§2. La conception objective de l'investissement
La conception objective de l'investissement est l'oeuvre des
tribunaux statuant sous les auspices du CIRDI. Ceux-ci, ont tenté en
l'absence d'une définition conventionnelle, de définir
l'investissement protégé par le centre.65 Leur
tâche était d'appliquer des éléments de base, des
éléments objectifs considérés comme essentiels pour
qu'une opération soit qualifiée d'investissement au sens de
l'article 25 (1) de la convention de Washington.66
En d'autres termes, la qualification d'investissement ne
dépend pas de la volonté des parties ou de leur consentement
à l'arbitrage, mais plutôt de la réunion des
critères
61Saba Fakes c/ Turquie, affaire CIRDI n°07/20,
sentence, du 14 Juillet 2010, supra note 576, §.106.
62Projejkholding Gmbh c/ Ukraine, op.cit.
63MCI Power Group L.C et New turbine Inc. C/ Equateur, affaire CIRDI
n°ARB/03/6, sentence du 31 Juillet 2007. 64 CLAVEL S. et DERAINS Y.,
loc.cit. 65BEN HAMIDA
W.,loc.cit.
66 ONGUENE ONANA D-E., op.cit, p.80.
21
autonomes qui constituent au regard de la convention ci-haut
évoquée, la définition de
l'investissement.67
En ce sens, TODD déclare: « In as much, the
ICSID convention is seen establishing
an objective and autonomous limitation on ICSID
jurisdiction as distinct from the issue of consent ».68
Par conséquent, même si les parties au conflit
conviennent qu'une opération constitue un investissement, et qu'elles
souhaitent utiliser l'arbitrage CIRDI, le tribunal arbitral devra
décliner sa compétence pour défaut des conditions
objectives de l'article 25 (1).69
De ce qui précède, NZOHABONAYO souligne que :
« l'article 25 (1) de la convention de Washington a restreint
implicitement la compétence du CIRDI en imposant certaines limites
extérieures sur la notion d'investissement ».70
Du même avis, Michael HWANG renchérit l'origine
du concept « limite extérieure » ou « outer limit »
:
« The term outer limit was first used by the chairman
of the regional consultative meeting of legal settlement of investment disputes
when he reported on July 1964 that: the purpose of section 1 is not define the
circumstances in which recourse to the facilities to the center would in fact
occur, but rather to indicate the outer limits within which the center would
have jurisdiction provided the parties consent had been attained. Beyond this
outer limits, no used could be made the facilities of the center even with such
consent ». 71
Cette théorie objective a été
appliquée pour la première fois dans l'affaire Salini
Construttori SpA et Italstrade c/ le Royaume du Maroc72. Ce litige a
été la conséquence d'un non-paiement par l'Etat
défendeur (le Maroc), aux requérants, deux sociétés
de construction italiennes, pour exécution tardive (retard de 4 mois par
rapport au délai stipulé au contrat) du contrat
d'exécution d'une autoroute, conclu entre ceux-ci et une
société nationale des
67BEN HAMIDA W., loc.cit.
68 WEILER T., international investment law and
arbitration: leading cases from the ICSID, NAFTA, Bilateral treaties and
customary international law, Londres, 2005, pp.52-54.
69 NZOHABONAYO, loc.cit.
70Ibidem.
71HWANG M., cité par Ibidem.
72Salini construttori SpA et Italstrade SpA c/ Royaume
du Maroc, op.cit.
22
autoroutes du Maroc (ADM). Cette dernière a
affirmé que le contrat n'avait pas été achevé dans
les délais prévus, ce qui constituait un manquement aux
obligations contractuelles, tandis que les requérants ont fait valoir
que le retard avait été dû à des causes externes,
non à l'inexécution par eux de leurs obligations
contractuelles.73
Saisi des faits en 2000, le juge arbitral du CIRDI s'set
buté à l'objection du défendeur : un contrat de
construction d'une autoroute constitue-t-il un investissement ?
