La gestion durable de la filière cacao dans la région du centre du Cameroun : le cas du bassin de production de la Lékié.( Télécharger le fichier original )par Dieudonné MBARGA Intitut des Relations Internationales duCameroun-IRIC/Yaoundé 2 - Master 2 « Coopération internationale, Action humanitaire et Développement Durable » 2011 |
Chapitre 2 : Quelques propositions pour une gestion durable de l'activité cacaoyère dans la LékiéL'objectif de ce chapitre est de montrer comment la gestion durable peut être réalisée de façon concrète. La crise économique des années 80, confortée par l'inefficacité de l'interventionnisme étatique au Cameroun, avec la mise en oeuvre des Programmes d'Ajustement Structurel, va conforter l'option du libéralisme. Ceci s'est traduit globalement par la limitation du rôle de l'Etat dans le secteur agricole, spécifiquement dans la production et la commercialisation du cacao pour faire une place plus importante aux acteurs privés. Ce choix s'est imposé sans un accompagnement judicieux de la part de l'Etat, qui s'en pressa de passer de l'Etat providence à l'Etat régulateur, omettant son rôle d'acteur, alors même que la fusion de ces deux aspects, Acteur et Régulateur, aurait pu à l'évidence garantir une appropriation et une optimisation adéquate de la donne libérale et ses opportunités au Cameroun et dans la Lékié notamment. Cette mutation soudaine a résulté au délabrement de la filière. Pourtant des Etats comme la Côte d'Ivoire ou le Ghana n'ont pas adopté le même cheminement. Ces deux pays sont devenus leaders dans le monde de la cacaoculture, avec respectivement 1 300 000 et 1 000 000 de tonnes en 201143(*). Au Cameroun, les chiffres les plus optimistes affichent 220 000 tonnes en 201144(*). L'urgence est donc de fonder l'économie cacaoyère dans la durabilité, eu égard à son importance dans la dynamique de la relance de la croissance de l'économie nationale et les perspectives d'émergence envisagées à l'horizon 2035 ; ainsi qu'à la nécessité de motiver sans cesse les producteurs de cacao des bassins de production sur lesquels repose fondamentalement cette activité. Section 1 : La rationalisation de l'action de l'Etat dans la filièreDe l'article de Pierre JANIN, au titre suffisamment évocateur, « Un planteur sans l'Etat peut-il encore être un planteur », nous retenons que l'ancrage de la durabilité dans la filière cacao dépend fondamentalement de l'action effective de l'Etat, à qui incombe la conception des politiques publiques agricoles, porteuses du bien-être de ses populations ; et leur mise en oeuvre par la création d'institutions et organismes appropriés. La rationalisation de l'action de l'Etat dans la filière que nous envisageons se rapporte d'une part, à l'amélioration de sa présence et à la facilitation de son identification, car le trop plein d'organes jusqu'ici en concurrence dans la gestion de la filière n'est pas de nature à favoriser la satisfaction des objectifs, sus-évoqués ; et se traduit d'autre part, par une amélioration de la visibilité et l'optimisation de sa démarche. Il n'est certainement pas question pour l'Etat de redevenir interventionniste au sens littéral du terme, mais de mieux encadrer, aux sens structurel et fonctionnel, la logique libérale, dans l'optique de maîtriser ses inconvénients et d'en optimiser les opportunités relativement à la filière cacao. Cela passe nécessairement par, l'instauration d'un organe unique de gestion de la filière (paragraphe 1), et une redynamisation de la coopération en matière cacaoyère (paragraphe 2). Paragraphe 1 : La création d'un unique organe étatique de gestion de la filière cacao - L'Office Camerounais de Cacao et du Café (O3C)Point 1 : Justification de la création de l'O3C L'un des plus grands handicaps à la mise en oeuvre et à l'émancipation d'une gestion durable de la filière cacaoyère demeure la mise en place d'une multitude d'organismes (04 au total), aux missions quasi similaires. Ce qui contribue à gaspiller les ressources financières, à générer des chevauchements voire des blocages et in fine, à diluer l'efficacité de l'action de l'Etat dans la filière. Nous pensons en effet que l'existence à la fois d'un Office de Commercialisation du Cacao et du Café (ONCC), d'un Fonds de Développement du Cacao et du Café (FODECC) ,d'une Cellule de suivi de la cacao culture au sein des Services du Premier Ministre, de la