L'arbitrage en droit marocain et ses évolutions.( Télécharger le fichier original )par Mohammed Amine Sourhami Faculté de droit - Droit Privé 2015 |
D- La compétence technique et professionnelle des arbitresLa compétence et la technicité des arbitres est une autre raison souvent avancée qui joue un rôle décisif : le choix de ces derniers, soumis au principe de liberté, s'effectue en grande partie sur la connaissance qu'ils ont des problèmes soulevés par le litige ou du secteur d'activité en cause (informatique, propriété littéraire et artistique...). En faisant ainsi élection de personnes provenant de la même famille professionnelle les parties peuvent l'espérer, d'une part, faire l'économie d'expertises pratiquement inévitables devant le juge, d'autre part, instaurer un certain climat de « convivialité », permettent dans le meilleurs des cas de conserver entre elles des relations d'affaires pendant et après l'arbitrage. Cette disposition sociologique a des conséquences inattendues : on a ainsi pu dégager une certaine « masculinité de l'arbitrage »42(*), le milieu des affaires n'étant pas aussi ouvert que la fonction publique à la féminisation des cadres. Cet incontestable avantage doit être tempéré par l'observation que l'avènement d'un véritable droit de l'arbitrage impose de faire une place aux spécialistes juridiques dans la composition des tribunaux arbitraux. Cela réduit d'autant la place, sinon le rôle des arbitres techniciens. Pour clore cette liste des avantages de l'arbitrage, on mentionnera que dans le domaine du commerce international vient s'ajouter une considération importante, si un litige oppose deux sociétés dans un antagonisme nord-sud (pays économiquement avancés - pays assistés) voire une concurrence technologique (Occident - Extrême-Orient), le risque que joue inconsciemment dans un sens ou dans l'autre le nationalisme des juges compétents rationae loci, quelles que soient par ailleurs leur qualité professionnelle et leur indépendance politique, n'est pas absent. Le recours à l'arbitrage sera alors une garantie de neutralité43(*). Il ne faudrait pourtant pas croire que dans le domaine de l'arbitrage, tout va pour le mieux. Le problème majeur de l'arbitrage est l'absence de force exécutoire. En effet, si les parties refusent d'appliquer la sentence arbitrale, l'arbitre ne peut contraindre. Il faut alors, pour que la sentence soit appliquée, saisir la justice publique. La deuxième hypothèse intéresse le rôle de l'arbitre. Le droit marocain comme son homologue français, proclame en principe absolu l'indépendance de l'arbitre. L'observation de la réalité prouve très vite que cette indépendance n'existe pas toujours, où il y a le risque de l'arbitre-partisan. Le principe consacré selon la jurisprudence est que l'arbitre n'est pas le mandataire d'une partie mais un juge indépendant. Figurait autrefois parmi les avantages de l'arbitrage son faible coût. Il faut désormais savoir que, excepté pour les procédures arbitrales se déroulant dans le cadre de chambres professionnelles, l'arbitrage entraîne des frais très élevés. Cet élément présente néanmoins l'avantage d'encourager les parties à recourir à des procédures de règlement de leur litige moins onéreuses, notamment la conciliation. Le développement des secteurs avancés dans le domaine de la technologie : télécommunication, information, biotechnologie, etc., conduit à poser des problèmes juridiques nouveaux. Le principe étant que toute nouvelle matière juridique est prioritairement absorbée par le droit commun, peut se poser pendant quelque temps le problème de savoir si un litige est arbitrable ou s'il relève exclusivement de la compétence des tribunaux étatiques lorsque les questions qu'il suscite sont aux frontières de l'ordre public44(*). Il faut noter que l'esprit de conciliation, de composition qui paraît être de l'essence de l'arbitrage ne vas pas sans effets pervers. Il conduit d'abord à constater une difficulté des arbitres à trancher. Elle prend notamment la forme de la peur du délibéré au cours duquel les arbitres devront confronter leurs points de vue45(*).
* 42 J-D. Bredin, intervention au Colloque 1987 de l'Association française d'arbitrage. * 43 XAVIER LINANT De Bellefonds et ALAIN Hollande. L'ARBITRAGE. Op.cit. p31. * 44 Par exemple, le divorce, pension alimentaire, la commercialisation de données nominatives, cessions de droits d'auteur dans les oeuvres multimédias... * 45 Ensuite, le délibéré conduit parfois à l'adoption d'une solution transactionnelle moyenne ce qui a fait observer que le recours à l'arbitrage pourrait toujours être bon quand on a complètement raison. La justice est parfois aux extrêmes. |
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