A cet effet, le tribunal a établi une distinction entre
la définition de l'investissement contenue dans le TBI et
l'investissement applicable à une exigence de compétence à
l'article 25 (1) de la convention de Washington.74
Il a été jugé que le seul fait que les
Etas parties au TBI (le Maroc et l'Italie) ont convenu de considérer ces
actifs comme un investissement était insuffisant pour satisfaire
à l'exigence de compétence posée à l'article 25 de
la convention.75
Le tribunal a estimé que :
« L'existence d'un différend relatif aux
investissements selon la convention de Washington ne se réduit pas au
consentement des parties contractantes.76 Elle exige la
présence de quatre (4) critères pour qu'une opération
réponde à la qualification d'investissement. Il s'agit entre
autres des apports, d'une durée d'exécution et d'une
participation aux risques de l'opération. Un quatrième
élément, « la contribution au développement
économique », s'ajoutant aux trois premiers, tire sa source du
préambule de la convention instituant le CIRDI ».
Selon cette sentence, ces quatre critères sont
interdépendants et doivent être par conséquent
cumulativement satisfaits.77
Plusieurs décisions postérieures ont repris ce
raisonnement. Tel est le cas de l'affaire Joy Minnig c/ Egypte78 ou'
il a été admis :
« Le fait que la convention n'ait pas défini la
notion d'investissement ne signifie pas que tout ce que les parties auront
été d'accord pour qualifier
73Salini c/ Maroc,
op.cit.
74Salini c/ Maroc.
75Salini c/ Maroc.
76Salini c/ Maroc.
77Salini c/ Maroc.
78Joy Minning Machinery Limited c/ République
Arabe d'Egypte, affaire CIRDI n° ARB/03/11, décision sur
la
compétence, supra note aux
§.49-50.
23
d'investissement, entrera dans la notion d'investissement
au sens de la convention (...). La liberté des parties de définir
un investissement connait certaines limites, si elles souhaitent donner
compétence à un tribunal CIRDI. Les parties à un litige ne
peuvent pas, au moyen d'un contrat ou d'un traité, qualifier
d'investissement aux fins de la compétence du centre, quelque chose qui
ne satisfait pas aux conditions objectives de l'article 25 de la convention. Si
tel n'était pas le cas, l'article 25 et la condition d'investissement
qu'il pose, même si celui-ci n'est pas défini
précisément, perdraient toute signification
».79
De même, dans la décision d'annulation rendue sur
l'affaire MHS c/ Malaisie80,
l'opinion dissidente a affirmé que le concept
d'investissement contenu dans l'article 25 (1) de la convention de Washington
devrait être interprété de manière à placer
« une outer limit » ou
une « limite extérieure » à la notion
d'investissement au sein du CIRDI, au-delà duquel l'accord des parties
sur ce qui, constitue un investissement serait inefficace pour créer un
investissement CIRDI.81
En justifiant son opinion, l'arbitre dissident a affirmé
:
« A reasonable inference is that contracting states
did not agree that these burders on then would apply to benefit transactions
which did not promote the economic development of the host State. It is
difficult to see why a purely commercial entity, intended only for enrichment
of its owners and not connected with the economic development of the host
State, is entled to bring before ICSID a dispute concerning an investment in
the host State. SCHREUER note that « it was always clear that ordinary
commercial transactions would not be covered by the center's jurisdiction
».82
Cependant, les critères retenus dans la jurisprudence
Salini c/ Maroc, autrement
appelés les « critères salini » ne
font pas l'unanimité à ce jour. Nous pouvons constater avec
ONGUENE ONANA qu'après l'affaire Salini, le courant des critères
objectifs s'est singularisé par une inconstance qui s'est
manifesté par des décisions divergentes83, que nous
pouvons classer en quatre tendances : la première est celle qui reprend
les quatre « critères salini » tels quels ; la deuxième
tendance consacre uniquement
79Salini c/ Maroc, op.cit.
80Malaysian Historical Salvors, SDN, BHD c/ Malaisie,
affaire CIRDI n°ARB/05/10, décision d'annulation du
comité ad hoc, le 16 Avril 2009
81MHS c/ Malaisie, décision d'annulation.
82MHS c/ Malaisie, décision d'annulation.
83 ONGUENE ONANA D-E., op.cit, pp.206-207.
24
trois des quatre « critères salini »,
à l'exclusion de celui de la contribution au développement
économique ; la troisième tendance fait plutôt du
critère de contribution au développement économique, un
élément incontournable ; et enfin la quatrième tendance
reprend les quatre « critères salini » mais tout en ajoutant
les critères de respect de la législation de l'Etat d'accueil, et
de bonne foi.84
Nous ne sommes plutôt pas d'avis avec l'auteur
précédemment cité, au point ou' il pense qu'il existe 5
tendances « post-salini ». Celui-ci reprend les trois
premières tendances mais y ajoutent une quatrième qui «
satisfait à la simple complétude des critères de l'apport
et de sa rémunération »85, et une
cinquième basée sur le critère de « la
régularité des revenus et des profits »86.
