequatur. En premier lieu, la compétence des juridictions de l'Etat requérant n'est pas admise lorsque le droit de l'Etat requis reconnait comme « exclusivement compétentes » ses propres tribunaux, notamment lorsque la décision arbitrale est conforme à sa législation ; ce qui est affirmé par l'article 29 de la convention judiciaire Maroc-tunisienne. Cette condition se fonde sur la souveraineté de l'Etat requis et implique le respect de son ordre public (interne ou international), de la sécurité et des principes fondamentaux de sa législation nationale. Ceci est, bien entendu, valable pour les deux pays contractants, eu égard à la réciprocité de traitement, bien qu'on rappelle que le Maroc est désavantagé par rapport à une puissance occidentale contractante. En outre, aucune décision passée en force de chose jugée ne doit être rendue par les tribunaux de la partie requise, ni que ces juridictions n'aient été saisies d'une instance entre les mêmes objets soumis à l'arbitrage, antérieurement à la demande d'exequatur, voire à la décision rendue à la suite de cette requête214(*). A cela s'ajoute le respect des droits de la défense dont s'obligent les arbitres eux-mêmes, fussent-ils amiable compositeurs, sous la censure des juridictions du siège de l'arbitrage comme de celles de l'Etat requis. Enfin, comme le prescrit l'article 29 de la convention judiciaire Maroc-tunisienne, la sentence revêtue de la formule exécutoire doit être définitive215(*). Par ailleurs, la demande de reconnaissance et de l'autorisation d'exécution peut être présentée directement, par la partie la plus diligente, au tribunal compétent de l'Etat requise ou à la juridiction de l'Etat requérant qui a statué sur l'exequatur de la sentence laquelle l'enverra à la juridiction compétente de l'autre pays. Cette requête doit, en tout cas, être accompagnée des pièces suivantes : Une expédition authentique de la sentence dotée de la formule exécutoire, l'original de la notification ou de tout autre acte en tenant lieu, un certificat du greffe compétent constatant qu'il n'existe aucun recours contre la sentence comme contre l'ordonnance d'exequatur du tribunal compétent de l'Etat requérant, une traduction complète en langue arabe de ces documents, certifiée conforme par un traducteur assermenté, lorsque ce sont les tribunaux marocains qui sont requis. Quant à l'instruction de la demande et à l'instar des articles 430 et 431 CPC, la juridiction compétent de l'Etat requise statue sur la demande d'exequatur conformément à sa législation, sauf dispositions contraires prévues par la convention bilatérale. Toutefois, ce tribunal se contentera de vérifier si les conditions exigées sont remplies, mais cela ne l'empêche pas à censurer implicitement la sentence dotée de la formule exécutoire à travers ces conditions et surtout lorsque l'ordre public ou les principes fondamentaux du pays requis risquent d'être atteints par la décision devant être exécutée chez lui. A cet égard, la Cour de Cassation a admis que le tribunal saisi de l'exequatur d'une sentence étrangère s'est valablement limité à vérifier si les conditions prescrites par l'article 16 de la convention judiciaire Maroc-français étaient remplies dans l'un des deux Etats contractants, notamment en évitant de se prononcer sur le moyen soulevé par une partie en ce qu'il y a prescription et que celle-ci entre dans le cadre des questions d'ordre public. En agissant de la sorte ce plaideur voulait amener le juge de l'exequatur à refuser la demande présentée par le bénéficiaire de la décision arbitrale. Cette haute juridiction n'a pas hésité de préciser que bien qu'elle soit liée au fond de la contestation, la prescription n'est pas d'ordre public. Telles sont, en définitive, les principales règles suivies en la matière, quoique certains accords bilatéraux ne maquent pas de renvoyer également à l'application de la convention pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, adoptée a New York le 10 juin 1958. Des dérogations favorables au demandeur de l'exequatur sont prévus à l'instrument multilatéral qui renvoie expressément l'article 24 de la convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugement et d'extradition entre le Maroc et l'Italie, faite à Rome le 12 février 1971. De même, l'article 24-1 de la convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile et pénale entre le Maroc et la Roumanie faite à Rabat le 30 aout 1972 stipule que chaque partie contractante reconnaitra et autorisera l'exécution sur son territoire les sentences rendues en matière commerciale, prononcées sur le territoire de l'autre partie conformément à la convention de New York de 1958. Par contre, les sentences rendues en matière civile seront soumis aux conditions des articles 20 et 21 concernant l'exequatur des décisions judiciaires dans la mesure où ces conditions sont applicables aux sentences216(*). * 209 Alain REDFERN et Martin HUNTER. « Droit et pratique de l'arbitrage commercial international ». Op.cit. p365. * 210 Ibid. Op.cit. p369. * 211 Ainsi, par exemple, la convention judiciaire liant le Maroc à l'Espagne du 11/02/1957 ne contient pas de disposition relative à l'exequatur des sentences arbitrales. Sur une liste des instruments, V, répertoire de la législation marocaine, p, Fadéla Sebti Lahrichi, 3éme éd, LGDJ, Paris, p122-124. * 212 Th. E. CARBONNEAU : Revue international de droit comparé : Etude historique et comparée de l'arbitrage : vers un droit matériel de l'arbitrage commercial international fondé sur la motivation des sentences. 1984. (Traduit de l'anglais par T. DESJOBERT) * 213 BOUDAHRAIN, Abdellah. L'arbitrage Commercial Interne Et International Au Regard Du Maroc. Op.cit. p156. * 214 Mostefa TRARI-TANI : « l'Arbitrage commercial international ». Op.cit. p312. * 215 Med EL MERNISSI, Arbitration in Morocco : Realities and Perspectives (L'arbitrage au Maroc : réalités et perspectives) Journal Of International Arbitration 19/02/2002 * 216 Contrairement aux précédents instruments analogues, la convention judiciaire Maroc-roumaine distingue nettement deux procédures d'exequatur selon que les décisions arbitrales sont rendues en matière commerciale ou en matière civile. |
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