SODECAO, aux côtés d'une Direction de la filière cacao avec de nombreux programmes connexes au Ministère de l'Agriculture et du Développement Rural (MINADER) marque une dispersion d'énergie. Il est alors opportun que l'organe législatif de l'Etat (le parlement) vote une loi harmonisant le fonctionnement de la filière et créant deux institutions au coeur de la gestion de la cacaoculture : l'Office Camerounais de Cacao et de Café (O 3 C), fédération, mieux absorption de toutes les structures existantes, représentant unique de l'acteur étatique ; et le Conseil interprofessionnel du Cacao et du Café(CICC), représentant formel des acteurs privés de la filière, interlocuteur privilégié de l'Etat. (cf. infra, section 2- paragraphe 2) L'Office Camerounais de Cacao et de Café (O 3 C), sous la tutelle des MINADER, MINCOMMERCE et MINFI, représentés au sein d'un conseil d'administration devant être élargi au CICC, sera le seul organisme à la base du développement du cacao pour toute l'étendue du territoire nationale. - Sur le plan technique, sa mission consistera à encadrer la production nationale et garantir la qualité du produit made in Cameroon, avec en charge entre autres, la fourniture en qualité et en quantité du matériel végétal. Il devra en outre se positionner au plan industriel notamment dans la transformation des fèves en s'armant d'un véritable pan industriel (une usine de transformation : chocolaterie, cosmétique) et de plantations propres à l'instar de la SOSUCAM sise à Mbandjock. En plus il devra conforter sa contribution à l'amélioration des visages des bassins de production, à travers la dynamisation d'un important programme d'entretien des pistes de collecte pouvant être facilité par l'initiation d'un partenariat avec le Génie Militaire, et les exploitants forestiers. Enfin, il devra oeuvrer à la modernisation de l'activité par le biais des conventions ingénieuses avec les instituts de recherche à l'instar de l'IRAD pour le matériel végétal amélioré ,et l'Ecole Nationale Supérieure Polytechnique pour l'amélioration et l'actualisation d'un outillage jusqu'ici rustique. Point 2 : Les attributions et l'organisation de l'O3C - Sur le plan de la commercialisation du produit, il s'agira d'encadrer et faciliter cette dernière, en certifiant les acheteurs conjointement avec le CICC d'une part, en mettant à disposition des balances fiables et l'information sur le prix par campagne ; en organisant et en supervisant les marchés périodiques ; en assurant la supervision et le contrôle de la qualité du produit à la vente à l'exportation, d'autre part. - Sur le plan organisationnel et fonctionnel, de manière globale, l'Office Camerounais de Cacao et de Café (O 3 C) sera une entreprise parapublique comprenant trois(03) principales Directions à savoir : *Une Direction Générale, organe exécutif en charge du management général, c'est-à-dire, de la coordination et de la cohésion des activités de tous les autres départements de cet organisme. *Une Direction Technique, sentinelle de la qualité du cacao camerounais, précisément en charge de la fourniture du matériel végétal, de l'accompagnement technique des producteurs de cacao, de l'encadrement des exploitations propres à l'Office Camerounais de Cacao et de Café (O 3 C), avec en plus, une succursale industrielle responsable de la transformation des fèves en produits semi-finis et finis (beurre de cacao, cosmétiques et chocolats). *Une Direction Commerciale dont le rôle se déclinera en l'encadrement de la commercialisation des fèves de cacao et produits dérivant de son pan industriel. De plus elle sera en charge de la labellisation des produits des artisans (transformation artisanale) dans le cadre de la mise en branle d'une politique de commerce équitable. Le financement de son fonctionnement pourra alors découler des subventions budgétaires accordées par l'Etat, des prélèvements à l'exportation, mais à terme, et ce, en grande partie, des ressources issues de la commercialisation des fèves de ses exploitations et des recettes de son bras industriel. Schématiquement cela peut donner lieu à la construction d'un Immeuble Cacao pour l'abriter dont l'architecture en forme de cabosse peut avoir l'allure qui suit.
Figure 1 : Immeuble Cacao ou Immeuble Siège de l'O3C * 43 www.fao.org * 44 Statistiques de la SODECAO, 2011 |
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