Bien évidemment, la quatrième tendance est comprise dans les
trois premières, et la cinquième devrait plutôt être
complétée par le critère de bonne foi, comme nous le
renseigne l'affaire Phoenix action c/ République
Tchèque.87
Ainsi, l'analyse de quatre tendances post-salini
s'avère judicieux ; et grâce à laquelle la suite de ce
travail en dépendra.
1ère tendance
C'est celle qui reprend in extenso les « critères
salini » : l'apport, la durée, le risque et la contribution au
développement économique. Tel est le cas des affaires Joy Minnig
c/ Egypte, Malaysian Historical Salvors, SDN, BHD c/ Malaisie, R.F.C.C c/
Royaume du Maroc88 et Jan de Nul N.V et Dredging international N.V
c/ Egypte89.
2ème tendance
C'est celle qui reprend uniquement trois des quatres «
critères salini », à l'exclusion de celui de contribution au
développement économique. Elle part de la conception retenue par
les juges dans l'affaire Biwater c/ Tanzanie, lesquels ont prévu ce qui
suit :
« There is not basis for a rote, or overly strict,
application of salini criteria in every case. These criteria are not fixed or
mandatory as amtter of law. They
85 ONGUENE ONANA, loc.cit.
86Ibidem.
87Phoenix Action c/
République Tchèque, op.cit.
88Consortium R.F.C.C c/
Royaume du Maroc, affaire CIRDI n°ARB/00/6, décision sur la
compétence du 1er Juillet
2001.
89Jan de Nul N.V et Dredging
international N.V c/ République Arabe d'Egypte, affaire CI RDI
n°ARB/04/13,
décision sur la compétence du 16 Juin
2006.
25
do not appear in the ICSID convention. On the contrary, it
is clear from the the travaux préparatoires of the convention that
several attempts to incorporate a definition of « investment » were
made, but ultimately did not succeed (...). Given that convention was not
drafted with a strict, objective, definition of investment, it is doubtful that
arbitral tribunals sitting in individual cases should impose such definition
which would be applicable in all cases and for all purposes (...). Further, the
« salini test » is itself problematic as, as some tribunal have
found, the « typical characteristics » of an
investment as identified in that decision are elevated into a fixed and
inflexible test, and if transactions are to presumed excluded from the ICSID
convention unless each of these criteria are satisfied. The risk the arbitrary
exclusion of certain type of transaction from the scoope of convention
(...).
The Arbitral Tribunal therefore considers that a more
flexible and pragmatic approach to meaning of « investment » is
appropriate, which takes into account the feautures identified in salini, but
along with all the circumstances of the case, including the nature of
instrument containing the relevant consent to ICSID
».90
Ce point de vue a été prise en compte dans
l'affaire L.E.S.I S.p.A et Astaldi S.p.A c/ Algérie91 ou' il
a été décidé :
« Il parait conforme à l'objectif auquel
répond la convention qu'un contrat, pour constituer un investissement au
sens de la disposition, remplisse les trois conditions suivantes : il faut a)
que le contractant ait effectué un apport dans le pays concerné,
b) que cet apport porte sur une certaine durée, et c) qu'il comporte
pour celui qui le fait un risque ».92
En ce qui concerne le critère de contribution au
développement économique, il a été rejeté
par cette affirmation :
90Biwater Gauff (Tanzania) Ltd. c/
République de Tanzanie, affaire CIRDI n° ARB/05/22, sentence du 24
Juillet 2008.
91L.E.S.I S.p.A et Astaldi S.p.A c/
République d' Algérie, affaire CIRDI n° ARB/05/3,
décision sur la compétence et la recevabilité, le 12
Juillet 2006.
92L.E.S.I S.p.A c/ Algérie, décision sur
la compétence et la recevabilité.
26
« Il ne parait en revanche pas nécessaire
(qu'une opération) réponde à la promotion
économique du pays, une condition de toute façon difficile
à établir et couverte par les trois éléments
retenus ».93
De plus, ce critère de « contribution au
développement économique est d'ores et déjà incluse
dans les trois conditions classiques énoncées dans l'affaire
Salini c/ Maroc ».94
De même, dans l'affaire Victor Pey Casado c/ Chili, les
arbitres ont affirmé que :
« L'exigence d'une contribution au
développement économique de l'Etat d'accueil, difficile à
établir, parait en effet relever davantage du fond du litige que de la
compétence du centre. Un investissement peut s'avérer utile ou
non pour l'Etat d'accueil sans perdre cette qualité. Il est exact que le
préambule de la convention CIRDI évoque la contribution au
développement économique de l'Etat d'accueil. Cela ne signifie
pas que le développement de l'Etat d'accueil soit un
élément constitutif de la notion d'investissement. C'est la
raison pour laquelle comme l'ont relevé certains tribunaux arbitraux,
cette quatrième condition est en réalité englobée
dans les trois premières ».95
Un tel argumentaire a été également
appliqué par les affaires L.E.S.I - Dipenta c/
Algérie96Antoine Abou Lahoud, Leila Bounafeh-Abou Lahoud c/
République démocratique du Congo97, et Victor Pay
Casado c/ Chili98.
3ème tendance
Cette tendance met en exergue le caractère sine qua non
du critère de contribution au développement économique de
l'Etat d'accueil, parmi les éléments objectifs d'un
investissement, à la lumière de l'article 25 (1)
de la convention de Washington. Tel est le cas de l'affaire Patrick Mitchell c/
République démocratique du Congo99.
Ce contentieux a opposé Monsieur Patrick Mitchell, un
sujet américain et actionnaire du cabinet d'avocats « Mitchell et
associés » installé en RDC. Ce monsieur estime
93L.E.S.I.S.p.A c/ Algérie,
décision sur la compétence et la recevabilité,
op.cit.
94Bayindir Insaat TurizmTicaret Ve Sanayi AS c/
République islamique de Pakistan, loc.cit.
95Victor Pey Casado et alii c/ République du
Chili, op.cit.
96Consortium L.E.S.I - Dipenta c/ République
d'Algérie, op.cit.
97Antoine Abou Lahoud, Leila Bounafeh-Abou Lahoud c/
République démocratique du Congo, op.cit.
98 Victor Pey Casado et aliic/ Chili.
99Patrick Mitchell c/ République
démocratique du Congo, affaire CIRDI n° 99/7, sentence du 9
Février 2004.
27
avoir été exproprié par les
autorités congolaises, suite à une intervention par ses forces
militaires le 5 Mars 1999, sans qu'elle ne soit annoncée. Lors de cette
action, qui a duré plusieurs heures, le cabinet Mitchell a
été fouillé et mis sous scellés, des documents
jugés compromettants ont été saisis et deux de ses
collaborateurs ont été emprisonnés. Ces derniers ont
été détenus pendant huit mois, jusqu'à leur
acquittement par un arrêt de la cour d'ordre militaire, rendu le 12
Novembre 1999, qui prononça par ailleurs la mainlevée des
scellés du cabinet Mitchell, et la restitution des documents
saisis.100
Suite à ces faits, le demandeur saisit le CIRDI sur
base du TBI RDC-USA en vue de se faire indemniser, pour préjudice
subi.101
Dans sa sentence du 9 Février 2004, le tribunal
arbitral a décidé à la majorité, que le litige
entre dans la compétence du CIRDI et a condamné l'Etat congolais
à payer une compensation.
Les arbitres ont semblé à ce point
privilégier la conception subjective de l'investissement, suite au
constat que la propriété de Mr MITCHELL au sein d'offices «
Mitchell and associates » ainsi que les ressources et activités
liées à ce cabinet constituent un investissement au sens du TBI
RDC-USA102et de la convention du CIRDI.
Ils ont affirmé à cet effet :
« Le TBI contient une notion d'investissement qui est
large que celle de la
convention CIRDI »103 et que
« cette activité et la valeur économique qui lui
est associée constituent un investissement au sens du TBI et de la
convention
CIRDI ».104
Un retentissement survient le 7 Juin 2004, lorsque la RDC
introduit une demande en annulation en vertu de l'article 52 de la convention
instituant le CIRDI. Plus particulièrement, la requérante, la
République démocratique du Congo a invoqué l'excès
de pouvoir manifeste et le défaut des motifs quant à la
compétence du tribunal au regard de la définition de
l'investissement.
100 Lire utilement KAMBA LOBO G., La
problématique de la notion d'investissement à la lumière
de l'affaire Patrick Mitchell c/ République démocratique du
Congo, Travail de fin de cycle, Université de Kinshasa,
Année Académique 2013-2014, p.3.
101 Patrick Mitchell c/ République
démocratique du Congo, affaire CIRDI n° 99/7,
op.cit.
102 Patrick Mitchell c/ RDC.
103 Patrick Mitchell c/ RDC.
104 Patrick Mitchell c/ RDC.
28
En clair, la RDC a soutenu que l'activité du cabinet
Mitchell ne répondait pas aux conditions objectives relatives à
l'investissement, étant donné qu'elle ne constituait pas une
opération à long-terme ou matérialisée par un
apport important des ressources, et qu'elle n'était pas d'une importance
telle que pour l'économie du pays pour qu'elle se distingue d'une
opération commerciale ordinaire.105
Le comité ad hoc dans sa décision a admis que
« l'activité de Mr Mitchell ne participe pas au
développement économique et social de l'Etat d'accueil, mais
plutôt à la promotion de l'investisseur
lui-même.106
En définitive, le comité, prenant en
considération la jurisprudence et la doctrine a identifié quatre
critères cumulatifs de l'investissement. Il a argumenté en ces
termes :
« Les caractéristiques de l'investissement
mises en évidence par la jurisprudence CIRDI et commentées par la
doctrine sont au nombre de quatre, mais elles sont en réalité
interdépendants et dès lors examinés de manière
globale. La première caractéristique de l'investissement est
l'apport qui peut-être financier ou en industrie (...). D'autres
caractéristiques de l'investissement sont la durée du projet et
le risque économique qu'il représente, au sens de l'incertitude
qui pèse sur sa réussite. La quatrième
caractéristique de l'investissement est la contribution au
développement économique du pays d'accueil
».107
Notons par ailleurs que, même si cette décision
du comité ad hoc a renoué avec les « critères salini
», elle ne définit pourtant pas ce qu'elle entend par «
contribution au
développement économique de l'Etat d'accueil
». Elle s'est seulement limitée à dire :
« L'existence d'une contribution au
développement économique de l'Etat d'accueil comme
caractéristique essentielle - bien que suffisante - ou critère
incontestable de l'investissement, ne signifie pas que cette contribution doit
toujours être importante ou fructueuse ; et bien sur les tribunaux CIRDI
n'ont pas à évaluer la contribution réelle de
l'opération en cause. Il suffit que l'opération contribue d'une
manière ou d'une autre au développement de
105Patrick Mitchell c/ RDC, décision
d'annulation, le 1er Novembre 2006. 106Patrick Mitchell
c/ RDC, décision d'annulation. 107 Patrick Mitchell c/ RDC,
décision d'annulation.
29
l'Etat d'accueil. Ce concept étant de toute
façon très vaste mais aussi variable selon les cas ».
108
La même approche a été appliqué
dans l'affaire SDN, BH c/ Malaisie.109 Il s'agit dans ce cas d'un
litige né d'un contrat conclu entre la société MHS SDN
BilD et le gouvernement Malaisien en 1971, pour la récupération
de la cargaison de la « DIANA », un navire qui coula au large de
Malacca. La demanderesse (la société SDN) a été
requise d'utiliser son expertise, sa compétence et ses appareillages
pour effectuer l'opération de récupération. Il a
été également obligé, entre autres de nettoyer, de
reconstituer et de cataloguer des articles récupérés. Un
contrat conclu plutard a confié à cette société la
mission d'organiser des enchères pour la vente des articles, à
l'issue duquel l'investisseur n'a pas bénéficié d'une
somme de la valeur de 2, 98 Millions de dollars.110
A cet effet, le demandeur saisit le CIRDI sur le fondement du
TBI Malaisie - Royaume-Uni. Dans le fond de ce litige, les arbitres ont
examiné si ce contrat constitue un investissement au sens de la
convention de Washington instituant le CIRDI ? Ils ont déduit de ce fait
que ce contrat ne constitue pas un investissement parce qu'il il ne remplit pas
les critères du risque111 et celui de la contribution au
développement économique de l'Etat d'accueil.
Concernant le critère de contribution au
développement économique, il a été affirmé
par l'un des arbitres HWANG, « le fait que l'exécution du
contrat avait offert des possibilités d'emploi aux résidents
locaux, elle n'était cependant pas suffisant pour établir la
contribution significative au développement ».112Il
a ajouté que « les profits apportés par ce contrat
étaient plutôt de nature culturelle et historique
»113. Des propos déclarés ainsi:
« The benefits which the contract brought to the
respondent are largely cultural and historical. The benefits, and any other
direct financial benefits to the respondent, have not been shown to have led
to
108 Patrick Mitchell c/ RDC, décision d'annulation,
op.cit.
109Malaysian Historical Salvors SDN BHD c/
République de Malaisie, affaire CIRDI n°ARB/05/10, décision
sur la compétence du 17 Mai 2007.
110 MHS c/ Malaisie, décision sur la
compétence.
111 Les arbitres ont déclaré que le risque
encouru par l'investisseur dans ce contrat de renflouage était un simple
risque commercial, en ce termes : « an ordinary commercial contract
cannot be considered as an investment ».
112 MHS c/ Malaisie, décision sur la compétence.
113 MHS c/ Malaisie, décision sur la compétence.
30
significant contributions to the respondent's
economy in the sense envisaged in ICSID jurisprudence
».114
Toutefois, il convient de préciser que cette
décision a été annulée par un comité ad hoc
qui pense que ce contrat était un investissement car c'était
« un exemple d'une catégorie d'actifs »115
et, conformément à la définition donnée à
l'article 1er du TBI Malaisie - Royaume-Uni, il y avait «
une créance liquide et un droit à des prestations au titre d'un
contrat à valeur financière »116. De plus,
« le contrat englobe des droits de propriété
intellectuelle ; et le droit de sauvetage conféré par contrat
»117.
Ainsi, le comité d'annulation pense que la
décision initiale a interprété restrictivement le
critère de contribution au développement économique de
l'Etat d'accueil, d'une façon propre à exclure les petites
contributions de caractère culturel et historique.118
A ce titre, étant donné que le premier tribunal
a minimisé la contribution de l'investisseur dans les secteurs culturels
et patrimoniaux, le comité ad hoc lui a vigoureusement reproché
en observant, qu'il :
« Commet un excès de pouvoir manifeste (...),
tourne le dos à l'intention des rédacteurs de la convention de
Washington, (parce qu'il) n'a pas tenu compte de la définition large de
l'investissement retenue par le traité de protection des investissements
en cause et impose artificiellement une condition de contribution à
l'économie de l'Etat d'accueil le conduisant à exclure les
investissements ne présentant pas une certaine importance ou concernant
les domaines de la culture ou du patrimoine historique
».119
4ème tendance
Cette tendance est née de la sentence Phoenix action c/
République Tchèque.120 Elle a mis en oeuvre la plus
longue liste des facteurs de l'investissement, car en plus des
114MHS c/ Malaisie, décision sur la
compétence, op.cit. 115MHS c/ Malaisie,
décision sur la compétence. 116MHS c/Malaisie,
décision sur la compétence.
117 Idem, décision d'annulation du comité
ad hoc, le 16 Avril 2009.
118 MHS c/ Malaisie, décision d'annulation
119 MHS c/ Malaisie, décision d'annulation.
120Phoenix action c/ République Tchèque,
affaire CIRDI n° ARB/06/5, sentence du 15 Avril 2009, op.cit.
31
quatre « critères salini », elle y ajoute les
critères de bonne foi dans la transaction et de respect de la
législation de l'Etat d'accueil. Le tribunal de séant a ainsi
déclaré121 :
« Récapitulant toutes les conditions à
réunir par un investissement pour bénéficier de la
protection du CIRDI, six éléments ci-après sont
considérés :
1. Une contribution aux actifs ou autres actifs ;
2. Une certaine durée ;
3. Un élément de risque ;
4. Une opération exécutée afin de
développer une activité économique dans l'Etat d'accueil
;
5. Des actifs investis de bonne conformément
à la législation de l'Etat d'accueil ;
6. Des actifs investis de bonne foi
»122.
En outre, il a été prévu :
« (...) qu'un examen approfondi de toutes ces
conditions n'est pas toujours nécessaire, car elles sont le plus souvent
remplies a priori, quand elles ne se recouvrent pas partiellement ou ne sont
pas implicitement subsumées dans d'autres conditions, et qu'elles
doivent être analysées compte dument tenu de toutes les
circonstances »123.
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